Le prisonnier politique Kurde Karim Rahmani publie un récit bouleversant de ses deux années de détention à la prison Dizel-Abad de Kermanshah en Iran. Le style est limpide, simple, se limitant très souvent aux faits. Pas de lyrisme. Juste deux phrases sur l’engagement politique du protagoniste. On dirait du Primo Levi. On dirait Si c'est un homme. Si c’est un homme en effet qui a vécu cet enfer, alors ce n’est pas une fiction. L’auteur a la pudeur de le rappeler à la fin de son récit. "Ce que vous venez de lire est bien réel".
Ce récit est celui de Karim Rahmani, un simple militant des droits de l’homme qui n’a voulu qu’agir contre les ravages du sida et de la drogue dans sa communauté. Il décrit le quotidien de milliers de prisonniers dans cette prison immonde de la République Islamique d’Iran. Ce régime qui se qualifie d’islamique réduit ses prisonniers au rang d’animaux, laisse mourir ses malades de sida et d’hépatite dans l’indifférence totale, les poussent délibérément dans l’enfer de la drogue, organise la lutte de bandes mafieuses se livrant au trafic de drogue, tolère que les chefs de ces bandes se fassent offrir comme récompense les plus jeunes prisonniers poussés dans leurs lits pour y être violés, désigne des kapos violents parmi les prisonniers de droits communs pour surveiller et intimider, brise les prisonniers politiques en les maintenant sous une pression physique et psychologique insoutenable, torture, mutile, exécute, etc.
Il y a cette succession macabre de scènes et de faits dont la seule imagination coupe le souffle. Des blocs communs aux cellules d’isolement du ministère de l’information, du tribunal à l’infirmerie. Le lecteur est hanté par l’image de ce cadavre délaissé par les gardes dans la cour de prison, sur un tas de neige pendant plusieurs heures. Ce prisonnier se mutilant par des coups de couteau et criant : "si vous ne me donnez pas de la drogue maintenant, je vous donne mon sida avec ce couteau". Cet autre jeune prisonnier qui dit ne plus rien attendre de la vie, qui tente de se pendre avec une petite corde et qui est sauvé in extremis par Karim. Karim qui lui aussi cherche à se suicider dans sa cellule d’isolement avec le verre d’une lampe. Ce juge qui commence à dire : "Je vais te faire pendre, pour que ça serve de leçon aux autres". "Tu veux deux ans ou trois ? Je t’enferme pour cinq ans finalement pour que tu comprennes à quoi peut conduire tes activités politiques".
Oui, nous sommes bien en 2008. Nous sommes bien en Iran, à la prison Dizel-Abad de Kermanshah, le dernier arrêt du monde !
Le récit de Karim n’est pas un récit isolé. Nous devons agir. Merci de diffuser ce texte important qui n’est disponible qu’en persan pour l’instant.
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Karim a été arrêté le 19 Novembre 2006 à Kermanshah et condamné à deux ans de prison pour agissement contre la sécurité nationale en raison de ses activités politiques et sociales. Après sa libération, il a quitté l’Iran. Avant de quitter l’Iran, il était étudiant en informatique à l’Université d’Arak. Il a été interdit d’étudier à sa sortie de prison. Le ministère de l’information a mis sa famille sous pression, en menaçant le père de Karim à plusieurs reprises (source HRANA) en raison des activités politiques de leur fils.
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