lundi 9 mai 2011

La prison de Gharchak à Varamin, un nouveau Kahrizak? Les prisonnières témoignent ...

Les nouvelles s'accumulent et vont malheureusement toutes dans le même sens. Depuis que 600 prisonnières de la prison de Rajai-Shahr ont été transférées à la prison Gharchak de Varamin, les inquiétudes montent. Les familles sont tétanisées par la peur. Les conditions de détention sont inhumaines. Nous traduisons ici certains passages des lettres rendues publiques, d'une part par les prisonnières politiques, et d'autre part par leurs familles.

Il est important de noter l'extrême urgence de cette situation car des vies humaines sont en grave danger. Nous demandons aux lecteurs de diffuser au maximum ces informations et de ne pas oublier celles qui subissent tous les jours, les pires tortures de ce régime totalitaire.


Dans une lettre publiée par le site DaneshjooNews le Samedi 7 Mai, les prisonnières politiques de la prison de Gharchak à Varamin écrivent: 

"Cela fait une semaine que nous avons été transférées de la prison de Rajai-Shahr à la prison de Gharchak à Varamin... après avoir vécu l'expérience de la détention à Rajai-Shahr, nous n'aurions jamais pensé que nous pourrions un jour nous trouver dans une situation aussi catastrophique... 

Nous avons été transférées mardi dernier à la prison de Gharchak dans des conditions de sécurité draconiennes, menottées et les pieds entravés, ..., des conditions que nous n'avions même pas vues lors des interrogatoires. Pendant le transport qui a duré 3 heures et demie, plusieurs prisonnières ont fait des malaises. Nous nous sommes donc trouvées très loin de Téhéran, dans un endroit tellement difficile d'accès et éloigné que l'on se demandait comment nos familles allaient pouvoir venir nous rencontrer. Une semaine plus tard, il n'est d'ailleurs toujours pas question de visites. 

La prison de Gharchak a 7 unités. Chaque unité compte quelques dizaines de lits. Mais à l'heure actuelle, il y a plus de 200 prisonnières dans chacune de ces unités. L'absence de tout système d'aération, les conditions d'hygiène catastrophiques, l'odeur des égouts et les gaz qui en émanent ont causé de graves problèmes respiratoires à de nombreuses prisonnières. Seulement deux blocs sanitaires pour plus de 200 prisonnières. Seulement deux salles d'eau pour ce même nombre de prisonnières. Les nombreuses restrictions ont fait que les prisonnières se servent en fait des espaces entre les lits pour faire leur toilette. En l'absence de tout autre robinet d'eau, les prisonnières doivent laver leurs vêtements et faire leur vaisselle dans ces mêmes blocs sanitaires. 

Tous les jours, normalement 3 repas sont prévus. Oublions les conditions d'hygiène déplorables encore une fois... depuis une semaine, à plusieurs reprises, il n'y a pas eu assez de repas pour pouvoir en  distribuer à toutes les prisonnières. Chaque repas contient normalement deux morceaux de pain rassi, une pomme de terre ou une toute petite quantité de pâtes. Comme parmi nous il y a aussi des prisonnières très jeunes, parfois âgées de moins de 18 ans, on peut facilement observer des signes de malnutrition grave sur plusieurs d'entre elles. Oublions le comportement des employés de la restauration ou des gardiens, qui se comportent de la pire des manières. Oublions aussi les conditions de sécurité dans ce réfectoire, où des heurts éclatent souvent pour obtenir de quoi manger...

Contrairement à d'autres prisons, il n'y aucun endroit pour acheter des produits alimentaires ou d'hygiène. La zone prévue pour que quelques dizaines de prisonniers puissent s'aérer, est en général remplie de plus de 400 prisonniers. Une zone avec des murs de ciment très hauts qui n'ont rien à voir avec les prisons d'Evin et de Rajai-Shahr. Le plus grand acte de gentillesse des responsables de cette prison a été de nous fournir de l'eau bouillante pour faire du thé à deux reprises en une semaine. Mais la casserole d'eau bouillante a été jetée en direction d'une prisonnière et ce geste a causé de graves brûlures à plusieurs prisonnières.

Les punitions extrêmement sévères, ainsi que les heurts entre prisonnières sont incompatibles avec la dignité humaine. Où dans le monde, un prisonnier peut-il être puni et avoir les ongles arrachés suite à une dispute pour de l'eau bouillante? Où dans le monde, des hommes armés de bâtons peuvent-ils être envoyés dans une cellule de femmes pour les frapper violemment? Où dans le monde, des enfants de 14 ou 15 ans peuvent-ils être détenus dans de telles conditions? Nous avons très franchement honte de ce qui se passe autour nous, de ce dont nous sommes témoins. Nous avons doublement honte lorsque nous constatons de tels désastres humains dans notre propre pays. Un pays qui a la prétention de vanter dans le monde entier son héritage culturel et artistique ainsi que son humanisme et son respect de l'Islam.  

Nous, les prisonnières politiques de la prison de Gharchak à Varamin, après avoir observé de telles conditions, avons fait beaucoup d'efforts pour témoigner auprès des responsables de cette prison d'une infime partie des injustices constatées et de l'absence totale de l'Etat de droit. Ace jour, nous n'avons entendu que de vagues promesses quant à un éventuel transfert vers la cellule des délinquants financiers en vue de contrôler "le taux d'occupation des cellules". Or cette cellule n'a rien de différent de la nôtre... Nous réclamons les droits les plus élémentaires pour des prisonnières qui ont été enfermées ici en vue d'être "corrigées" et "éduquées". C'est à se demander si les responsables judiciaires de ce pays n'ignorent pas volontairement leurs obligations légales, religieuses et humaines ainsi que leurs rôles de surveillance des prisons pour estimer que tous les détenus, quelque soit la gravité des délits commis, sont dignes de mourir. Un tel comportement est-il conforme aux règles élémentaires de la justice islamique (la Charia)? A quoi servent alors la Constitution et le code pénal?

Au début de nos propos, nous nous sommes adressées aux consciences éveillées. Nous nous adressons à présent aux responsables de la République Islamique d'Iran, aux organisations de défense des droits humains et aux autorités religieuses. Nous les exhortons à honorer leurs responsabilités humaines, morales et religieuses et à réclamer une évaluation de la situation des prisonnières détenues à la prison de Gharchak à Varamin.

Pour finir, nous rappelons qu'après avoir découvert de telles conditions de détention, nous avions évoqué notre droit d’entamer une grève de la faim. Nous réitérons aujourd'hui cet appel et réclamons ce droit si les conditions de détention restent inchangés. Nous n'avons en effet pas peur d'y laisser nos vies, car si nous craignions pour nos vies, nous ne serions pas dans cette situation aujourd'hui. Même, si par expérience, nous savons qu'en prison, la vie humaine n'a en fait aucune valeur et aucune importance. Encore moins dans une telle prison, dont la simple existence est la négation même de l'Etat de droit sous le régime de la République Islamique et une véritable remise en cause des principes humains. 

Aujourd'hui, nous nous adressons aux consciences éveillées pour leur dire que tant qu'il reste une part d'humanité en nous, nous ne nous tairons pas face aux atteintes à la dignité humaine.  

Les prisonnières politiques de la prison de Gharchak à Varamin

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