Une semaine après la publication du nouveau rapport de l'AIEA pointant du doigt le caractère militaire des projets nucléaires Iraniens, les annonces d'un nouveau train de sanctions ne se sont pas faites attendre. Du boycott de l'industrie pétrochimique iranienne décrété par l’administration Obama, à l'arrêt total des transactions bancaires entre la Grande Bretagne et les institutions financières iraniennes (y compris la banque centrale iranienne), l'accumulation des nouvelles sanctions a été d'une portée et d'une importance inattendues. Les Etats-Unis, le Canada, la Grande Bretagne, les Pays-Bas et l'Italie ont été les premiers pays à annoncer leur décision de frapper les intérêts économiques et financiers de Téhéran.
Mais en ce lundi 21 Novembre, c'est un communiqué de la Présidence Française qui a crée la plus grande surprise. Pour la première fois depuis le début du bras de fer entre la communauté internationale et le régime iranien sur le dossier nucléaire, la France a proposé à l’Union européenne, aux États-Unis, au Japon, et au Canada, ainsi qu’aux autres pays volontaires, de geler dès à présent les avoirs de la banque centrale d’Iran et d'interrompre les achats de pétrole iranien. L'annonce a certes été présentée comme une "proposition" et elle a d'ailleurs été quelque peu tempérée par les chancelleries, mais le pas a été franchi. Les pays occidentaux envisagent désormais sérieusement de frapper la manne pétrolière iranienne pour obliger Téhéran de reculer sur le dossier nucléaire.
L'Union Européenne devrait prendre une décision la semaine prochaine quant à la suite à donner à cette proposition de la France. Or en l'absence d’unanimité au sein du Conseil de Sécurité des Nations Unies, les pays occidentaux mettent progressivement en place, à titre individuel, des sanctions unilatérales d'une portée et d'une vigueur sans précédent.
Les importations française du pétrole iranien ont représenté 49 milles barils par jour en 2010, soit 2% des exportations iraniennes* alors que les activités de trading du groupe pétrolier Total se sont portées sur 5.5% des exportations iraniennes, soit 45 millions de barils en 2010*. En Iran, les médias pro-gouvernementaux se sont précipités à minimiser l'importance de cette annonce et à indiquer que les exportations vers la France étaient minimes voire nulles et que l'Iran n'aurait aucune difficulté à écouler son brut sur le marché. Malgré cela, l'Union Européenne semble envisager avec sérieux des sources d’approvisionnement de substitution au pétrole iranien.
Il est encore difficile de comprendre les motivations de la France*** dans cette escalade de nouvelles sanctions alors que les économies occidentales traversent toujours une grave crise économique. Une forte augmentation du prix du pétrole pourrait détériorer considérablement la situation sur le front de l'emploi en Occident. Nicolas Sarkozy et Barack Obama entrent dans une année électorale avec des taux de chômage stabilisés autour de 9%. Ces dirigeants pensent-ils que l'Iran est en effet trop proche de se doter d'une arme nucléaire? Veulent-ils prévenir des frappes militaires israéliennes sur les installations nucléaires iraniennes, susceptibles d'embraser toute la région? Veulent-ils donner des gages à Tel Aviv pour à la fois gagner du temps et marquer des points sur le plan de la politique intérieure? Veulent-il fragiliser davantage le régime iranien en vue de provoquer sa chute?
Il est très difficile de répondre avec précision à ces questions. Mais à l'heure où l'économie iranienne est fragilisée par une forte poussée de l'inflation, une augmentation incontrôlée du prix des devises et les effets structurels de la réforme de suppression des subventions du gouvernement Ahmadinejad, l'annonce de ces sanctions sans précédent devrait détériorer encore plus la situation économique. Il est impossible de prédire comment les couches les plus défavorisées de la société iranienne vont pouvoir encaisser une nouvelle aggravation de leur situation. Le régime iranien quant à lui, devrait sans doute poursuivre son intransigeance vis-à-vis des pressions extérieures mais il devrait tôt ou tard faire fasse aux conséquences politiques intérieures.
* Activités pétrolière du groupe Total en Iran (voir pp 78-80):
** A lire également le dossier US Energy Information Administration sur le pétrole et le gaz iraniens (PDF)
*** la France à l'ONU en Français
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