20 novembre 2013
Monsieur le Président,
Je suis un militant des droits humains et un chercheur. Je collabore depuis longtemps avec plusieurs organisations non-gouvernementales de défense des droits humains de votre pays. C’est pourquoi je vous écris pour vous exprimer la surprise et la consternation que m’a causé la position que votre gouvernement a adoptée lors des récentes discussions entre le groupe des 5+1 et l’Iran. La France aurait eu une position plus dure que les autres pays présents lors de ces discussions, plus dure même que les Etats-Unis. En tant que militant des droits humains, je voudrais vous exhorter à reconsidérer la décision de votre gouvernement d’empêcher les premières étapes d’un processus mondial de retour à la confiance dans le pacifisme du programme nucléaire iranien et à la possible fin des sanctions économiques, techniques et scientifiques contre l’Iran.
Vous ne voyez peut-être pas le rapport entre ces discussions sur le nucléaire et les préoccupations d’un militant des droits humains, mais, de mon point de vue et de celui de beaucoup d’autres militants en Iran, la poursuite et l’extension des sanctions causent les plus importantes violations des droits humains des citoyens iraniens. En tant que militant des droits humains, affligé d’avoir été témoin d’exécutions et de violations des droits humains en Iran, j’ai passé mes jours et mes nuits à tenter de faire évoluer la situation ; j’ai payé le prix fort, j’ai été soumis à des pressions économiques et politiques formidables. Avec d’autres militants iraniens, nous sommes les mieux placés pour comprendre la nécessité de réformer notre pays en profondeur. Et nous sommes aussi conscients que l’Iran n’est pas le seul qui devrait réformer tant à l’intérieur que dans ses relations extérieures, beaucoup d’autres pays de la région et même du monde entier, y compris en occident, devraient aussi le faire. Mais le principal message que je voudrais vous faire passer, c’est qu’on ne peut améliorer la situation des droits humains quand on tente de paralyser et de détruire l’économie du pays et ainsi d’appauvrir le peuple iranien. Encourager un gouvernement qui s’intéresse au dialogue et à la réconciliation à persister dans cette voie produit de meilleurs résultats pour les droits humains que d’isoler encore davantage ce pays, vous serez sûrement d’accord.
Lors de l’élection présidentielle de 2013, le peuple d’Iran a clairement exprimé qu’en dépit de ses procès et de ses difficultés, ils préféraient le chemin de la modération et des réformes progressives ; il a rejeté à la fois les forces intérieures qui poussaient l’Iran vers l’extrémisme et les acteurs extérieurs qui tenaient à un changement radical du régime. La décision de votre gouvernement de bloquer les efforts de conciliation du nouveau gouvernement iranien ne constitue pas seulement un rejet de la volonté populaire en Iran ; elle va aussi préparer le chemin à une alliance informelle des forces extrémistes et autoritaristes à l’intérieur de l’Iran avec les forces radicales qui tendent à déstabiliser le pays de l’extérieur, ce qui rend la tâche des militants des droits humains iraniens d’autant plus difficile.
Je suis très fier d’avoir reçu en 2005 le prix de la Commission Consultative Française des Droits Humains et je me permets de vous exhorter à ignorer les voix de l’extrémisme qui infestent le Moyen-Orient et de prêter attention aux changements majeurs que les dernières élections ont façonnés en Iran. Le peuple d’Iran a toujours regardé la France positivement. Il ne faut pas immoler cette bonne volonté au seul bénéfice des extrémistes.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’expression de mes respectueuses salutations.
Emadeddin Baghi
Source : http://iranwire.com/en/projects/3603
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