mercredi 27 mars 2013

Rapport de Shirin Ebadi sur la situation des droits humains en Iran durant le mois iranien d’Esfand 1391 (du 21 février au 20 mars 2013)


Introduction :
Durant le mois d’Esfand 1391, Monsieur Ahmad Shaheed, Rapporteur Spécial de l’ONU sur la situation des droits humains en Iran, a présenté son rapport lors de la session du conseil des droits humains de l’ONU le 11 mars. Dans ce rapport, il exprime son inquiétude sur les violations systématique des droits humains en Iran. Pour sa part, Monsieur Mohammad-Djavad Laridjani, représentant du gouvernement iranien à la réunion, a rejeté ce rapport et accusé Monsieur Shaheed d’avoir rédigé son rapport en compilant les informations reçues de l’aide financière de l’administration américaine avec l’aide de groupes terroristes
L’attitude non diplomatique et carrément impolie de l’envoyé du gouvernement iranien a suscité la réaction du président de la session du conseil des droits humains de l’ONU qui est allé jusqu’à donner un avertissement à l’envoyé pour usage d’une terminologie insultante.
Une partie du rapport soumis par Monsieur Shaheed traite des conditions adverses des minorités ethniques et religieuses en Iran. Vous verrez ci-dessous dans le rapport de ce mois que la plupart des arrestations et des peines de mort concernent ces minorités.
Monsieur Laridjani a parlé de relativisme culturel pour rejeter le rapport de Monsieur Shaheed sur la discrimination des femmes en Iran et a traité ce rapport de partial et cela alors qu’en plus des lois discriminatoires contre les femmes adoptées par la république islamique d’Iran, les Iraniennes n’ont même pas le droit de célébrer la « Journée de la Femme » le 8 mars. De temps en temps, plusieurs féministes sont arrêtées et emprisonnées explicitement pour cette raison ; en ce moment, plus de 20 personnes sont emprisonnées pour avoir protesté contre la discrimination des sexes. De plus, de nouvelles restrictions ont été introduites dans l’enseignement supérieur basées sur des « quotas liés au sexe ».
De plus, l’envoyé iranien a annoncé que les élections avaient toujours été libres en Iran, et ce basant sur cette affirmation, il a déclaré que le rapport de Monsieur Shaheed était défectueux et peu crédible, et ce, malgré le fait qu’en plus de la loi contraignante de supervision qui sape sérieusement la liberté du processus électoral, deux des candidats de l’élection présidentielle précédente sont emprisonnés depuis plus de deux ans maintenant, sans procès et sans mise en accusation formelle. A ce jour, aucune organisation étatique n’a accepté la responsabilité de leur arrestation.
Monsieur Laridjani a également accuse le rapporteur spécial de l’ONU de promouvoir l’homosexualité, alors que selon le code pénal islamique, la sodomie est un crime et peut être puni de la peine de mort. Il est arrivé que le tribunal ordonne que l’accusé soit placé dans un sac jeté du sommet d’une colline pour s’assurer qu’il meurt avec le maximum de douleur et de souffrances.
Il est intéressant de noter que quelques institutions civiles participaient aux réunions collatérales de la session du Conseil des Droits Humains de l’ONU. Ces institutions ont été établies par le ministère du renseignement de la république d’Iran et sont financées par le gouvernement iranien. Cependant, les représentants de ces institutions qui prétendent être indépendantes de l’état iranien, ont tenté d’assister à plusieurs réunions pour les perturber en exprimant leur soutien à la politique du gouvernement de la république islamique d’Iran et en s’engageant dans des discussions avec les orateurs et les participants. De temps en temps, prenant des postures et des intonations dramatiques, ils prétendaient que l’un des groupes opposants au régime iranien avait causé la mort d’un de leurs proches. Ils étaient mécontents de Monsieur Shaheed qui, selon eux, n’avait pas mentionné ces faits. Il est nécessaire de préciser, sans préjuger de la véracité des affirmations de ces individus, qu’enquêter sur les activités des groupes d’opposition dans le passé ne fait pas partie du mandat et de l’autorité du rapporteur spécial de l’ONU.
Il vaudrait mieux, plutôt que de recourir à l’insulte et à la calomnie contre le rapporteur spécial de l’ONU, que le gouvernement de la république d’Iran permette au rapporteur de se rendre en Iran, et de fournir à l’envoyé des Nations-Unies l’aide judiciaire nécessaire et la coopération pour lui permettre de produire son rapport.
Suite à ce qui précède, voici un résumé de la situation des droits humains en Iran durant le mois d’Esfand 1391. Ce rapport est basé sur ce qui est paru dans différents médias et sites Web dont la fiabilité a été vérifiée. Ce rapport comporte trois parties et est également disponible en Persan et en Anglais.

I-Droits civiques, culturels et politiques
A-Situation des militants dissidents politiques et sociaux
1-Durant ce mois, il y a eu 21 personnes arrêtées ; certaines ont été libérées au bout de quelques jours. 
  • De 10 à 12 habitants d’Ahvaz dont Reza Bavi, Mansour et Salem Baradje’eh, Abbas, Ahmad et Amir Badavi, Mohammad Mazra’eh, Nasser Assadi, Ahmad Heydari, Djasseb Afravi, Vali Mass’oudi Khalil Khosrdji
  • Un clerc opposant au régime Ahmad Ghobantchi
  • Le député de Hamadān lors de la sixième législature Hossein Loghmanian, qui est également le responsable local du Front de la Participation de l’Iran Islamique
  • Quatre militants politiques d’Hamadān : Mohammad Reza Afkhami, Hadi Ehtezazi, Madame Rahimi et Amin Faridian
  • Eshrat Bastidjani une des supporters des Mères du Parc Laleh, philanthrope et aimante ainsi que sa fille Mahsa Rezaï
  • Mehdi Motamedi-Mehr et Mohammad-Bagher Alavi, membres du Mouvement de la Liberté
2-Mohammad Mozaffari a été transféré à la prison d’Evine pour y purger sa peine de six ans, trois mois et un jour.

3- Hassan Behzadian-Nejad a été condamné à une amende de 30 millions de rials au lieu de la prison ainsi qu’à dix coups de fouet.
  • Mir-Taher Moussavi maître de conférences à l’université et ancien membre du parlement islamique, a été condamné à cinq ans de prison au Balouchistan ainsi qu’à 10 ans d’exil.
  • Mohammad Seyfzadeh, avocat et membre du Haut Conseil de Supervision du Centre de Défense des Droits Humains, emprisonné depuis maintenant presque deux ans, a été condamné à six ans de prison pour avoir écrit une lettre à Seyed Mohammad Khatami.
  • Hessamoddin Ghorbani, militant étudiant, a été condamné à 20 coups de fouet et à une amende de 3.500.000 rials
  • Mostafa Fegh, habitant de Mahābād, a été condamné à quatre ans de prison.

4-Mohammad Parsi, Mohsen Ghashghaï, Ahmad Reza Ahmadi, Akbar Amini et Pejman Zafarmand ont été cités à comparaître devant le tribunal de la révolution islamique.
  • Mamousta Abdol-Salam Golnavaz, imam du vendredi sunnite a été cité à comparaître devant le tribunal spécial du clergé de Tabriz.
  • Mostafa Tadjzadeh, membre du Front de la Participation Islamique d’Iran qui purge actuellement une peine de prison, a été cité à comparaître devant les magistrats du tribunal d’Evine pour un nouveau chef d’accusation porté à son encontre.

5-La situation de certains prisonniers de conscience serait encore insatisfaisante. On peut par exemple citer les pressions intenses et illégales dont Mehdi Khodaï, interné au bloc 350 de la prison d’Evine a été l’objet pour le transférer au dispensaire, transfert bloqué par le procureur général de Téhéran.

6- Mehdi Khazali, prisonnier politique, est toujours en grève de la faim; il est gravement malade et a besoin d’un traitement médical.
  • Mir-Taher Moussavi, maître de conférences à l’université purgeant actuellement une peine de prison, a commencé une grève de ses médicaments pour protester contre la conduite et l’attitude des agents de sécurité.
  • Un groupe d’habitants d’Ahvaz Hashem Sha’bani-Nejad, Hadi Rashedi, Mohammad-Ali Amouri-Nejad, et Djaber et Mokhtar Alboushoukeh qui ont tous été condamnés à mort ainsi que Rahman Asakereh, condamné à 20 ans de prison, ont tous commencé une grève de la faim pour protester contre leur situation.

7-Zia Nabavi, qui purge actuellement une peine de prison a été transféré à l’isolement dans la prison du renseignement de la province d’Ahvaz.

8-Le bail de 200 millions de rial de Massoud Nour-Mohammadi, l’un des inculpés dans les évènements postélectoraux de 2009, a été confisqué après son départ pour l’étranger.

B) Situation des livres, des médias, des écrivains et des journalistes
1-En plus des militants dissidents politiques cités dans la partie A de ce rapport, neuf autres écrivains, journalistes et militants culturels ont également été arrêtés, certains d’entre eux étant libérés après quelques jours de détention : 
  • Six journalistes de la presse écrite : Mohammad-Djavad Rouh, Ehsan Mazandarani, Massoud Kordpour, Khosrô Kordpour, Alireza Aghaï-Rad, et Ghassem Ahmadi
  • Deux écrivains et militants culturels Keyhan Azizi et Davoud Ghaffari
  • Mohammad-Mehdi Emami-Nasseri, rédacteur en chef du journal Maghreb.
  • Le journaliste Abbas Darvish Tavangar a été interrogé et Mohammad Nourizad, écrivain et cinéaste documentariste a été cité à comparaître.

3-Le conseil de supervision de la presse a révoqué l’autorisation de publication du quotidien Maghreb.

4-Un concert nocturne et le « Festival des Sports et des Loisirs » ont été interdits à Boushehr.
  • Fatemeh Mo’tamed Arya, actrice de cinéma n’a pas été autorisée à assister à une réunion de cinéastes locaux à Boushehr.

5-Les passeports de Kambouzia Partovi et Maryam Moghaddam, cinéastes iraniens, ont été confisqués à leur arrivée en Iran en provenance du Festival du Film de Berlin. Ils sont maintenant interdits de sortie du territoire.

C) Autres exemples de violations des droits humains
1-Il y a eu 14 exécutions en Iran pendant le mois d’Esfand. Le superviseur du tribunal du district de Torkmantchaï a annoncé deux exécutions pour meurtre dans cette ville.
  • Le procureur de Sari a annoncé une exécution pour possession et trafic de drogue
  • L.J, N.Sh, A.N, H.A, P.M, H.A, A.M. et A.T ont été exécutés à Shiraz. R.Kh a subi le même sort à Semnān. Les médias affiliés au gouvernement iranien rapportent que ces individus avaient été condamnés pour viol.

2- Mohammad Zamiran et Ehsan Shari’ati ont été interdits d’enseigner à l’unité de recherché scientifique de l’université Azad du district de Hessarak.
Seyed Djavid Ale Davoud, président de la société protectrice des animaux a été condamné à 3 mois de mise à pied pour une communication scientifique qu’il avait rédigée et aussi pour des interviews données à des médias nationaux et internationaux.

3-Payam Shakiba a été interdit de poursuivre ses études en master. 
  • Seyed Ahmad Hosseini a été expulsé de l’université.

4-Beaucoup de médecins liés à l’opposition ont été disqualifiés lors des sixièmes élections du bureau de l’Ordre des Médecins.

5-Les agents de sécurité de l’université Azad de Shahr-é-Kord ont confisqué les meubles et l’équipement du bureau de l’association islamique des étudiants de cette université et ont pris possession de leur bureau.

6-L’interdiction des VPNs et la réduction de la vitesse d’Internet pour imposer les restrictions à l’accès à Internet ont été particulièrement patents le mois dernier.

7-Les autorités iraniennes ont interdit la tenue de tout rassemblement ou de toute commémoration de la Journée de la Femme le 8 mars

II-Les droits sociaux et économiques
1-La situation économique du pays est toujours défavorable. Les rapports officiels indiquent que le coût de la vie est en moyenne six fois plus élevé que le salaire minimum des ouvriers. Ce qui veut dire que durant le mois de Bahman (21 janvier au 21 février 2013) le coût minimum de la vie pour une famille de quatre personnes dépassait les 25 millions de rials. Et le président de la commission de santé et d’hygiène a dit que le ministère de la santé doit faire face à un déficit budgétaire sans précédent d’environ 45.000 milliards de rials.

2-En ce qui concerne les ouvriers :
  • Environ 2.300 ouvriers de l’usine Saveh Rolling and Profile et de l’usine Safa Rolling and Pipeline n’ont pas été payés depuis trois mois. 
  • L’arriéré de salaires d’environ 1.500 ouvriers de la Compagnie Iranienne des Industries de Marine (SADRA) s’élève à quatre mois.
  • Un groupe d’ouvriers de l’usine de traitement et de raffinage de sucre d’Ahvaz n’ont reçu aucun salaire depuis environ 26 mois.

3-Une source émanant de la direction a relaté qu’un mineur s’est immolé par le feu dans la province d’Ispahan.
  • Le quotidien Khorāsān a également rapporté qu’une jeune sans-abri d’environ 35 ans est morte de froid alors qu’elle dormait sur des cartons dans le parc Alou de la ville de Machhad.

4- Ali Azadi, Vafa Ghaderi, Khaled Hosseini, Behzad Faradjollahi et Hamed Mahmoud-Nejad, militants et membres du comité de coordination pour l’assistance à la formations de syndicats ouvriers, ainsi que Sharif Sa’ed-Panah membre de la direction du syndicat libre des travailleurs d’Iran ont été arrêtés.

5-Les autorités judicaires n’ont pas permis l’hospitalisation du militant du droit du travail Mohammad Djarahi pour recevoir un traitement approprié et un diagnostic définitif après que l’on ait découvert qu’il souffrait d’un cancer.

6-La direction de l’école Fatemeh Zahra de Marivan ont exigé la somme d’un million de rials à chacune des élèves mais certaines enfants ne pouvaient pas payer à cause de la pauvreté des familles, elles ne peuvent plus continuer leurs études dans cette école.

7-Le ministre de l’éducation a annoncé qu’environ 25.000 enseignants et de personnels de l’éducation retraités n’ont pas reçu leurs primes de fin d’activité.

III-Patrimoine et Environnement
Ces rapports aussi montrent que durant le mois d’Esfand ces secteurs sont dans une situation défavorable.
1-Les statistiques montrent que la déforestation a atteint des sommets : de 3,9 millions à 1,8 millions d’hectares en quelques années.

2-Le sol iranien est vendu sous le nom d’exportation non-pétrolière.

Conclusion
Je voudrais attirer l’attention du gouvernement de la république islamique d’Iran sur leur coopération indispensable avec le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains en Iran ; il faut qu’il lui permette de se rendre en Iran. Si cette permission est accordée la sûreté et la sécurité du rapporteur spécial. Les autorités devraient également nommer un autre représentant pour assister au conseil des droits humains de l’ONU, quelqu’un de plus poli et qui connaissent les lois et les conventions internationales, plus particulièrement en ce qui concerne les droits humains.

Shirin Ebadi
Avocate des droits humains et lauréate du prix Nobel de la Paix 2003
21 mars 2013

Note : Pour plus d’informations sur le rapport ci-dessus, se référer aux sites Web d’information suivants :
Agence de Presse des Etudiants Iraniens (ISNA), 
Agence de Presse de la République Islamique (IRNA), 
Agence de Presse du Travail en Iran (ILNA), 
Agence de Presse Fars, 
Agence de Presse Mehr, 
Agence de Presse du Club des Jeunes Journalistes, 
Site Web, 
JARAS, 
Comité des Reporters des Droits Humains, 
Nedaye Azadi, 
Bata, 
HRANA, 
Ghanoun, 
Kaleme, 
Mohebbat News, 
Sunni Online, 
Campagne Internationale pour les Droits Humains en Iran, 
Majzooban-e Noor, 
Melli Mazhabi, 
Nedaye Sabze Azadi, 
Radio Zamaneh, 
Radio Farda 
BBC.

Source : http://www.humanrights-ir.org/php/view_en.php?objnr=880

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