Près de trois années après le début du soulèvement populaire en Iran et alors que le Moyen-Orient vit au rythme des répliques du séisme qu’a représenté le Printemps Arabe, l’opposition iranienne cherche toujours une voix et une stratégie pour reprendre l’initiative.
Cette opposition est aujourd’hui confrontée à un paradoxe fondamental. Le régime est considérablement plus faible qu’en 2009, ses failles semblent ouvertes et irréversibles, mais les mouvements d’opposition iraniens n’ont pas pour autant réussi à transformer la contestation populaire en une véritable dynamique politique susceptible d’accompagner et de catalyser le changement.
Un changement en douceur vers la démocratie, étalé sur plusieurs années, aboutissant à une réforme approfondie ou une implosion progressive du régime de la République Islamique reste le scénario le plus souhaitable. L’exemple iranien de 1979 est un rappel amer des dégâts causés par l’avènement d’un changement de régime brutal, bouleversant un ordre dictatorial certes mais échappant aux contrôles des forces démocratiques et aboutissant finalement à l’instauration d’une nouvelle forme de dictature. Ce scénario de changement en douceur est aujourd’hui possible et crédible grâce aux incroyables sacrifices des hommes et des femmes qui, malgré l’adversité et les foudres de l’appareil répressif du régime, ont su incarner l’esprit de résistance et gagner une légitimité populaire indiscutable. Jour après jour, les prisonniers politiques et leurs familles rappellent dans leurs lettres, récits et entretiens, l’injustice et l’absurdité du régime iranien. Le coût humain pour ces héros et leurs familles est considérable mais pour la société iranienne dans son ensemble, il est sans commune mesure avec ce qui se passe par exemple en Syrie.
Pour minimiser le coût humain de la transformation ou du renversement du régime en Iran, il est indispensable que le mouvement de contestation populaire se dote progressivement d’une structure politique capable de se présenter, au moment opportun, comme une alternative crédible au régime actuel. Les difficultés sont nombreuses pour aboutir à un tel objectif : partis politiques décimés par 33 années de dictature religieuse totale, division chronique des mouvements d’opposition, manque de légitimité et de représentativité démocratique, faiblesse de la société civile, ravages de la pauvreté et de la précarité sociale, etc. sont autant de facteurs qui ne plaident pas en faveur de l’urgence d’une telle unité politique. Mais l’exemple Syrien est à nouveau là pour nous rappeler que l’absence de cohésion des forces de l’opposition et d’une représentation politique minimale peut s’avérer catastrophique en terme de coût humain si les événements devaient à nouveau s’accélérer comme en 2009. Il a fallu plus de 10,000 morts en Syrie, des dizaines de milliers de réfugiés et plus d’un an de tergiversation pour que le Conseil National Syrien soit reconnu un minimum, comme un interlocuteur acceptable par le peuple Syrien et par la communauté internationale.
Le régime iranien est plus divisé que jamais, ses factions conservatrices autrefois paraissant comme un bloc uni, se livrent désormais à une guerre ouverte conduisant à une quasi paralysie de ses institutions. L’aggravation considérable de la situation économique sous l’effet combiné de l’incompétence des instances dirigeantes, de la corruption, des rivalités inter-factions et des sanctions internationales accroit la probabilité de nouvelles formes de contestation et de revendication sociales et ouvrières. Les opportunités de changement sont donc nombreuses pour augmenter la pression sur le régime tout en minimisant le coût humain. Pour les saisir, il faut remettre l’unité politique à l’ordre du jour. Il faut initier une conversation à l’échelle nationale impliquant les principales forces de changement en Iran et au sein de la diaspora. Une conversation sans arrière-pensées mais guidée par « l'urgence extrême du présent ». Un prolongement politique pour un mouvement de contestation profond et moderne est aujourd’hui une urgence absolue si le peuple Iranien souhaite rester maître de son destin et ne pas laisser aux dictateurs internes et aux hystéries guerrières externes de dicter la nature et le calendrier du changement en Iran.
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