lundi 31 mai 2010

Appel à une marche nationale le 12 juin

26 mai 2010

Mousavi et Karoubi n’hésitent pas

Appel à une marche nationale le 12 juin

Bahram Rafiï



A l’approche de l’anniversaire des élections iraniennes contestées du 12 juin 2009, les deux candidats Mir-Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi se sont rencontrés pour réaffirmer leurs positions et la nécessité d’une marche nationale 12 mois après les évènements.

Après leur réunion, Moussavi et Karroubi, qui demandent depuis un an à la population d’exprimer son rejet du résultat annoncé des élections reconduisant le président sortant Mahmoud Ahmadinedjad, ont annoncé : « Le peuple devrait être invité à participer à une marche nationale si une permission officielle est obtenue. Sinon, l’annonce sera faite par les médias sociaux vastes et pacifiques. »

L’ancien premier ministre et l’ancien président du parlement ont aussi demandé que tous les évènements qui ont eu lieu depuis juin dernier soient publiés et clarifiés : « un tel récit est important pour le progrès du mouvement Vert ; il fera la lumière sur la droiture de la nation. »

Les deux dirigeants ont également mis en garde contre l’inutilité de la violence gouvernementale contre la croissance du mouvement Vert et ont cité les évènements de la semaine dernière dans les universités de tout le pays : « Le peuple demande les droits qui lui sont octroyés par la constitution et veut des élections libres et sans sélection préalable ainsi que la libération des prisonniers politiques et la liberté de la presse. »

Ces dernières semaines, il y a eu une nouvelle vague d’attaques de volontaires bassij et de tabassage d’étudiants dans toutes les universités iraniennes, surtout l’université de Téhéran ; ces attaques reprennent à l’approche de l’anniversaire des élections truquées de l’année dernière. Les tribunaux sanctionnent plus lourdement et les interdictions de poursuites d’études pour les militants étudiants sont également en hausse.

Pendant cette réunion, Moussavi et Karroubi ont également parlé de la violence commise par les agents en civil contre les personnalités de l’opposition entre autres : « Ces évènements sont préparés à l’avance et font suite aux atrocités commises à la prison de Kahrizak et à la cité universitaire de l’université de Téhéran, la seule différence étant la forme et non le fond. »

Suite à leur réunion, les deux dirigeants de l’opposition ont déclaré que de telles atrocités sont commises contre la population parce que la population n’en parle pas. Ils ont souligné la nécessité d’empêcher et d’arrêter fin de telles pratiques illégales et anti-religieuses, sans tenir compte de l’idéologie ou des accusations portées contre ceux qui les commettent et que leurs droits doivent être défendus parce que l’Islam demande la défense des droits des opprimés, quelles que soient leurs opinions.

Les appels de Moussavi et Karroubi font référence aux attaques contre les personnalités de l’opposition qui ont eu lieu récemment. Il y a quelques semaines, l’ancien ministre des communications Seyyed Ahmad Motamedi a été attaqué et blessé. Suite à cette attaque, des hommes armés portant des talkies-walkies ont attaqué la voiture de Mohammad-Ali Abtahi, un allié proche de Karroubi, l’endommageant.

Les deux personnalités populaires de l’opposition ont condamné la désinformation croissante et la manipulation des données par les fonctionnaires ; ils ont déclaré ces pratiques anti-islamiques demandant à la population d’exiger la séparation de l’islam de ces pratiques.

Un autre sujet mentionné est l’économie ; ils ont fait la liste des principaux problèmes économiques actuels : la régression des industries nationales, la hausse du chômage et les conditions terribles des salariés, ouvriers et enseignants.

Ils ont souligné que les autorités distraient l’attention de la population des problèmes sérieux du pays : « Au lieu de rationaliser le chômage et l’inflation, les décisionnaires devraient s’attaquer à ces problèmes et soutenir l’économie nationale et ils verraient la baisse du niveau des crimes. »

Revenant à leurs positions antérieures, ils ont appelé les dirigeants de la radiotélévision nationale (IRIB) à ouvrir leur réseau pour que d’autres puissent aussi les utiliser. « Il y aura davantage d’unité nationale si le réseau mettait fin à ses pratiques de monopole. ». L’unité nationale est une demande que les autorités ont présenté pour mettre fin aux manifestations contre les élections présidentielles de l’année dernière. « Pour faire circuler la désinformation sur les évènements de la première décennie de la révolution, les voix des dirigeants et des étrangers sont malheureusement à l’unisson. Il faut présenter une image non biaisée des évènements passés. »

Moussavi était premier ministre pendant la première décennie qui a suivi la révolution de 1979.

L’appel de Moussavi et Karroubi à une marche nationale de protestation pour l’anniversaire des élections présidentielles de l’année dernière, leur demande de permis pour cette manifestation, l’accent mis sur d’autres anniversaires à venir vient au moment où les autorités militaires du pays, appartenant à la milice bassidj et aux gardes révolutionnaires (IRGC) ont, dans les semaines précédentes, mis en garde contre tout rassemblement protestataire.

Hossein Firouzabadi, commandant en chef de l’armée a parlé de ce sujet lors des prières de l’amée vendredi : « Même si les fauteurs de trouble ont modéré leurs prises de position, ce n’est que de la politique et il est possible que ceux qui recherchent un coup d’état de velours reprennent la direction du mouvement. »

Le commandant en second de l’IRGC Ali Fazli, a également publié un avertissement pour l’anniversaire de la mort de l’ayatollah Khomeiny qui approche : « Nous devons aveugler les fauteurs de troubles lors des célébrations de cette année. » Il a demandé que 2 millions de personnes participent aux prières : « L’anniversaire de cette année doit se révéler le plus grandiose. »

Hossein Hamedani, commandant de la force Mohammad Rassoulallah a également appelé le public à participer massivement aux célébrations annuelles du 4 juin marquant la mort de l’ayatollah Khomeiny et déclaré que les célébrations devaient être « sans précédent sur cette terre. » Il a aussi demandé à ceux qui viendront prier pour le fondateur de l’état islamique de quitter le mausolée de Khomeiny situé en dehors de Téhéran comme prévu sans créer d’embouteillages. Ces paroles sont des avertissements contre des manifestations possibles pendant l’évènement.

Source : http://www.roozonline.com/english/news/newsitem/article/2010/may/26//call-for-a-national-march-on-june-12.html

dimanche 30 mai 2010

Mohsen Peykvand: Crime contre l'Humanité à Rajaï-Shahr

Human Rights Activitis News Agency

Document – Vidéo d’un prisonnier torturé à la prison de Rajaï-Shahr de Karaj (Iran)


La prison de Rajaï-Shahr de la ville de Karaj (50 km de Téhéran) est l’une des prisons les plus dangereuses d'Iran. Rajaï-Shahr est devenu un lieu de détention pour plus de 70 prisonniers politiques. En raison des comportements arbitraires des responsables de cette prison, de très graves violations des droits de l’homme y ont été commises : torture, viol, meurtre, etc. 

HRANA, l’organe d’information du groupement des militants des droits de l’homme en Iran, a décidé de publier un nouveau document vidéo dans le cadre de la publication des preuves concernant le comportement barbare des responsables de cette prison. 

Cette vidéo a été enregistrée à la prison de Rajaï-Shahr. Elle a été transmise à l’extérieur par un moyen dont l’agence ne publie pas les détails pour des raisons de sécurité. Cette vidéo fournit des informations sur les actes de torture et les violences inhumaines subis par plusieurs prisonniers.

Ces documents, ainsi que la vidéo publiée par l’agence hier révélant le témoignage d’un prisonnier ayant été violé et torturé, ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres démontrant la situation catastrophique des prisonniers dans ce lieu de détention et le manque total d’intérêt des responsables de cette prison et du pouvoir judiciaire iranien à l’égard de cette situation. [Lire aussi sur ce blog: Bahram Tasviri Khiabani]

Concernant la direction de cette prison, il convient d'ajouter les points suivants : 
- L’ancien directeur (M. Sh.) a été jugé coupable et arrêté en 2003 pour un trafic de filles iraniennes vers les pays du golfe persique (cette personne purge actuellement « sa peine » en étant le responsable des paramilitaire basijis de cette même prison).
- L’ancien responsable de sécurité (R. Khademi) a été exilé ailleurs pour avoir harcelé des prisonnières de cette prison.
- Le médecin et d’autres responsables de sections ont été arrêtés ces 18 derniers mois pour des violences commises et trafic de drogue.   

De très nombreux détenus de cette prison, à l’image des témoins qui apparaissent dans ces vidéos, ont à plusieurs reprises réclamé le soutien des associations de défense des droits de l’homme pour leur sécurité et leur vie. Ils ont espoir que, grâce à leurs révélations et malgré l’énorme risque encouru pour leur vie, les responsables de cette prison changeront de comportement et que les droits les plus élémentaires des prisonniers seront respectés.   




Transcription de cette vidéo
Ici c'est la prison de Rajaï-Shahr, section #1, salle #1, le 1er Khordad 1389 (22 Mai 2010). Nous sommes auprès de Monsieur Mohsen Peykvand.  Aujourd’hui, Hassan Akharian, directeur de la prison, a violemment frappé Moshen et quelques autres prisonniers. Il a brisé la main de Mohsen. Lorsqu’il a été transféré à l’infirmerie, le Docteur Rajavi, responsable de l’infirmerie, a demandé son hospitalisation mais Hassan Akharian (et Amini [?]) se sont opposés à l’hospitalisation de Mohsen et d'autres prisonniers. Hassan Akharian est devenu un énorme problème pour les prisonniers ici. Il a ouvert une salle de torture. Il a fait interdire les visites de façon arbitraire. Il est drogué et se comporte comme un fou. Bref, il a beaucoup aggravé la situation dans cette prison. Monsieur Mohsen Peykvand va lui-même vous l’expliquer.

  • Mohsen : qu’est-ce que je dois dire ?
  • Raconte ce qui s’est passé.
  • Mohsen : sur un malentendu, ils m’ont emmené au studio [cellule d'isolement, voir plus bas], ils m’ont menotté et bandé les yeux, avec Monsieur Saman Mohammadi. J’étais avec quelques autres. Ils sont partis dans la salle. Il nous a retenu tous les deux. Il l’a fait de son propre chef. Il s’est mis à nous frapper. On a demandé : "pourquoi sur un malentendu, sans bagarre et sans rien du tout?" Il m'a bandé les yeux et m’a frappé. Je ne peux plus bouger les mains et les pieds. J’ai perdu conscience. On m’a emmené à l’infirmerie. Là-bas, Monsieur Rajavi le responsable de l’infirmerie, a demandé que je sois hospitalisé. Monsieur Akharian et Monsieur Amin [ont] envoyé le gardien pasdar [gardien de la révolution] de la section pour dire que ce n’était pas possible, qu’ils n’étaient pas d’accord. Ils ont dit qu'ils prenaient la responsabilité de ne pas nous hospitaliser. On n’a aucune garantie pour nos vies. 
  • Vous pouvez porter plainte contre Monsieur Akharian ?
  • Oui
  • Vous l’avez déjà fait ? Il y a eu une suite ?
  • Non
[Mohsen ne parlera plus dans la suite de cette vidéo. D’autres prisonniers (au moins 2 ou 3 autres), apparemment regroupés autour de Mohsen et du principal intervenant, témoignent]
  • Est-ce que quelqu’un d’autre veut dire autre chose ?
  • [inaudible]
  • … tu ne veux pas dire quelque chose ?
  • Non, je n’ai rien à dire
  • Dans cette prison, il n’y pas que ce cas. Tout le monde est dans la même situation. Personne ne se donne la peine de s’occuper de cette situation. Les gardiens introduisent des drogues dans la prison et tout le monde s’en fout. Tout le monde souffre dans cette prison. Les tortures auxquelles on est soumis, là vous avez vu l’un des meilleurs cas. 
  • Ses 2 bras sont cassés et il a été frappé et tu dis que c’est un bon cas ?
  • Oui, c’est un des meilleurs cas
  • Bahram Tasviri a été frappé dans « le studio » (?) [nom utilisé pour les cellules d’isolement ? voir plus bas], ils lui ont brisé les deux pieds, la main. Il est dans un sale état. Sa famille a porté plainte. Sans aucune suite. 
  • Saman Mohammadi [un autre prisonnier semble vouloir indiquer le cas de Saman Mohammadi évoqué aussi par Mohsen Peykvand]
  • Comment sont les cellules d’isolement, qui sont appelées « les studios » ?
  • C’est affreux. Pas de douche. On ne peut aller aux toilettes que deux fois par jour. Ils gardent [les prisonniers] là-bas sans [date ?].
  • Dis lui que les soirs on entend ces cris… [inaudible]
  • Ici, dans la salle 2, entendre les bruits de torture et les cris des prisonniers c’est devenu quelque chose de normal pour nous. Deux mètres au-dessus de notre tête, ce sont les cellules d’isolement de la première section. Je ne sais pas s’il y a une instance responsable pour surveiller cette situation ?
  • Non, ils disent qu’ils ont les pleins pouvoirs, ils disent frapper.
  • Oui [Hassan] Akharian [le directeur de la prison] lui-même m’a dit qu’Ali Haj-Kazem lui a donné les pleins pouvoirs. 
  • Quelques agents ont été payés pour venir nous frapper dans notre sommeil, nous ont arrosé d’eau bouillante. Et personne n’a donné suite. 
  • Monsieur Akharian dit que comme il est un [agent des Renseignements], personne n’ose lui dire quoique ce soit dans cette prison. 
  • [conversations inaudibles]
  • Fin 












Source : Human Rights Activitis News Agency

samedi 29 mai 2010

Bahram Tasviri Khiabani: Torturé et violé pour avoir protesté dans la section « niche » de la prison (Rajaï-Shahr)

Saeed Valadbaygi 
28 mai 2010

Bahram Tasviri Khiabani
Prison Rajaï-Shahr (Karaj)

Téhéran, le 28 mai – les détenus d’un bloc cellulaire de Karadj surnommé « la niche » sont harcelés et torturés, leurs mains, leurs pieds et quelquefois leurs mâchoires brisés par le traitement brutal du responsable du bloc où ils sont envoyés pour avoir protesté a appris Iran Focus.Saman Mohammadian et Mohsen Bigvand, deux détenus de cette prison de Rajaï-Shahr, sont actuellement à l’infirmerie et plus d’une dizaine sont à l’isolement suivant les militants des droits humains et de la démocratie en Iran.


Un autre parmi les nombreux prisonniers de la niche torturés c’est Bahram Tasviri Khiabani, 30 ans, emprisonné depuis six ans. Il a été mis à l’isolement pendant cinq jours il y a environ six semaines pour avoir protesté contre les insultes que Youssefi, un fonctionnaire de la prison, avait proféré contre sa famille.

Bahram Tasviri Khiabani a demandé à appeler sa famille, mais les gardiens ont refusé. D’après les rapports, le responsable de la niche, Hassan Akharian, a appelé la mère de Tasviri pour lui dire que son fils était mort et qu’ils pouvaient récupérer le corps à l’infirmerie pour l’enterrer. En entendant la nouvelle, la mère de Tasviri a fait un arrêt cardiaque et a du être hospitalisée.

Akharian a alors dit à Tasviri que sa mère était à l’hôpital. Tasviri demanda à appeler sa famille et de nouveau, on lui refusa l’appel téléphonique. Ces cinq jours étaient alors écoulés et il entrait dans le septième. Mais les fonctionnaires de la prison refusèrent de le faire sortir de l’isolement. Il demanda alors à voir le directeur de la prison, mais cette requête fut également refusée. Pour en finir avec cette situation intolérable Tasviri a fini par s’immoler par le feu. Les gardiens ont envahi la cellule, lui ont pulvérisé du poivre dans les yeux et l’ont battu sur la tête et au visage avec des bâtons.

Bahram Tasviri Khiabani a été emmené dans une autre cellule servant de salle de torture alors que son corps était brûlé. Il était entravé et avait les yeux bandés et a été tellement longtemps torturé avec des bâtons qu’il a eu les mains et les pieds cassés. Puis il a été déshabillé et sodomisé avec des bâtons par Mirza Aqayi, l’officier de service et deux gardes nommés Youssefi et Shirkhani jusqu’à ce que ce prisonnier sans défense s’évanouisse ; les gardes lui ont aspergé le visage pour le faire revenir à lui puis ont continué la même torture. Toutes les tortures ont été faites sous la direction de Hassan Akharian.

Bahram Tasviri Khiabani a ensuite été ramené dans une cellule individuelle. Il était déshabillé et sans rien pour se couvrir, sur un sol en ciment humidifié par les gardiens. Tasviri est resté ainsi un mois, les mains et les pieds cassés, le corps blessé, meurtri et sanguinolent. Ses pieds s’infectèrent et il finit par tomber dans le coma, les gardiens furent alors obligés de l’emmener à l’infirmerie. L’infirmerie commença par refuser de l’admettre car il était mourant et ils ne voulaient pas en être responsable. A la fin, le Docteur Razavi l’admit, le ramena à la conscience et dit aux fonctionnaires de la prison qu’il avait besoin d’une opération urgente. Mais Akharian refusa et le remit à l’isolement pendant deux jours au bout desquels il put être opéré à cause de la pression exercée par l’infirmerie.

Les parents de Tasviri ont porté plainte pour les crimes commis contre leur fils en prison et Bahram Tasviri Khiabani a également porté plainte auprès de l’inspection pénitentiaire. Un individu nommé Réza Torabian l’a menacé lui disant que, s’il ne retirait pas sa plainte, il devrait en subir les conséquences. Il risque de mourir en prison.

Samedi et dimanche Akharian a recommencé à battre Bahram Tasviri Khiabani devant d’autres prisonniers ave une matraque pour le forcer à retirer sa plainte.

D’autres prisonniers sont dans la même situation et certains sont à l’isolement. Il s’agit de Ahmad Ashkan, Reza Djalaleh, Madjid Afshar, Mohsen Bigvand, Taqi Nazari, Mehdi Sourani (mâchoire fracturée suite à des tortures et cependant à l’isolement), Qeisar Ismaili, Madjid Mahmoudi, Nasser Quchanlou, Hossein Karimi, Hamid Ashki, Shir-Mohammad Mohammadi et Hassan Sharifi, à l’isolement depuis six mois sans raison valable et torturé quotidiennement










Madjid Tavakoli de retour à la section générale de la prison d’Evine.

Selon le Comité des Reporters pour les Droits Humains (CHRR), Madjid Tavakoli, qui était en grève de la faim sèche depuis six jours, ce qui lui avait provoqué une hémorragie à l’estomac, a été re-transféré au bloc 7 du bâtiment 3 de la section générale de la prison d’Evine il y a quelques heures.

Madjid Tavakoli a entamé une grève de la faim pour protester contre son transfert à l’isolement le 23 mai 2010. Il avait été arrêté le 7 décembre 2009 après les manifestations du jour de l’étudiant, face à l’université de technologie Amir Kabir.

Pour répondre à son état de santé qui se détériorait rapidement, une grève de la faim mondiale avait été annoncée par les militants étudiants, les militants des droits humains et des politiciens en solidarité avec Madjid le mercredi 26 mai 2010.

Tavakoli avait également été arrêté à deux autres occasions en 2007 et 2008. A ce jour, il a passé au total deux ans et demi en prison.

Source : http://persian2english.com/?p=11194

Nooshabeh Amiri: La Route qui descend la colline de la prison d’Evine


18 avril 2010
La Route qui descend la colline de la prison d’Evine
Nooshabeh Amiri

Quand on me demande combien de temps mon mari est resté en prison, je réponds six ans, deux semaines et quelques heures. Pourquoi autant de précision dans ma réponse ? La réponse est simple mais la comprendre plus difficile. Il faut avoir l’un des siens prisonnier, qu’il soit libéré, qu’il vous raconte ce qu’on lui a fait, que vous ayez pleuré avec lui et l’ayez même raccompagné un soir lugubre à une prison comme celle d’Evine pour comprendre ce que les familles iraniennes dont l’un des membres est emprisonné endurent en ce moment

Mon mari a été relâché en 1988 en même temps que quelques centaines d’autres prisonniers, restant de milliers qui n’avaient pas eu cette chance et avaient été exécutés. Relâchés n’est pas le mot pour ceux qui quittaient Evine. Il serait plus adéquat de dire qu’Evine était une chaîne de montage ; une fois les opérateurs sanglants rassasiés du sang des résidents, elle se débarrassait des êtres humains qu’elle contenait. Chaque personne franchissant le dernier poste de la chaîne de montage était étiqueté « libéré »

Ils m’ont appelée tard le soir pour me dire d’apporter une garantie ou une sorte quelconque de caution le lendemain matin de bonne heure.

Nous avons demandé la raison de l’heure tardive de l’appel ; la réponse fut : parce que c’est comme ça.

La recherche d’une caution acceptable pour le lendemain, c’est une autre histoire. Pour faire court, je me contenterai de dire qu’ils n’ont accepté notre garantie, notre caution non pas le lendemain matin mais deux semaines et quelques heures plus tard. Notre prisonnier ne fut bien sûr relâché le lendemain que pour quelques heures, pour servir de relais de relations publiques pour démontrer qu’il faisait partie de la très médiatisée « amnistie générale ». Il a dû revenir en prison le soir même, comme tous les autres, jusqu'à ce que les papiers soient en règle.

Ils nous ont dit que les papiers ne prendraient que quelques heures, en fait ce furent les deux semaines dont j’ai parlé.

Pendant ces deux semaines, mon mari revint à la maison chaque matin et retourna à Evine chaque soir. Le matin, nous vivions, mais, à l’approche du soir, tout le poids du monde nous tombait sur les épaules. Le soir, nous commencions à nous habiller, petit à petit mais à contrecœur. Nous faisions tout pour retarder le moment fatidique en faisant beaucoup de petites choses sans importances d’un bout à l’autre de notre petit appartement. Nous étions à la fois ensemble et séparés, chacun dans son monde avec des centaines de questions dans la tête. Nous reviendra-t-il demain ? Que se passera-t-il si c’est messieurs en décident autrement ? Est-ce là la dernière parcelle de liberté ?

Peu importe ce que nous faisions et comment nous le faisions, il nous fallait bien reprendre le chemin de la prison d’Evine. En chemin, nous nous parlions uniquement pour parler, communiquer et sentir notre présence réciproque. Il nous arrivait même de rire pour rien, par inadvertance. Nous tirions des plans sur la comète. Mais à l’approche de la dernière partie de la montée de la colline en haut de laquelle se trouve le portail, le silence l’emportait. On ne pensait qu’à une chose : est-ce le début d’une nouvelle séance de torture ? Nous ne savions pas et avancions comme des moutons vers l’abattoir, puis, après la « livraison » nous faisions demi-tour et nous en retournions dans une impuissance totale.

A la fermeture du portail d’Evine, nous étions complètement vidés. Cette image de lui se pliant pour entrer dans le bâtiment me hantera pour le restant de mes jours. Ses épaules tombantes, son dernier regard droit dans mes yeux, comme un pigeon rêvant d’une dernière goutte d’eau avant sa décapitation. Je m’asseyais derrière le volant, immobile, regardant dans le vide. Jusqu’à la tombée de la nuit. Alors, je tournais et entamais la montée de la colline, un effort infini qui essoufflait même la voiture. 

De nos jours, les retours à la prison d’Evine semblent très différents. Dans le passé, nous devions être seuls. Personne n’avait le droit de nous accompagner au contraire d’aujourd’hui où les êtres chers s’alignent pour accueillir ou dire au revoir. Il n’y avait pas de bonbons pour se réjouir, pas de sucreries à partager. Mais l’histoire est quand même la même. Que pense l’épouse d’Abdullah Momeni’ rentrant chez elle après avoir déposé son mari à Evine ? A quoi ressemble Momeni en traversant la ligne qui sépare la rue de la prison ? Qu’est-ce qui lui trotte dans la tête en voiture pour se rendre à la prison ? A quoi pense-t-il ?

Oh, gardiens de prison, vous n’avez pas changé. Vous faites exactement la même chose qu’il y a trente ans. Les appels téléphoniques tard le soir, les cautions élevées, le rejet des cautions, des permissions courtes, etc. Mais aussi la même prison, les mêmes agents et les mêmes techniques de sécurité.

Mais nous, nous avons changé. Nous avons appris à ne plus nous laisser tomber. Aujourd’hui, l’épouse d’Abdullah Momeini est aussi triste que je l’étais en 1988 quand nous « rendions » ceux que nous aimions à Evine. Aujourd’hui, elle puise son énergie dans l’empathie d’une nation qui a traversé les champs de mines semés par ces « messieurs », une nation qui a perdu Neda, Sohrab, Kianoush et tant d’autres mais qui a retrouvé confiance et espoir. Oui, nous avons changé. Mais vous, vous restez les bouchers d’Evine. Maintenant, vous avez davantage de galons et d’étoiles sur les épaulettes, ou vous portez même des vêtements civils pour vous déguiser.

Alors, Fatemeh, ma sœur, ne sois pas triste. Abdullah ne sera pas sacrifié comme les prisonniers de 1988 le furent. A cette époque, nous étions seuls, aujourd’hui, nous sommes sans nombre.

Source: 

Hossein Ronaghi Maleki à l’isolement après sa grève de la faim

26 mai 2010

RAHANA – le 24 mai 2010, le bloggeur,et étudiant et militant des droits humains Hossein Ronaghi Maleki, également connu sous le nom de Babak Khorramdin, a été mis à l’isolement à la prison d’Evine, trois jours après le début de la grève de la faim qu’il avait commencée pour protester contre sa détention arbitraire et l’absence de traitement médical.

Suivant le reporter de RAHANA, les proches de Ronaghi disent qu’il est en mauvaise santé, ses sérieux problèmes rénaux n’étant pas traités.

Lors d’un court entretien téléphonique arrangé par des agents du ministère du renseignement, Ronaghi a dit à ses parents, qui ne résident pas à Téhéran, qu’il est sous pression à cause de leur présence dans la capitale et de leurs efforts pour obtenir des renseignements. Le bloggeur dit qu’on lui a demandé de dire à ses parents de retourner chez eux.

Les quintes de toux de Ronaghi ont interrompu ce court entretien à plusieurs reprises rendant la compréhension de sa teneur impossible pour ses parents.

Des agents du ministère du renseignement et des enquêteurs ont, dans le passé, déjà mis la pression sur Ronaghi plusieurs fois pour le forcer à faire des aveux télévisés. Le militant des droits humains a résisté et refusé de collaborer avec les enquêteurs.

Ronaghi a eu droit à deux visites de sa famille pendant ses six mois de détention. Les interrogatoires continuent pour Ronaghi qui n’a toujours pas été jugé.

Source: RAHANA


vendredi 28 mai 2010

Lettre au Président de l’Association des Régions de France

Soutien des Conseils Régionaux au Peuple Iranien
Le 21 Mai 2010

A l’attention de Monsieur Alain Rousset, Président de l’Association des Régions de France
A l’attention de Mesdames et Messieurs les Conseillers Régionaux
Mesdames, Messieurs, 

Dans quelques jours, les Iraniens commémoreront le premier anniversaire du soulèvement populaire qui a suivi l’élection présidentielle truquée du 12 Juin 2009. Un mouvement populaire d’une ampleur sans précédent depuis l’avènement de la République Islamique en 1979. Un mouvement profondément pacifique et moderne dont la vigueur et la spontanéité ont fait voler en éclat le mur de la peur érigé méthodiquement par un régime dictatorial et moyenâgeux. Un mouvement marqué par l’engagement massif de jeunes générations et la présence des femmes iraniennes aux avant-postes des protestations. 

Le régime iranien, surpris et bousculé comme jamais, a décidé de répondre par la violence. En à peine un an, ce régime a emprisonné des milliers de personnes, souvent de simples manifestants, et tué des dizaines d’innocents lors des manifestations ou sous la torture dans ses prisons infâmes. Des corps de victimes soustraits à leurs familles et enterrés en catimini, des familles de victimes systématiquement intimidées pour éviter qu’elles ne parlent, pour éviter que la description de leurs souffrances infinies ne causent de nouveaux cycles de protestation. Parallèlement, la presse a été muselée, un grand nombre de leaders politiques et syndicaux ont été emprisonnés et les étudiants ont été soumis à une répression féroce.

Le pouvoir judiciaire iranien, après avoir tenu des procès expéditifs bafouant les droits les plus élémentaires des détenus à se défendre, a froidement exécuté des opposants et s’apprête à en exécuter d’autres. Aujourd'hui, au moins 35 personnes totalement innocentes sont condamnées à mort et pourraient être pendues du jour au lendemain. 

A l’heure où tous les regards se tournent vers les négociations sur le dossier nucléaire, la situation catastrophique des droits de l’Homme en Iran ne semble pas mobiliser les dirigeants des pays occidentaux. La France, en tant qu’un pays leader de l’Union Européenne et un membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unis, peut jouer un rôle considérable pour accroître la pression internationale sur le régime iranien afin de libérer les prisonniers politiques et de stopper le rythme infernal des exécutions barbares. 

Mesdames, Messieurs, l’Iran démocratique de demain est en marche. Ce pays millénaire mais humilié et ravagé par 3 décennies de dictature religieuse totale a commencé à panser ses plaies et à reconstruire son propre modèle de démocratie. Le soutien des Conseils Régionaux de France sera un signal puissant pour démontrer que la France est au côté du peuple iranien dans cette lutte cruciale pour l’avenir du Moyen-Orient et du monde.

Nous vous serions reconnaissants de bien vouloir voter des résolutions en signe de soutien au peuple iranien et afin de réclamer l’arrêt des exécutions, des actes de torture et de barbarie ainsi que la libération immédiate de tous les prisonniers politiques.



jeudi 27 mai 2010

Khatami : « Khordad est le mois du peuple »

Hier, l’ancien président Mohammad Khatami,s’adressant à des universitaires, s’est servi du fond historique du mois de khordad, qui a commencé samedi, pour expliquer l’importance de ce mois-ci.

Khordad a toujours eu une signification particulière dans l’histoire récente de notre cher Iran… Nous devrions l’appeler reflet de la foi, détermination, dévouement, lutte contre l’oppression et la tyrannie et quête de justice par le peuple d’Iran.

La présence vivante du peuple lors des dixièmes élections présidentielles du 22 khordad [12 juin], malheureusement suivies d’évènements amers avait une signification. Ce fut un signe de la vie et de la joie d’un peuple mettant l’accent sur ses droits et j’aurais souhaité que tous ces gens fussent appréciés à leur juste valeur.

Enfin le 25 khordad [jour de la plus grande manifestation] (le 15 juin) fut l’un des évènements majeurs de la présence civique du peuple exigeant ses droits et manifestant pacifiquement et sans aucune violence. Il eut été grand que la nature de cette présence civilisée fut honorée.

Il eut été grand que, même si les manifestations populaires étaient sans fondement aux yeux des autorités, on les traite avec respect à l’aide du peuple lui-même. Le problème aurait été résolu de façon justifiée en prenant en considération les idées de la population, ou le peuple aurait été convaincu de façon raisonnable.

Malheureusement, non seulement on traité le peuple de « saleté et poussière » [expression utilisée par le président Ahmadinedjad dans son « discours de la victoire »] mais encore on a répondu à la conduite pacifique et civilisée du peuple par la violence, des prisons pleines et des contraintes accrues. Les dégâts humains, financiers et psychologiques sont irréparables et on n’a pas essayé d’y suppléer. Des tragédies ont eu lieu dans certaines prisons qui se sont soldées par le martyre et les blessures de quelques uns de nos jeunes et de nos compatriotes.

Oui, khordad est le mois du peuple et tout ce qui s’est passé durant ces jours n’était que l’émergence de la volonté d’une nation qui exigeait de toutes ses forces l’établissement d’un système démocratique basé sur les enseignements religieux et ses exigences historiques.

Tous ces jours sont du passé, mais nous faisons face au futur et ne devrions pas laisser ces évènements importants ne devenir qu’un vague souvenir dans nos esprits ; nous devrions au contraire en faire une colonne vertébrale pour nous permettre d’avance et de conserver les valeurs de la révolution et les utiliser pour atteindre les exigences historiques de la nation. Nous avons tous la responsabilité de garder ces souvenirs vivants de façon civilisée, en respectant la loi et sans violence.

Nous pouvons et devons regarder le future et apprendre du passé. Les évènement amers, surtout ceux de l’année dernière, ne doivent pas nous faire perdre espoir. La douceur des souvenirs ne doit pas nous faire négliger le long chemin qui nous attend.

Le bon chemin à suivre par tous, c’est d’éviter la violence, surtout de la part du gouvernement ; la violence est en contradiction avec les principes de la démocratie, les valeurs de la révolution, les exigences historiques et l’identité de la nation. Le bon chemin, c’est insister sur la mise en œuvre de la totalité de la constitution, un document complet d’unité nationale qui est garantit qu’en regard de chaque droit et pouvoir, il y ait un responsable.

Je le redis, pour atteindre nos objectifs à long terme, nous devons être unis et la dignité de chaque Iranien doit être respectée. Nous devons éviter les méthodes utilisées par ceux qui cherchent la violence et les ennemis du peuple. La violence n’obtient pas de résultat si ce n’est de créer des failles et de la rancune ; la poursuite de ces méthodes détruirait l’établissement tout entier.

Malheureusement, nous sommes encore témoins des contraintes accrues, de nouvelles arrestations et aussi d’agissement de groupes intrépides et irresponsables qui bénéficient du soutien de quelques officiels ; ceux qui ne sont pas en prison physiquement ne se sentent quand même pas en sécurité et ressentent les contraintes.

La seconde résolution est de créer un environnement sûr et libre selon les principes de la constitution qui incarne les libertés d’association, d’assemblée et de la presse et changer l’atmosphère militaire et policière en une atmosphère légale et politiquement saine et active.

L’esprit de notre révolution exige et le peuple veut des élections libres, saines et joyeuses.

Source (anglais)

Majid Tavakoli en grève de la faim après son transfert à l’isolement

URGENT – Appel à l’action : Majid Tavakoli en grève de la faim après son transfert à l’isolement

Ce matin, Majid Tavakoli a été transféré à l’isolement dans une cellule du bloc 240 de la prison d’Evin. On lui a ordonné d’y rester dix jours.

Apres son transfert, Tavakoli s’est déclaré en grève de la faim sèche (ni nourriture ni boisson) jusqu'à son retour au quartier commun de la prison. Suivant RAHANA, Tavakoli a informé quelques prisonniers de son intention de faire la grève de la faim en cas de transfert à l’isolement.

La semaine dernière, la santé de Majid Tavakoli se serait dégradée au point qu’il n’arrivait plus à parler correctement et avait été envoyé à l’infirmerie de la prison à plusieurs occasions. La famille de Majid Tavakoli est très inquiète de son état physique.

SAMEDI 15 MAI 2010 – LA FAMILLE DE MAJID TAVAKOLI A ECRIT UNE LETTRE OUVERTE A SADEGH LARIDJANI
Samedi 15 mai 2010, la famille de Majid Tavakoli a écrit une lettre ouverte à Sadegh Laridjani pour protester contre la conduite illicite de la justice et exiger que le procès de Majid Tavakoli soit révisé.

Le détail des violations de la loi de la part de la justice dans le procès de Majid Tavakoli est enregistré dans cette lettre. La famille a demandé l’intervention du responsable de la justice dans ce dossier.

Quelques extraits de la lettre :
  • « Nous avons beaucoup de choses à dire. Si nous les disons, la justice apparaîtra tellement déloyale que l’on croira qu’elle est morte. Si cette sorte d’attitude envers la machine judiciaire est devenue un processus légal, nous vous demandons d’avoir le courage de l’accepter et de dire la vérité comme l’a fait l’hodjatoleslam Hashemi Shahroudi.
  • La constitution de la république islamique ne déclare-t-elle pas que l’on est libre de s’assembler et de marcher sans armes, si l’on n’est pas opposé aux principes islamiques? Si c’est bien un article de la constitution, alors vous devez le respecter. Sinon, pourriez-vous déclarer publiquement que la loi n’existe pas dans ce pays pour que les citoyens iraniens puissent faire quelque chose pour leur sombre destin ?

Les étudiants de l’université de Chiraz rencontrent la famille de Majid Tavakoli.

Un groupe d’étudiants de l’université de Chiraz rencontrent la famille de Majid Tavakoli.

Pendant cette réunion, les étudiants ont parlé de Majid Tavakoli comme de leur frère. Ils ont déclaré que la répression, l’arrestation des étudiants et les calomnies éhontées étaient contraires aux lois islamiques et à la constitution iranienne.

La famille de Majid Tavakoli a informé les étudiants qu’elle était sans nouvelles de lui et que les autorités refusaient de répondre sur son état de santé. La famille a également fait état de son mécontentement concernant l’interdiction des visites.

La famille de Majid Tavakoli a déclaré qu’elle considérait tous les étudiants comme ses propres enfants. Elle a ajouté qu’actuellement les étudiants n’étaient pas les seuls à être dans le flou et sous contraintes, que d’autres groupes étaient également soumis à des maltraitances. Ils ont exprimé l’espoir que la paix, la sécurité et la liberté reviennent dans la société dans un futur proche et que tous les prisonniers politiques retournent au sein de leurs familles.

Les étudiants ont loué la résistance de Majid Tavakoli et l’ont traité de membre le plus résilient du mouvement étudiant. Ils ont prie Dieu pour la libération de Majid

Mère de Majid Tavakoli: Personne ne déplore la grève de la faim de Majid

La mère de Majid Tavakoli parle: « Personne ne déplore la grève de la faim de Madjid »

RAHANA – Majid Tavakoli a commencé une grève de la faim le 23 mai 2010 pour protester contre son transfert à l’isolement.

Dans une interview avec le site Web d’opposition Jaras, sa mère a dit qu’en tant que mère, il lui est insupportable d’être témoin de la souffrance de son fils même si elle connaît la persévérance de Majid . « Mon fils n’est pas un politicien ni un artiste. Personne ne voit nos larmes et je pense qu’aucun politicien n’a entendu parler de sa grève de la faim. »

Citant les grèves de la faim de Panahi et de Nourizad et le soutien international qui s’en est suivi et qui a causé la réaction rapide du procureur de Téhéran, Madame Tavakoli a dit : « Mon fils est un étudiant ordinaire et apparemment, aucun politicien ne veut parler en sa faveur au procureur et la justice ne veut pas non plus entendre la voix d’une mère qui a attendu des mois avant de s’adresser aux médias. Je n’ai d’autre choix que de demander au peuple de venir à notre aide. »

Madame Takavoli dit que son fils n’est pas un artiste mais qu’il connaît l’art de tenir ses positions puisqu’il n’a rien fait d’illégal, elle ajoute qu’il paie pour sa persévérance.

Madame Takavoli, qui n’a rien mangé depuis qu’elle a appris la grève de la faim de Madjid, dit qu’elle continuera sa grève de la faim à la maison.

A propos du récent voyage des trois mères des randonneurs américains emprisonnés, Madame Tavakoli dit que leur bonheur était comme le sien : « Je ne souhaite à aucune mère d’être séparée de son enfant. Je suis heureuse de les voir rendre visite à leurs enfants dans un hôtel, mais ce même doit a été refusé aux mères de prisonniers iraniens. »

Madame Tavakoli est inquiète pour Majid qui souffre de problèmes pulmonaires et dit que le refus de boire de son fils créera une dangereuse attaque contre son système nerveux. « Majid est allé plusieurs fois à l’infirmerie de la prison plusieurs fois en raison de son état. Les docteurs d’Evin savent parfaitement qu’il n’est pas en bonne santé physique. »

Elle a aussi parlé de l’appel téléphonique de Mehdi Karroubi et ajouté que Karroubi était le seul à l’avoir appelée et qu’elle espérait que d’autres politiciens suivent l’exemple de Karroubi.

A la fin de l’interview, Madame Tavakoli a déclaré, la voix brisée, que jusqu'à hier elle avait plaidé pour la défense de son fils mais qu’elle avait reçu la réponse à ses appels quand son fils a été transféré à l’isolement. « Vous avez enfermé un étudiant sans défense à l’isolement parce que vous savez que Majid n’a pas de soutien politique ou international capable de propager ses protestations et de sa grève de la faim. Laissez-le retourner en prison, au moins faites quelque chose pour qu’il arrête sa grève de la faim. Maintenant que je sais que votre justice ne s’applique pas aux mères iraniennes, je ne vous demanderais pas de le relâcher mais juste de préserver sa santé.

jeudi 20 mai 2010

Majid Tavakoli: "Pour celui qui était un peuple à lui tout seul"

Mardi 11 Mai 2010 (21 Ordibehesht 1389)
Majid Tavakoli
Prison d’Evin



Pour celui qui était un peuple à lui tout seul
A la mémoire de Farzad, Ali et Farhad


Par cette lettre, Majid Tavakoli, militant étudiant emprisonné, a voulu honorer la mémoire de Farzad Kamangar, Ali Heidarian et Farhad Vakili [exécutés par pendaison à l’aube du dimanche 9 mai 2010 dans la prison d’Evin].


On avait annoncé qu’Ali devait être transféré au 209 [quartier 209 de la prison d’Evin réservé aux détenus politiques]. Les téléphones de la salle commune étaient coupés. Je suis allé vers la salle commune de notre quartier, mais ici aussi les téléphones étaient coupés. Quand je suis revenu à l’étage, Farzad m’a dit qu’on lui avait annoncé que lui aussi devait être transféré au 209 (c’était un mensonge, ils ont été transférés au 240). Ce transfert dans l’après-midi du samedi (8 Mai) nous avait tous inquiété. En général, le transfert de prisonniers pour des exécutions a lieu le samedi après-midi. Nous étions tétanisés par l’inquiétude mais Farzad disait : "C’est rien. Ils veulent nous poser quelques questions je suppose". Il savait mais il avait comme toujours un tel moral qu’il n’en laissait rien transparaître. C’était à peine croyable. On était ensemble à la bibliothèque quelques minutes auparavant. Ali aussi, qui avait dû arrêter son match de volley, s’était lavé le visage et se préparait. C’était très difficile et douloureux à vivre. Normalement, tous les jours à cette heure-là, après le sport, Ali venait pour qu’on fasse de la physique ensemble. Il voulait passer les quelques matières qui lui manquaient pour son baccalauréat en juin puis préparer le concours [d’entrée à l’université]. Avec un tel moral, personne ne pouvait croire qu’il était condamné à mort. Même si, pour Ali, on pouvait comprendre, pour Farzad, c’était encore plus incroyable. Lui aussi préparait le concours [d’entrée à l’université]. L’histoire de ses fiançailles et de son mariage était toute aussi incroyable. Face au moral et à l’énergie de la jeune fille qui avait accepté d’épouser un condamné à mort, un sentiment d’humilité s’était emparé de tout mon être. Ce n’était pas la première fois que je voyais ces amis dans un tel état d’esprit. Durant l’été 2007 j’avais rencontré ces amis au quartier 209 d’Evin [Majid a en effet été emprisonné auparavant]. La première personne que j’ai rencontrée après ma mise à l'isolement était Farhad. Il parlait de Ghandil. Les dessins de son petit garçon et sa volonté de fer étaient un véritable soutien pour nous tous. Peu de temps après, j’ai aussi rencontré Ali et Farzad. Ali était d’un calme à toute épreuve. Il nous calmait. Et Farzad était un véritable pilier pour nous. Un peuple à lui tout seul et debout. Toujours souriant et plein d’espoir face aux difficultés, même dans les moments de larmes et de sang, lors des interrogatoires et à l’énoncé des verdicts injustes du tribunal révolutionnaire…. J’ai continué à le voir pendant toutes ces journées. Lorsqu’il est arrivé à Evin en provenance de la monstrueuse prison de Sanandaj pour la deuxième fois, il portait une minerve, avait l’épaule luxée et les dents brisées mais sa volonté et sa détermination s’en étaient encore accrues. Sa présence, même quelques jours, nous incitait, avec d’autres amis, à trouver à tout prix des excuses pour le rencontrer comme l’an dernier, lorsque Ali et Farzad avaient été transférés de [la prison de] Rajai-Shahr au [quartier] 240 [de la prison d’Evin] pour être pendus. Ils étaient à l’isolement dans l’attente de l’heure du bourreau, 4 heures du matin, j’étais en grève de la faim et très affaibli, je savais pourquoi on les avait emmenés et je me sentais totalement impuissant, Farzad tentait de me remonter le moral et disant que tout allait bien se passer, et Ali était d’un calme absolu face à tant d’épreuves.

Quand j’étais libre, les conversations avec Farzad me remontaient le moral et quand j’étais à l’isolement, sa voix chaleureuse ne laissait jamais ma mère seule. C’est là que j’ai compris que, même dans les pires conditions, un être humain peut réaliser de grandes choses.

… et ils ont tué mon frère aîné. Un frère kurde que j’aimais amoureusement. Mon frère et mon maître. Un maître pour nous enseigner la résistance, un maître pour tous les enfants d’Iran. Ces jours où il m’a montré comment résister contre les pires tortures et les accusations les plus grotesques, j’ai en fait appris que l’acquis le plus précieux d’un individu face à l’adversité, ce sont ses convictions. J’ai appris qu’on pouvait mourir plusieurs fois dans une salle d’interrogatoire et dans les étouffantes cellules d’isolement sans renier ses croyances. Il était mon maître. Un maître qui m’a enseigné qu’il était possible d’être toujours souriant et de porter un regard humain sur tous les humains, quelques soient les différences et les divergences. Et maintenant, il est parti. Alors qu’il ne voulait même pas dire au revoir, qu’il disait qu’il allait me voir le lendemain. Il ne m’a pas laissé l’embrasser, le serrer dans mes bras. Il m’a juste dit : "je te verrai demain". Je sais pertinemment qu’il a avancé d’un pas ferme et décidé, en harmonie avec celui de ses amis, pour s’approcher du lieu d’exécution. Il avait promis à maintes reprises qu’il ne laisserait jamais le clan des tyrans haineux retirer le tabouret de sous ses pieds. Il avait promis qu’il donnerait lui-même le dernier coup au tabouret. Il ne voulait pas laisser les mains odieuses de la tyrannie lui ôter la vie et je sais qu’il a tenu sa promesse. Je sais qu’il a même souri à la mort. Un sourire qui est devenu un cri pour nous rappeler qu’un monument nous avait quitté pour devenir éternel.

Il est parti, tout comme ses autres amis innocents, mais leur souvenir restera à jamais. Il est parti la tête haute pour devenir un maître éternel. Un maître éternel ayant marqué à jamais l’histoire de la résistance. Un véritable monument d’espoir, un soutien moral considérable pour tous ceux en quête de liberté. Il n’est plus là pour que l’on ressasse ensemble les bons souvenirs du passé. Quand le ministère du renseignement a dû s’agenouiller devant le moral de toute une génération. Un ministère qui a dû lamentablement reconnaître le fait qu’il avait demandé à Farzad, lors de ses retours au quartier 209, de ne pas refaire ce qui s’était passé au 209 pendant l’été 2007. Ils avaient muré notre cour de promenade et supprimé la boite aux lettres! Ils avaient apparemment réussi à la fin de cet été à empêcher les prisonniers de chanter en choeur. Mais Farzad avait encore souri pour signifier que nous allions nous tenir debout et résister pour toujours.

… et à présent ils ont emmené les otages pour dire qu’ils étaient fatigués de la résistance de tels prisonniers. Pour dire que tout le pouvoir de la tyrannie n’est rien face à la détermination et à la volonté des enfants de Kurdistan. Pour dire qu’ils ne pouvaient plus supporter de voir en vie le symbole de leur échec. Farzad racontait que son interrogateur lui avait un jour dit: "vous vous moquez bien de nos gueules quand vous étudiez en prison ou vous voulez vous marier". Cet esprit de combat de Farzad, d’Ali et de Farhad était vraiment unique. Aujourd’hui, je porte le deuil de ces amis qui n’étaient pas que quelques "personnes" : Farzad, un peuple à lui tout seul, Ali grand et amical et enfin Farhad, déterminé et fort comme une montagne. Dans les moments difficiles et malgré les instructions lui imposant de se tenir à l’écart des autres prisonniers politiques, la présence de Farzad à la section 7 me redonnait de l’espoir. L’excuse de la bibliothèque, me permettait de passer ne serait-ce que quelques heures en compagnie de ce monument qu’était Farzad, et cela me suffisait.

Farzad est parti ayant confiance en l’avenir, il était cependant frustré de voir ces luttes de clans et ces personnes qui voulaient tout confisquer à leur profit. Ces derniers jours, il écrivait un texte qui s’intitulait "Je suis un Iranien, Je suis un Kurde Iranien".

(à suivre, traduction incomplète)

Texte en Anglais
 

mercredi 19 mai 2010

Art Press: l'Iran dévoilé par ses artistes

art press 2 n°17 : l'Iran dévoilé par ses artistes

Découvrez une sélection d'articles inédits consacré à l'Iran.
art press 2 
n°17 : l'Iran dévoilé par ses artistes
- Mehrzad Danesh : la bonne, la brute et le truand
- Alireza Samiazar : le musée d'art contemporain de Téhéran
- Mehran Mohajer : la photographie contemporaine en iran
- Massoud Mehrabi : le cinéma documentaire iranien
- Ramin Sadighi : le cinéma iranien parrain de la musique
- Hassan Mir Abédini : le Roman iranien des trente dernières années
- La censure littéraire en Iran par Solmaz Naraghi : si la liberté chantait un hymne
Édition papier bilingue (Fr/En)

Pour commander en ligne: ici ou en Librairie (Paris): Khavaran, 14 Cours de Vincennes75012 Paris Tél: 01.43.43.76.96

Nous nous en remettons à Dieu, pas à la justice (familles des prisonniers politiques)

Site Kalameh : A l’approche de l’anniversaire des élections présidentielles controversées de l’année dernière, plusieurs familles de prisonniers politiques ont publié une déclaration pour décrire les souffrances et les épreuves qu’elles-mêmes et leurs proches ont endurées cette année. Exprimant leurs inquiétudes, ils ont déclaré qu’il n’y avait aucune lumière au bout du tunnel en ce qui concerne la façon dont le régime traite les prisonniers politiques.

Beaucoup purgent des peines longues tandis que d’autres ont été envoyées pour d’obscures raisons, dans des prisons lugubres comme celle de Radjaï Shahr,comme il est de notoriété publique.

Lettre des FAMILLES DES PRISONNIERS POLITIQUES  
Nous nous en remettons à Dieu, pas à la justice….

Au nom de Dieu qui rend justice aux oppressés 
A la grande nation iranienne,
 
Voilà un an que nos conjoints, parents et enfants ont été arrêtés. Pendant cette année, nous, les familles des prisonniers politiques, avons enduré beaucoup de difficultés et de souffrances, certaines partagées avec le peuple d’Iran, d’autres que nous n’avons partagées qu’avec Dieu dans l’intimité de nos cœurs, car nul n’est plus près de nous et plus informé de la vérité que Dieu.

Aujourd’hui, écrivant cette lettre au peuple iranien, nous sommes aussi inquiets et dans l’expectative qu’au jour de l’arrestation de nos êtres chers. Il n’y a aucune lumière au bout du tunnel en ce qui concerne la façon dont le régime traite les prisonniers politiques. Beaucoup purgent des peines longues tandis que d’autres ont été envoyées pour d’obscures raisons, dans des prisons lugubres comme celle de Radjaï Shahr, comme il est de notoriété publique, alors qu’on en sélectionne certains pour des permissions accordées contre des cautions de plusieurs centaines de millions de tomans. On nous oublie, nous sommes dans le doute. Les questions nous emplissent l’esprit, des questions auxquelles le gouvernement et la justice ne répondent pas de façon convaincante claire et ouverte.

Pourquoi avoir arrêté nos enfants ? Pourquoi les avoir forcé à participer à des procès spectacles vous souciant peu ou pas du tout de leur défense et de leur représentation légale ? Pourquoi tant d’insistance à ignorer leurs droits ? Pourquoi, au bout de tout ce temps, ne peuvent-ils toujours pas rencontrer leurs avocats ? Pourquoi leurs avocats ignorent-ils les charges qui pèsent contre eux et quand pourront-ils consulter leurs dossiers ? Pour les garder à l’isolement pendant des mois et les soumettre à des interrogatoires inhumains et les torturer alors qu’ils ont les yeux bandés ?

Pourquoi les juges prononçant les verdicts initiaux expriment-ils leur regret de les avoir prononcés après l’appel prétendant avoir alourdi les peines parce qu’ils s’imaginaient qu’elles seraient réduites par la cour d’appel ?

Les verdicts et les peines ne devraient-ils pas être prononcés suivant les crimes commis ? Pourquoi ce principe fondamental de droit et de justice ne se reflète-t-il dans aucun jugement ? Pourquoi tant de peines de prison de longue durée et de peines de mort ? Pourquoi tant de cautions de centaines de millions de tomans, une incertitude permanente et des temps d’attente qui sont de vraies tortures ? Pourquoi les enquêteurs devraient dicter leur loi aux juges et aux enquêtes ? Pourquoi n’existe-t-il pas une justice indépendante ?

Pendant des années, nous avons cru que c’était à la justice que les opprimés pouvaient s’adresser pour obtenir réparation et qu’elle s’occupait de punir les malfaisants. Au fil du temps, notre déception n’a fait qu’augmenter et dorénavant, notre seul espoir, notre seul refuge, c’est Dieu.

L’honorable procureur de Téhéran a récemment déclaré que le pire péché est de cacher la vérité. Pendant toute une année nous avons tous demandé, pourquoi cachez-vous la vérité ?

Soyons cohérents et faisons preuve de transparence dans tout ce que nous faisons. Les dirigeants, ceux qui détiennent le pouvoir, ne devraient-ils pas s’occuper de ce manque de transparence, de cette dissimulation de la vérité ? Qu’est-ce qu’un citoyen ordinaire, femme au foyer, journaliste, étudiant ou militant politique pourrait-il cacher qui ne soit révélé après tant de mois d’interrogatoires ? Ce manque de transparence et cette dissimulation de la vérité sont-elles leur priorité ou celle de ceux qui détiennent le pouvoir ?

La semaine dernière, cinq prisonniers d’Evine ont été exécutés. Ces exécutions comportent de nombreuses zones d’ombre dans les processus des arrestations, des interrogatoires, des procès, des verdicts, et dans le timing. Nous exprimons notre grande inquiétude sur le sort de nos enfants et de nos êtres chers. Nous, familles des prisonniers politiques, condamnons la façons dont ces exécutions ont été conduites.

Nous protestons contre le manque d’information sur ces exécutions et dénonçons la façon injuste dont les familles endeuillées des personnes exécutées ont été traitées. Nous demandons à la justice de commencer à traiter ces sujets avec équité, transparence et le plus grand respect de la vérité.
 
Signé par plusieurs familles de prisonniers politiques



"Une génération détruite" de Farzad Kamangar


Oh tempête, range ta hache rouillée
Une jonquille veut fleurir
Un enfant veut aller dormir.
Oh fusils ! Silence, plus de bruit

Chère Madame …

Bonjour,
 
Vous me dites avoir aimé la lettre intitulée « Papa a donné de l’eau »* qui correspondrait à votre mentalité et votre état d’esprit. Pour être honnête, je l’ai écrite du fond du cœur pour mes élèves et ma propre enfance. J’ai couché mes rêves et mes aspirations sur papier. Mon enfance a eu une grande influence sur tous les aspects de nos vies.

Je ne me souviens d’aucun poème de mon enfance. On ne nous a jamais appris de poème. Je n’ai compris qu’après mes trente ans que j’aurais du recevoir un ballon de foot de mon père et j’ai du étendre les jambes pour que ma mère me chante une comptine. C’aurait été à nos instituteurs de nous apprendre à écrire des poèmes pour le soleil et le ciel. Nous aurions du mieux grandir avec les arbres. Nous aurions dû flotter au fil des rivières. Nous aurions dû voler dans le ciel avec les papillons…Nous aurions dû, nous aurions dû…

Au lieu de ça, la musique pour nous c’était les marches militaires, les poèmes des stands de tir et nous ne regardions pas le ciel par peur des hélicoptères de combat. C’est après mes trente ans que je ne connaissais aucun conte enfantin. Je ne savais pas que les enfants s’assoient et écoutent leurs grands-parents leur raconter les histoires du lapin courageux et du vilain petit canard avant d’aller se coucher. Je ne savais pas que les enfants devraient vivre et grandir avec leurs rêves. La fin de nos histoires c’était le décompte des morts dans les montagnes ou le rapport des heures de combat.
 
Croyez-moi, ils ne nous ont pas laisser être des enfants. C’est peut-être pourquoi, à l’âge de trente ans et quelques, j’aime toujours jouer à des jeux d’enfants. C’est peut-être pourquoi j’aime jouer avec les enfants et j’espère pouvoir encore le faire…
 
Ils ont volé à notre génération ses jeux, sa joie et son bonheur, c’est pourquoi je ne me rappelle rien de mon enfance. Vous allez me dire, si l’on retire de votre poème les manifestations, les cris et l’amour, qu’en restera-t-il ? Si l’on retire le printemps de la nature et la lune et les étoiles de la nuit, que deviendront-elles ?
Et dites-moi, si l’on retire son enfance que reste-t-il de cette personne ?

Chère …, à l’adolescence, au lieu de lire de la science-fiction, nous recherchions les statuts de certains partis politiques ou les méthodes de lutte armée. Nos cours parlaient d’histoire de la religion.

Chère …, mon enfance a débuté avec l’odeur du plomb, des balles et des coups de feu. Il ne reste rien de notre beau village et de toutes ses sources, rien que des ruines entourées de montagnes.

Mes souvenirs du village remontent à l’évènement suivant, je ne me souviens de rien avant.

Un jour, nous avons vu des jeunes armés envahirent notre village par toutes ses rues. C’était la première fois que je voyais un fusil. La première fois que j’ai vu une balle j’ai ressenti une peur étrange. Il n’était pas possible de compter les sources autour du village, ce que j’avais toujours voulu faire. Pas le temps d’attacher la balançoire au noyer de notre cour. Pas le temps de ramasser les mûres du mûrier derrière l’école. Plus le temps de ramasser les fleurs sauvages.

Notre seule loisir c’était de voir les blessés et les morts rapportés au village, d’écouter les sanglots des mères qui apprenaient la mort de leurs enfants et qui erraient de village en ville pour échouer chez nous. Des sanglots, des cris, du sang, l’odeur de la poudre, les psalmodies de « vive » et « mort à » avaient rempli l’espace de notre village et saturé notre enfance.

Un jour, on avait placé un jeune blessé sous un mûrier. Il n’y avait personne avec lui. Je m’approchais craintivement pour voir un jeune blessé. Il me demanda de l’eau. Ignorant que l’eau pouvait être dangereuse dans son état, je courus lui chercher un bol d’eau. Soudain, un de ses camarades se mit à me crier dessus. Je laissais tomber le bol d’eau et commençait à pleurer. Je me tournais vers Ebrahim, le jeune blessé, il souriait. Je n’ai pas compris la signification de ce sourire ce jour-là, mais depuis, l’image de son sourire me revient, même dans mes rêves. L’image ne me quitte pas. Peut-être se souvenait-il de sa propre enfance en me regardant. Depuis lors, j’ai regardé les enfants de notre terre avec envie et une boule dans la gorge. Je leur ai souri pour dépeindre ma propre enfance et leur futur.

Chère …, le jour où nous avons quitté notre village, un autre groupe est arrivé avec des armes et des uniformes différents. Personne ne pensait à notre école. Tout le monde pensait à des armes plus puissantes. Nous n’avions pas d’autre choix que de quitter le village et d’aller en ville. Cependant, là-bas aussi, il y avait les sirènes des ambulances et les corps des jeunes tués apportés en ville pour y être exposés. Ces images ne laissaient aucun répit à notre enfance et à notre adolescence.
Chaque soir après l’école, depuis les collines à l’extérieur de la ville, je regardais brûler les fermes céréalières enflammées par les fusils et les canons. Je m’asseyais et je regardais les chênaies brûler. Nous n’avions pas le temps d’être des enfants.

Plus tard, je suis devenu instituteur pour ne pas avoir à quitter les enfants et le monde de l’enfance. Je suis retourné dans les villages des montagnes Shahou pour voir Shahou blessée de près et lui venir en aide. Les chênaies avaient repoussé. La montagne était calme mais elle portait encore les souvenirs et les cicatrices de la profonde blessure subie.

La vie continuait. J’allais en classe avec passion et enthousiasme. Mais la pauvreté de la population, le chômage, les chaussures déchirées et les vêtements fatigués de mes élèves me préoccupaient. Je mourais mille fois dans la journée quand je regardais leurs visages douloureux. Je ne voulais pourtant pas porter témoignage de la mort des rêves de ces enfants.
 
Instituteur dans le couloir de la mort, Farzad Kamangar
Prison d'Evin
Mai 2010
 
*Baba Ab dad (littéralement, "papa donne de l'eau") est l'une des toutes premières phrases que les écoliers iraniens apprennent à lire et à écrire.

Texte traduit par Marthe Gonthier

Lire également:


Farzad Kamangar: Mais la nuit douloureuse déborde d’étoiles

Chaque nuit, une étoile est abattue.

Mais la nuit douloureuse déborde d’étoiles.

Salut camarade. Comment te dépeindre ? Comment visualiser le crime dont on t’a accusé ?

Dois-je t’imaginer en jeune homme frêle sur la potence, souriant au soleil florissant, ou en enfant des quartiers pauvres, pieds nus voulant annoncer aux tables du voisinage qui en manquent que le pain va arriver ?

Ou bien en jeune des quartiers riches ayant goûté la liberté et appris l’alphabet de l’injustice et de la douleur à l’école de la vie ?

Oh, attends, j’avais oublié que dans notre ville il n’y a ni quartiers riches ni quartiers pauvres, toute notre ville est pleine de souffrances et de tristesse.

Alors dis-moi, camarade,

Je veux te décrire en Siamand (1), qui s’habille pour son mariage.

Comment ? Je veux savoir comment me souvenir de toi.

Comme un jeune homme qui a pris la route de Shahou aux noyers brûlés pour rejoindre la caravane en route pour le pays du soleil.

Mais rien de tout cela n’est un crime.

Quelle que soit l’amertume d’appartenir à cette nation, lui tourner le dos serait indigne.

Alors, tu ne t’es pas détourné du peuple, sur la potence, tu avais la tête haute.

Repose en paix, camarade, tu sais que la mort d’une étoile est le prélude au lever du soleil, et le cauchemar de cette nation affrontée chaque nuit à la potence mortelle ne peut signifier que la naissance d’un autre enfant au pied de la chaîne du Zagros, un enfant né pour être rebelle.

Que ton corps se mêle à la terre dans la paix et la solitude. Embrasse la terre, car demain, tu en sortiras épanoui.

Endors-toi sans la berceuse de ta mère, sans les adieux de ta sœur et sans voir les larmes de ton père, repose en paix dans une terre où Ebrahim, Nader et Kioumars reposent déjà.

Mais dis-moi, camarade, je voudrais savoir ce que furent tes derniers mots quand le bruit des pas se mêla à celui de la souffrance.

Je voudrais savoir quel poème, quel chant, quel nom je devrai chanter afin que mes genoux ne s’entrechoquent pas lorsque mon tour viendra.

Apprends-moi comment affermir mon cœur pour l’instant suprême, où je verrai toute ma vie se dérouler.

Adieu, camarade,

Farzad Kamangar,
Prison d’Evine

1. Siamand est le héros d’une épopée kurde dont le sujet principal est l’amour et intitulé Siamand et Khadj

Lire aussi:

Lettre de Farzad Kamangar, Enseignant emprisonné condamné à mort

Farzad Kamangar: « Soyez forts, camarades »

Lettre de Farzad Kamangar depuis la prison d’Evine

 

La camarade de cellule de Shirin témoigne

Mahdieh Golroo écrit en mémoire de la prisonnière exécutée Shirin Alam-Hooli
Texte traduit par Marthe Gonthier

Mahdieh Golroo, membre emprisonnée du Conseil pour le Droit à l’Education, a écrit une lettre à la mémoire de sa camarade de cellule, la prisonnière politique exécutée Shirin Alam-Hooli.

12 mai 2010 

Tu étais avec nous et maintenant tu es partie sans nous, comme le parfum d’une fleur. Où es-tu partie ?
 
Nous avons passé la nuit de samedi sans Shirin. C’était le moment le plus amer de notre emprisonnement. Ce fut une sombre et terrible nuit. Chaque seconde nous semblait une éternité à nous qui aspirions à revoir Shirin.
 
Le téléphone de la section des femmes était coupé depuis samedi après-midi ce qui ne faisait qu’augmenter l’angoisse. Nous étions ensemble dans une pièce qui n’appartenait qu’à nous. Shirin aimait cela. Elle avait souffert plus que nous et aimait l’isolement mais elle a été la première à quitter la pièce. Cette nuit-là, même celles qui étaient détenues depuis longtemps se remémoraient les personnes s’évanouissant brusquement dans les ténèbres de la nuit pour rejoindre la lumière éternelle de la liberté. Nous avons parlé des souvenirs amers de celles dont les camarades étaient envoyées à la potence. Nous admirions la résistance de ces femmes qui supportaient la tension provoquée par la mort de leurs amies pour que l’avenir des générations suivantes soit plus radieux.

Hélas, le cercle infernal des injustices continue, et notre patience a été mise à rude épreuve quand Shirin a été brutalement séparée de nous sans même avoir le temps de dire au revoir comme si la corde l’appelait par son nom, espérant voir une lueur de peur dans ses yeux d’aigle. Mais je sais bien que le courage de Shirin ridiculisa  cette austère nuit d’Evin et la rigueur de la corde.

L’écoulement de chaque seconde était difficile à supporter. Nous attendions des nouvelles de Shirin. Pour l’emmener, ils ont utilisé pour excuse une erreur dans leurs dossiers : le nom de son père y était mal orthographié. Il ne nous est pas venu à l’esprit que c’était la dernière fois que nous la voyions. L’appétit de vivre de Shirin, les efforts et les progrès qu’elle faisait dans les études la faisaient ressembler à une nouvelle arrivante en prison sur le point d’être libérée.

Quelle nuit que cette nuit. L’appel des prisonniers du dimanche matin fut un lourd fardeau sur nos épaules. Nous avons alors eu la certitude qu’une fois encore, la corde avait pris la vie d’une combattante, une lionne du Kurdistan, dont la résistance défiait les montagnes. C’était difficile de le croire.

Aux informations de deux heures, nous avons entendu que Shirin avait été exécutée et ne reviendrait donc jamais. Même si nous avions déjà appris des exécutions auparavant, par expérience ou par des écrits historiques, nous avons ressenti l’amertume de la perte de Shirin dans chaque cellule de notre corps.

Cette nuit fut l’apogée de toutes les nuits de nos vies. Nous espérions quelque chose que les prisonniers d’il y a vingt ans désiraient déjà ; la fin des injustices pour que la génération à venir n’ait pas à en passer par là.

Quatre jours se sont écoulés depuis cette tragédie. Une écharpe noire, la couleur du deuil, repose sur son lit. 

Je dors sur le sol de ma cellule. Mes compagnes de cellule insistent pour que je dorme dans le lit de Shirin. 

Mais je ne peux pas prendre la place du professeur de poterie ; elle est irremplaçable.
 
Mahdieh Golroo, 
Prison d’Evine
12 mai 2010

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Texte écrit par Fereshteh Ghazi (Twitter: iranbaan) suite à l'exécution de Shirin Alam-Houli le 9 Mai 2010.
 
Traditionnellement, les condamnés à mort sont informés de leur exécution le soir précédent pour qu’ils puissent faire leur testament et dire adieu à leur famille. Même s’ils ne l’ont pas fait pour Shirin Alam-Hooli, elle a eu des soupçons quand les gardiennes lui ont demandé de sortir de sa cellule, qu’ils ont immédiatement fermée derrière elle. Elle a ensuite été traînée en dehors du quartier.

Shirin ne voulait pas partir. Elle attendait au moins qu’on lui dise où on l’emmenait. Pourquoi ne lui permet-on même pas de mettre son écharpe d’uniforme ? Pourquoi l’emmenait-on sans le vêtement et l’écharpe réglementaires ?

Le lendemain, ses camarades du bloc rapportaient les derniers mots qu’elles l’aient entendu dire : « Je suis entre vos mains alors pourquoi ne pas me laisser au moins dire adieur à ma famille ? Laissez-moi dire mon dernier au revoir à mes amies. Pourquoi tant en faire quand je n’ai aucune possibilité d’évasion. Pour l’amour de Dieu, laissez-moi entendre la voix de ma mère pour la dernière fois… »

L’exécution de Shirin Alam-Hooli n’avait été annoncée ni à elle-même ni à son avocat. Elle a été extraite de sa cellule par ruse alors qu’elle résolvait des équations car elle se préparait à un examen de mathématiques qui avait lieu dans deux jours. Elle s’était inscrite dans un programme d’éducation pour adultes et s’était promis d’aller à l’université pour faire son droit pour pouvoir un jour défendre les droits de ses compatriotes.

Les camarades de cellule de Shirin ne se sont pas couchées cette nuit là espérant son retour. Elles ont été choquées le lendemain quand les autorités de la prison sont venues enlever ses affaires personnelles, ce qui leur confirma que Shirin était partie pour de bon.

Shirin a été pendue à la prison d’Evine où ses camarades de cellule s’en rappelle comme d’un symbole d’amour et de soif de liberté. Elles se souviennent de sa résistance et de ses angoisses nocturnes causées par les tortures moyenâgeuses qu’elle avait subi d’individus cruels qui la considéraient comme une terroriste se croyant eux-mêmes les vrais représentants de Dieu.

Quand elles parlent de Shirin, ses camarades de cellule parlent d’une femme qui partageait le peu d’argent ou de vêtements qu’elle avait avec les nouvelles arrivantes. Elle renonçait à ses conversations téléphoniques avec sa famille pour pouvoir s’occuper de problèmes plus urgents comme aider les prisonnières nouvellement arrivées et partager avec elles tout ce qu’elle avait.

Shirin a été pendue avec quatre autres personnes, Mehdi, Ali, Farhad et Farzad et nous a laissés, alors que la république islamique reste, elle. Même si elle reste, elle a peur des cadavres de ces cinq citoyens. Le régime a refusé à ces cinq citoyens et enfants de ce pays le droit minimum de dire adieu aux leurs et maintenant elle ne rend pas les corps de ces victimes à leurs familles. On se demande pourquoi, un régime qui prétend représenter Dieu sur la terre a peur de rendre les cinq cadavres à leurs familles après qu’ils leur aient pris la vie de façon éhontée. Les personnes exécutées étaient des étoiles qui ont été impitoyablement fracassées et anéanties. Shirin n’avait pas été arrêtée en relation avec la tourmente post-électorale de 2009. C’était une militante kurde qui a dépensé toute son énergie à aider les autres.

Un tel régime doit en fait vivre dans la peur. Même les morts le hantent. Ceux qui dirigent ce régime ont-ils oublié qu’en dépit de toutes ses pendaisons et exécutions, l’ancien régime a fini par tomber et disparaître ? Tous ces meurtres, ces exécutions de Shirin et de ses camarades Iraniens sont commis pour conserver le pouvoir. Même si ce n’est que pour quelques jours.

Fereshteh Ghazi
14 mai 2010


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