samedi 18 juin 2011

Lettre de Nasrine Sotoudeh à Haleh Sahabi 15 juin 2011


Ma très chère Haleh,

La mort n’est pas le bout du chemin pour une colombe.

Ca ne fait que trois jours que tu es brusquement partie, et j’ai encore tellement de mal à y croire. Malgré notre tristesse lorsque nous avons appris cette triste nouvelle, nous continuons à prier pour qu’elle soit fausse. Durant ces trois derniers jours, le bloc des prisonnières politiques d’Evine a répété ton nom dans des chants d’amour et de liberté. 

Ta noble histoire s’étend sur trois générations qui toutes ont souffert sur le chemin de la liberté et de la démocratie, jusqu’à cette nuit quand nous t’avons toutes accompagnée en pleurs lorsque tu as quitté la prison pour que ta présence puisse rendre ses forces à feu ton père qui avait voué sa vie à la dignité et à la prospérité de notre pays.

….mais hélas, mais plutôt que de consoler un père décédé, la nation iranienne a également perdu une fille…

Du peu qui ait filtré en prison, il semblerait que tu as perdu la vie en protégeant le droit de ta famille à pleurer la perte de ton père, un droit qui a été refusé à de multiples reprises à trop de familles iraniennes méprisées. Celles d’entre nous qui ont eu l’honneur de mieux te connaître pendant que tu étais derrière les barreaux ont vu que, même lorsque ton père était hospitalisé, tu n’étais pas prête  à renoncer à ton droit à manifester, car tel était ton engagement. Nous qui te connaissons, savons que tu étais le type de femme courageuse, prête à donner sa vie si nécessaire pour défendre tes droits, t’élevant fermement contre ceux qui ignorent la loi.

Tu as défendu tes droits avec tant de simplicité et d’innocence qu’on t’a finalement libérée de prison ; comme si on avait fini par reconnaître tes droits…

Tu as demandé tes droits sans équivoque et sans aucun affrontement ; un état d’esprit qui a sans aucun doute joué un rôle capital dans chaque avancée que tu faisais.

Ma très chère Haleh, tu as compris la situation difficile et la douleur des familles de prisonniers, car ta famille a souvent eu un membre derrière les barreaux, et à la fin, toi aussi, tu t’es dirigée vers la prison…oui, ta famille a souvent eu de nobles prisonniers.


Te souviens-tu avec quelle patience, dignité et joie tu as accueilli ton verdict, un verdict que tu ne méritais pas ?

Te souviens-tu que tu disais que la prison c’était amusant, une expérience dans le genre du camping ? Te souviens-tu combien tu aimais tout le monde et combien tu étais aimée en retour ?

Bien que ta vie paisible ait été courte, l’histoire de ta noblesse nous restera comme un souvenir au milieu des fleurs de ton tchador. 

L’iris que tu avais cueilli dans la cour ce dernier soir lors de ton retour du bureau du procureur s’est fané ce matin, comme s’il avait été au courant de ton départ avant nous…

Nasrine Sotoudeh – Bloc des prisonnières politiques – Prison d’Evine - Juin 2011

Source: Facebook Page for the Feminist School: http://on.fb.me/lvgTgP

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