jeudi 3 juin 2010

Lettre ouverte d’un franco-iranien de 17 ans


Bonjour, amis, amies, journalistes, femmes et hommes politiques et tout simplement femmes et hommes qui voudront bien lire cette lettre.
Il y a de cela une semaine, dans une ville orientale lointaine, une ville de lumières, une ville d’amour mais aussi une ville de haine, de peur et de barbarie, un événement magnifique s’est produit. Dans cette ville, Téhéran, un homme, le cinéaste Jafar Panahi, alors qu’il était emprisonné depuis trois mois dans la sinistre prison politique d’Evin, vient d’être libéré. Qu’a-t-il fallu pour cela ?
Qu’a-t-il fallu pour que soit assurée sa liberté ? 
Quelque part, à des kilomètres à l’Ouest, quelque part où les photographes, journalistes et personnalités de ce monde aiment à se rendre.
Quelque part sur la Côte d’Azur où se déroule le plus grand festival de cinéma de la planète.
Car le cinéma est une famille et que Jafar Panahi en est un membre à part entière, qu’il avait de surcroît été nommé juré à Cannes, et qu’il fallait se battre pour sa liberté. 
Or les autorités iraniennes ne l’ont pas laissé s’y rendre ! Bien sûr, tout ceci est aujourd’hui dérisoire, le plus important demeurant sa libération et pas sa présence sur un siège pour regarder des films. 
Mais comment a-t-il pu être libéré ? 
Bien sûr, il y a eu versement d’une caution (150 000 euros) mais comment le sanguinaire, violent, et inhumain tribunal iranien a-t-il pu libérer cet homme dont les films avaient pour seul tort de montrer le criant manque de liberté dans le pays ?
Ceci a été rendu possible durant ce festival de Cannes, grâce à une énorme mobilisation pour réclamer sa libération, et la lecture par Monsieur le Ministre de la Culture et de la Communication Frédéric Mitterrand, de deux lettres du cinéaste aussi touchantes, choquantes que terrifiantes. Jafar Panahi a en plus pu compter sur les interventions de Juliette Binoche, d’Abbas Kiarostami, de Kristin Scott Thomas et bien d’autres. 
La pression internationale de ces hommes et femmes de Culture a-t-elle inquiété ses geôliers ?
Si oui, cela signifie que la Culture, la mobilisation et le combat des lettres a vaincu la politique brutale du Régime Iranien. 
Mais, si je vous adresse aujourd’hui cette lettre, ce n’est pas dans le but de me réjouir d’une libération tant attendue et si émouvante, c’est pour lancer un appel. 
Depuis le 12 juin, et l’organisation d’élections massivement truquées en République islamique, les Iraniens du monde entier se battent pour changer ce Régime totalitaire qui redoute tant sa défaite. Alors que le Président américain Barak Obama tendait pour la première fois la main aux mollahs, les Iraniens descendaient dans la rue et criaient cette envie de changement. Très vite, ils se sont rendus compte qu’ils ne pourraient compter que sur eux, et que ce n’est que tous ensemble et à leurs risques et périls, qu’ils pourraient changer leur avenir.
Depuis, des centaines d’entre eux sont morts sous les balles des fusils. Comment ne pas se rappeler ces terrifiantes images de Neda, cette jeune et magnifique iranienne, abattue devant nous. Or des Neda, il y en a eu tant d’autres, anonymes, qui n’ont pas été filmées par un téléphone portable. Pire, depuis, certains ont été pendus comme modèle. 
Ainsi, en soutien au peuple iranien et à leur lutte, 
Je demande aux hommes et aux femmes du monde entier qui ne souhaitent que la liberté, de se battre à leurs côtés.
Je demande aux journalistes du monde entier, malgré leur expulsion d’Iran et donc le manque cruel d’images, de ne pas considérer la révolte iranienne comme une histoire passée et de continuer à en parler.
Je demande à Monsieur le Président Sarkozy de revendiquer explicitement son soutien à la cause du peuple iranien.
Je demande à chacun des Ministres des Affaires Etrangères de la planète de respecter le combat du peuple iranien et de ne pas négocier avec ce Régime assassin.
Je demande à Monsieur le Président Obama de condamner fermement tous les actes de tuerie et de barbarie dont s’est rendu coupable le Régime iranien. 
Je demande à tous les chefs d’Etat de ne pas faire l’impasse sur cette révolte et de soutenir ce mouvement de contestation ainsi que d’appeler à la paix, la liberté et la démocratie en Iran. 
Je demande aux chefs d’Entreprise occidentaux de laisser pour une fois la loi du marché de côté et de cesser de traiter avec ce Régime aux mains ensanglantées.
Je demande à tous les hommes de Culture de montrer leur soutien avec cette lutte courageuse et unique dans la région par des gestes et actions symboliques telle l’organisation d’événements culturels, de concerts, le port de brassards ou tout autre geste qui pourrait paraître insignifiant mais qui a son importance dans le symbole. 
J’appelle le monde entier à comprendre que l’Iran du peuple est à l’opposé de l’Iran des Mollahs.
Je demande la libération de toutes les femmes et les hommes emprisonnés en Iran pour avoir exprimé leur opinion et défendu leurs droits.
Je demande la paix, la liberté et la démocratie pour cette terre lointaine qui, au même titre que la France, est aussi mon pays. 
Je vous demande de transmettre cette lettre afin qu’elle soit lue par le plus grand nombre d’entre vous. 
Je vous remercie, 

Delazad Deghati

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