jeudi 4 novembre 2010

Combattre la pauvreté ou combattre les pauvres - Behrouz Djavid Teherani

Ces jours-ci, les prisonniers de conscience parlent beaucoup des amputations des mains de voleurs par les agences locales du ministère du renseignement. Cela fait longtemps que j’attends l’occasion de faire connaître ces agissements aux gens à l’extérieur, à ceux impliqués dans la défense des droits humains et aux responsables qui gardent encore un peu de conscience et voudront entendre mon message.

Le dernier exemple en date a eu lieu la semaine dernière au bureau du ministère du renseignement de Shapour à Téhéran où deux Afghans ont perdu leurs mains pour de petits larcins. Je suis profondément désolé de ne pas encore connaître leurs noms.

Il faut dire que la justice iranienne pratique l’opacité à un haut niveau et réussit à cacher la vérité sur les crimes qu’elle commet contre l’humanité. Il faut donc que les journalistes des droits humains et les militants soient encore plus vigilants et observent d’encore plus près ces crimes. Ils (les journalistes et les militants) ne doivent pas oublier de recourir aux témoins oculaires ; ils doivent aussi continuer d’informer et de sensibiliser l’opinion publique.

C’est un article paru dans le journal local et qui avait réussi à échapper aux censeurs de la prison qui m’a conduit à écrire. Un fonctionnaire de la justice de Basat à Téhéran y parlait d’un homme qui avait volé dans une pâtisserie et qui avait été amputé ; cette nouvelle m’a rendu honteux et triste.

Il faut se souvenir que la publication de cette nouvelle a été violemment contestée par la justice à Téhéran qui a lourdement condamné le journal.

L’amputation des mains des voleurs n’est en aucune façon un problème isolé ; non seulement l’exécution de ces verdicts déchirants, est contraire à toutes les normes et codes légaux, mais, à long terme, elle va créer une classe de handicapés dans la société. Amputer une main (et en plus pour un vol dans une pâtisserie !) c’est priver cette personne de la possibilité de travailler et le retirer du rang des salariés. Ce n’est pas ce qui va régler nos problèmes de société. Un homme qui vole dans une pâtisserie le fait à cause de la faim, de la pauvreté et du chômage ou alors en raison des pressions de la société sur les immigrants ; il devient alors un handicapé, inemployable qui ne sera jamais plus capable de gagner sa et celle de sa famille si ce n’est en volant.

Pensez à la femme ou aux enfants de cet homme affamé ; à tout jamais il leur manquera la douce caresse aimante de leur père. Comment son enfant ou ses amis répondront-ils au châtiment de leur père ? Comment cet acte inhumain va-t-il influencer leurs futures pensées et leurs vies ?

Ce n’est donc pas un problème isolé ; il aura au contraire un impact sur les générations à venir. Aujourd’hui où la situation de la société en Iran se définit par l’inflation, la pauvreté, la faim et l’anxiété face au futur, l’usage de ces châtiment cruels et inhumains, contraires aux lois de la société qui visent à promouvoir la santé et le bien-être font du mal, non seulement à la personne châtiée mais à la société toute entière.

Alors quel en est le but ? A qui profitent ces lois ? Je voudrais que les dirigeants actuels de l’Iran qui ont usurpé le pouvoir amputent les mains de la dictature et des impérialistes et pas celles des pauvres qui se trompent ; ils devraient plutôt amputer notre société de sa pauvreté.

Behrouz Djavid Teherani
Prison de Redjaï Shahr, bloc 2, salle 44
Aban 1389 (octobre 2010)

Source : http://ahvalvatan.blogspot.com/2010/11/fighting-poverty-or-fighting-poor.html

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