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mardi 11 novembre 2014

Lettre de Peyman Aref à Hassan Rouhani : « J’ai voté pour vous, pour que vous ne laissiez pas l’université se transformer pas en caserne. »




Au président de la république islamique d’Iran, l’honorable Docteur Hassan Rouhani

Monsieur le Président,

J’ai fait partie des militants étudiants qui ont pris part aux élections et qui ont voté pour vous en 2013, malgré toutes les réserves dues aux controverses entourant l’élection présidentielle de 2009.

L’une des raisons de mon militantisme politique que ce soit lors de l’élection de 2009 ou de celle de 2013, c’était mon désir de mettre fin, ou à tout le moins de diminuer, les effets du projet de répression contre l’université que le cabinet de Mahmoud Ahmedinejad présenté comme la deuxième révolution culturelle(1) . Il a mené les institutions universitaires au bord de l’annihilation.

Oui, j’ai voté pour vous pour qu’il n’y ait plus de professeur licencié ni d’étudiant « étoilé »(2) .
J’ai voté pour que vous empêchiez que les universités ne se transforment en casernes, pour mettre fin à l’animosité des forces de sécurité contre les étudiants, pour arrêter la traque des étudiants, pour qu’on arrête de leur interdire de poursuivre leurs études et de les emprisonner.

Vous aviez promis qu’il n’y aurait plus d’étudiants « étoilés » et que nul ne serait empêché de poursuivre ses études à cause de son militantisme.

Alors, j’ai voté pour vous. Nous l’avons tous fait, et vous êtes devenu président, avez nommé vos ministres, choisi celui du renseignement et il a été approuvé par le parlement. Pour être juste, vous avez choisi un ministre du renseignement qui avait une réputation de modération, de logique et de raison. Ce choix a rendu espoir à nos cœurs déprimés et réprimés et nous avons commencé à espérer que le ministère du renseignement ne traquerait plus les étudiants, ne les emprisonnerait plus pour raisons politiques, qu’on n’ « étoilerait » plus les étudiants, qu’il ne jouerait plus avec leurs vies et leurs jeunesses et qu’on finirait par leur reconnaître la liberté universitaire.


Vous avez présenté le Docteur Mili Monfared au parlement et notre espoir a grandi d’une réforme dans l’atmosphère gelée de l’université. Il n’a pas été approuvé, alors vous avez présenté le Docteur Djafar Tofighi. Le docteur Tofighi a formé une commission d’urgence pour résoudre les problèmes des étudiants étoilés. Je lui ai envoyé une demande concernant mon admission à l’université de Téhéran en 2012 pour passer mon doctorat après mon excellente place au concours. Mais nous avons découvert que le doyen de l’époque ne m’avait même pas enregistré au bureau des admissions, me fermant la porte de l’université de Téhéran.

Pas de problème, ai-je décidé, je repasserai le concours pour le doctorat et je ne ferai rien pour provoquer les forces de sécurité.

J’ai étudié plusieurs mois et j’ai passé le concours d’entrée en sciences politiques en mars. Je l’ai eu du premier coup avec d’excellentes notes. En mai, j’ai reçu mon admission dans cinq universités, celle de Téhéran, Tarbiat Modarres, Allameh Tabatabaï, Kharazmi et Shahid Beheshti à passer les oraux.

Je les ai passés de mai à juillet et ma note la plus basse était de 85/100. Le huit août, les résultats ont été annoncés. Je suis allé au bureau des admissions, certain de l’avoir obtenue ; mais je n’en ai pas cru mes yeux ; sur mon dossier était écrit « Recalé pour dossier incomplet ; voir le bureau des admissions au deuxième étage. » Je connais très bien le bureau du deuxième étage : le conseil de sélection des étudiants et des professeurs ainsi que son président, le docteur Morteza Nourbakhsh.

Ces escaliers, je les ai montés et descendus entre 2006 et 2011 pour effacer une de mes « étoiles » pour pouvoir défendre ma thèse de doctorat après avoir signé un engagement [de ne plus militer].

Au conseil de sélection, j’ai découvert que j’avais été admis à l’université Tarbiat Modarres, mais le jour même, le ministère du renseignement avait envoyé une lettre au conseil de sélection, citant l’article trois des règles de sélection sur les « ennemis de l’état ». C’est pourquoi toutes mes « étoiles » étaient de retour et je ne pouvais pas poursuivre mes études.

J’ai rédigé une réclamation et l’ai remise au conseil, sur leur propre recommandation. J’ai également écrit une lettre au ministre du renseignement, lui rappelant la signification du mot « ennemi ». J’ai contacté les membres de la commission parlementaire de l’enseignement supérieur. J’ai contacté le ministre des sciences et écrit une réclamation à cette décision ; en réponse, tous, du docteur Tofighi, au docteur Mili Monfared et au docteur Fereydoun ont écrit : « Monsieur Nourbakhsh, s’il vous plaît, réexaminez et résolvez ce problème et tenez-nous au courant. » Le conseil de sélection a transmis mon objection au ministre du renseignement, a rendu l’avis que je devrais être autorisé à poursuivre mes études et demandé au ministre du renseignement de réexaminer le problème. Pendant ce temps, le docteur Faradji-Dana a été récusé par le parlement et j’ai témoigné en sa faveur, ce qui, apparemment, a mis le ministre du renseignement en colère et la traque a recommencé.

La lettre de réclamation a été envoyée à un comité de six membres du ministère du renseignement ; puis un membre intérimaire de ce comité, qui se trouve être celui qui m’interrogeait en prison, a passé mon témoignage en faveur du docteur Faradji-Dana au peigne fin et il m’a attribué malhonnêtement les paroles d’un autre témoin. Cet autre témoin est un ancien militant étudiant de premier plan, très respecté, qui a quitté le pays il y a plusieurs années en raison de cette sorte de persécution, et qui peut donc évidemment exprimer plus librement des points de vue plus radicaux que moi. Ce membre du comité a réussi à changer le vote des deux autres membres et le résultat a été 3-3.

Après quoi, un député courageux et honorable a transmis ma lettre au docteur Alavi, ministre du renseignement, et il a donné un ordre clair pour résoudre le problème et me permettre de poursuivre mes études. Malheureusement, cet ordre n’a pas été suivi par les fonctionnaires. De plus, en raison de ce vote, le comité du ministère du renseignement ne peut donner le résultat du vote, positif ou négatif à la demande du conseil de sélection. La situation perdure à ce jour et le ministère du renseignement refuse de répondre au comité de sélection depuis maintenant plus de 40 jours.

D’après le règlement du haut conseil de la révolution culturelle, si le ministre du renseignement refuse de répondre au conseil de sélection dans un délai de 30 jours, le conseil de sélection a le droit de prendre une décision et de la mettre en œuvre. Mais, à cause de leur peur du ministère du renseignement, le conseil de sélection a refusé de le faire et attend toujours la réponse du ministre qui pourrait ne jamais arriver, même longtemps après la fin de votre mandat.

Et pendant ce temps-là, c’est ma jeunesse et ma vie qui sont gâchées. Ce qui reste, c’est la violation continue de l’article 30 de la constitution (3)  par le ministre du renseignement de votre gouvernement, un gouvernement censé représenter un peu d’air frais raisonnable et modéré, non seulement pour sa politique étrangère mais aussi à l’intérieur, pour que les universités iraniennes n’aient plus d’étudiants « étoilés » ou victimes d’injustice.

Malheureusement, Monsieur le Président, le ciel des universités iraniennes est toujours constellé d’étudiants « étoilés » sous votre gouvernement.

Vous aviez promis le bonheur à la société et à l’université.

Cette semaine, à l’université de Téhéran, vous avez dit que vous tiendriez vos promesses envers les étudiants et leurs requêtes.

Vous êtes responsable des promesses que vous avez faites.

Monsieur le Président, je comprends qu’apporter la modération et la raison à un ministère du renseignement habitué à une conduite violente et à une vision du monde paranoïaque n’est pas chose facile. Je vous demande néanmoins de prendre en compte ce problème important et d’arrêter d’interdit l’accès à l’éducation supérieure sur des bases politiques une fois pour toutes.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes salutations respectueuses et de mes remerciements anticipés.

Peyman Aref, 12 octobre 2014

1-La révolution culturelle iranienne a suivi immédiatement la révolution de 1979 ; elle a fermé les universités de 1980 à 1983, a interdit des livres et expulsé des milliers d’étudiants et de professeurs de l’université à leur réouverture. Des centaines d’étudiants ont été blessés ou ont perdu la vie lors des attaques violentes contre les campus
2-Les étudiants « étoilés » ont réussi le concours d’entrée à l’université ou qui ont suivi des cours après leur admission à l’université mais à qui on a par la suite, interdit de poursuivre leurs études en raisons de leurs convictions politiques et de leur militantisme, ou, dans le cas des étudiants bahaïs, de leur religion. Les autorités ajoutent de une à trois étoiles aux notes des étudiants pour leur interdire l’admission dans l’université. Cette discrimination a vu le jour peu après l’élection de Mahmoud Ahmedinejad à la présidence en 2005.
3-L’article 30 de la constitution iranienne stipule : « Le gouvernement doit donner à tous les citoyens une éducation gratuite jusqu’au secondaire et doit donner une éducation supérieure gratuite pour répondre à la demande d’autosuffisance du pays. »

Source : https://tavaana.org/en/content/peyman-aref-hassan-rouhani-%E2%80%9Ci-voted-you-keep-universities-turning-barracks%E2%80%9D

samedi 9 juin 2012

Chroniques des atrocités infligées au militant étudiant le prisonnier politique Arash Sadeghi


Le militant étudiant Arash Sadeghi, né le 29 septembre 1986, membre de l’équipe de champagne pour l’élection présidentielle de 2009 de Mir-Hossein Moussavi et membre de l’association islamique des étudiants de l’université Allameh, y étudiait la philosophie quand il en a été expulsé. Voici des tranches de la vie inimaginable et douloureuse de ce militant étudiant rapportée sur le blog Nameh Beh Yek Azadeh



Tir 1388 (du 22 juin au 22 juillet 2009)

Première arrestation après l’élection présidentielle de 2009, le 8 juillet. Après 50 jours à l’isolement et soumis à la torture qu’il a relatés lui-même ultérieurement, il est relâché dans une rue peu passante de Téhéran. Parmi les horribles tortures qu’il a subies, en citer une seule suffit : il a été obligé de lécher une cuvette de toilettes.

Dey 1388 (du 22 décembre 2009 au 20 janvier 2010)

Suivant les manifestations de l’Ashoura sanglante de 2009, Arash a de nouveau été arrêté le 27 décembre 2009. Il a été libéré sous caution le 6 mars 2010. Alors qu’il est en liberté provisoire, il a parlé à des proches de « tabassages sévères en prison qui ont fini par endommager son épaule droite. » A cette époque, il a déjà été condamné à trois ans de prison par la 28ème chambre du tribunal révolutionnaire.

Farvardin 1389 (du 20 mars au 20 avril 2010)

En mars 2010, à l’expiration de sa liberté provisoire, Arash est retourné en prison et a été interdit de visites et d’appels téléphoniques pendant une longue période. D’après sa famille, les raisons de ces interdictions étaient la publication de sa condamnation à trois ans de prison et les relations qu’il avait écrites sur les attaques subies durant son incarcération précédente. A cette époque, sa famille a exprimé son inquiétude sur son état de santé puisqu’elle ne pouvait ni le voir ni l’entendre.

Aban 1389 (du 23 octobre au 21 novembre 2010)

Après un an d’incarcération et de torture, Arash a bénéficié d’une liberté provisoire. Mais après quelques jours, sans avertissement que sa liberté provisoire était finie, sans appel téléphonique de la justice le rappelant en prison, des agents ont attaqué son domicile à 4 heures du matin le 26 octobre pour l’arrêter ; il n’était pas à la maison. Le traumatisme a causé une attaque cardiaque à la mère d’Arash; elle en est morte quelques jours plus tard. Quatre jours après l’attaque, la mère d’Arash, Farahnaz Dargahi est décédée à l’hôpital le 30 octobre 2010. Elle est enterrée au cimetière de Beheshte Zahra, bloc 311, allée 119, tombe 23. Le 15 novembre 2010, avant son arrestation, Arash avait critiqué l’attaque de son domicile sur la BBC Persian : « A chaque fois que j’ai été convoqué à Evine, j’y suis allé. Je ne sais pas pourquoi ils ont agi comme ça cette fois-ci. » Evoquant sa souffrance causée par la triste mort de sa mère, il a dit à la BBC lors de la même interview : « J’ai payé le prix fort. J’aurais préféré aller en prison ! Pour moi, la situation est meilleure en prison qu’à l’extérieur ! La pression de la famille qui me tient responsable de la mort de ma mère représente beaucoup de stress à endurer. »

Arash Sadeghi a été condamné par les 26ème et 28ème chambres du tribunal révolutionnaire de Téhéran respectivement à trois et six ans de prison. La cour d’appel a annulé les trois ans de prison et l’a lavé de toute condamnation dans ce dossier. La condamnation à 6 ans a été réduite en un an de prison et quatre ans avec sursis.

Azar 1389 (du 22 novembre 22 au 21 décembre 2010)

Après avoir publié une déclaration le 7 décembre, Journée des Etudiants, il a été attaqué physiquement et battu par ceux qui l’interrogeaient au bloc 209 de la prison d’Evine et il a été une fois encore blessé à l’épaule et aux côtes. Ceux qui l’interrogeaient ont refusé qu’il se rende au dispensaire d’Evine pour y être traité. Pour protester, Arash a commencé une grève de la faim le 10 décembre 2010. Dans une note envoyée du bloc 209 de la prison d’Evine pour la Journée de l’Etudiant, Arash a écrit : « Si nous disons que nous ne reconnaissons pas ce gouvernement illégitime et illégal, arrivé au pouvoir à cause de mensonges, de calomnies et de tricheries, si nous appelons à des élections saines et justes, surveillées par des observateurs et le peuple, nous sommes considérés comme Mohareb (ennemis de Dieu) et antirévolutionnaires. »

Dey 1389 (Décembre 2010 – janvier 2011)

Au bout de 14 jours, Arash arrête sa grève de la faim le 24 décembre 2010 et est transféré au bloc 350 de la prison d’Evine. Mais le 31 décembre, il est soudain transféré au bloc de sécurité 209 à l’isolement où il est de nouveau sévèrement battu et contusionné. Il en arrive à ne plus pouvoir bouger le bras droit, à pouvoir à peine marcher ; il souffre également d’hémorragies digestives et d’une infection pulmonaire.

Esfand 1389 (du 20 février au 20 mars 2011)

Comme par le passé, Arash était soumis à la pression et aux tortures de ceux qui l’interrogeaient sur des accusations fausses et forgées de toutes pièces. Cette fois-ci, ceux qui l’interrogeaient le pressaient pour qu’il nie que la mort de sa mère ait été causée par le choc et le traumatisme de l’attaque de son domicile et aussi pour démentir ses interviews de novembre dernier. Pour protester contre toutes ces pressions et ces tortures, Arash a commencé une nouvelle grève de la faim le 14 mars. En raison de sa mauvaise santé due aux tortures endurées et au stress de la grève de la faim, sa situation s’est détériorée et il a commencé à souffrir de tremblements et de pertes de conscience. Les autorités d’Evine l’ont alors transféré au dispensaire.

Farvardin 1390 (du 21 mars au 20 avril 2011)

Arash a passé le nouvel an iranien dans la souffrance et les ennuis de santé à l’isolement au bloc 209.

Khordad 1390 (du 22 mai au 21 juin 2011)
Après le martyre de Haleh Sahabi, les militants Nationaux-Religieux Hoda Saber et Amir Khosrow Dalirsani ont lancé une grève de la faim. Arash et d’autres prisonniers politiques, Mehdi Khodaï, Ahmad Shahrezaï, Peyman Aref, Shahin Zeinali et Djavad Alikhani ont commencé une grève de la faim le 5 juin pour protester contre la mort d’Haleh Sahabi. Arash avec Khodaï et Shahrezaï voulaient terminer leur grève de la faim le 12 juin, mais après le martyre d’Hoda Saber qui était en grève de la faim, les trois ont décidé de continuer pour protester contre sa mort violente.

Azar 1390 (du 22 novembre au 20 décembre 2011

Arash, condamné à un an de prison et quatre ans avec sursis a finalement été libéré du bloc 350 d’Evine le 14 décembre après plus de 22 mois dans la plupart sous les pressions et la torture à l’isolement au quartier de haute sécurité d’Evine. Au moment de sa libération, Arash était en grève de la faim en solidarité avec les prisonniers politiques qui avaient besoin de traitement médical qui ne leur était pas fourni. Il a été libéré de prison après la mort de sa mère et le déchirement de sa famille, toutes leurs vies détruites.

Dey 1390 (Décember 2011 – janvier 2012)

Arash a été arrêté très rapidement par les agents de sécurité le matin du 15 décembre alors qu’il se rendait sur la tombe de sa mère avec ses grands-parents. La violence de cette arrestation, accompagnée d’insultes, a causé à Arash une fracture du crâne.

Khordad 1391 (du 21 mai au 20 juin 2012)

A ce jour, depuis sa dernière arrestation du 15 décembre 2011, Arash est emprisonné au bloc 209 à l’isolement. Il n’a eu d’autres contacts avec sa famille qu’une courte conversation téléphonique surveillée par les gardes quelques jours après son arrestation et une visite de cinq minutes de son grand-père le 24 mai. Durant la dernière visite de son grand-père, Arash a dit qu’il avait été interrogé toutes les trois semaines et a aussi annoncé qu’il commençait une grève de la faim en solidarité avec Hossein Ronaghi Maleki.

Source : http://letter2azadegan.wordpress.com/2012/06/02/443/

NDLT: Le grand-père maternel d'Arash, 80 ans, a été arrêté cette semaine.