dimanche 19 octobre 2014

Lettre de Ramine Zibaï, enseignant bahaï emprisonné : Un dogme qui n’a pas changé en 30 ans.

Mes chers compatriotes,

Pourquoi ne vous soulevez-vous pas ? Pourquoi fermez-vous les yeux ? Ouvrez les yeux et écoutez les lamentations des opprimés. Nous crions très fort depuis longtemps, nos cris ont atteint le ciel, mais vous y êtes restés sourds. Peut-être ignorez-vous ce qui nous est arrivé dans le passé, mais maintenant, vous savez tout. Pourquoi n’avez-vous pas changé ce dogme depuis 30 ans ? Il y a environ 30 ans, quand j’ai eu mon baccalauréat, ma famille, mes amis et mes professeurs attendaient de voir quelle université m’accepterait. Mais ils avaient tort ; on m’a refusé l’accès à l’université simplement parce que les entrées étaient filtrées par religion, et j’étais bahaï. Au fil du temps, j’espérais que cette façon de penser change et que moi-même et mes compatriotes bahaïs aurions le droit d’étudier dans les universités nationales. Mais cela n’est pas arrivé et j’ai espéré ce changement pour la future génération.

J’ai donc tenté de pousser mes enfants et les jeunes étudiants bahaïs en enseignant à l’Institut Bahaï d’Education Supérieure. C’est pourquoi j’ai fini par être emprisonné il y a trois ans. J’ai été surpris de voir, au bout de 30 ans, que ma fille aussi était privée d’éducation supérieure, bien qu’elle ait réussi le concours national d’entrée à l’université, à cause de sa foi bahaïe.

Mes chers compatriotes, qu’est-ce qui justifie ce dogme qui prive deux générations de leurs droits fondamentaux en Iran, et combien de temps cela va-t-il encore durer ? Pouvons espérer que la troisième génération (les enfants de nos enfants) ne soit pas victime de cette discrimination ? N’est-il pas vrai que vous et moi et nos enfants constituons la nation iranienne ? Ne faisons-nous pas partie de ce pays ? Ne partageons-nous pas des sentiments communs, ne sommes-nous pas liés par le fait que nous sommes « concitoyens » ? N’est-il pas vrai que nous nous enorgueillissons d’être « Iraniens » ? Savez-vous pourquoi, nous, les Iraniens, nous réjouissons tellement lorsque nous rencontrons nos compatriotes dans différents coins du monde ? N’est-ce pas parce qu’alors nous ne nous sentons plus seuls et que nous n’avons plus la nostalgie de notre pays ?

Alors, mon cher compatriote iranien, explique-moi pourquoi mes enfants et moi devrions nous sentir isolés dans notre patrie, au milieu de nos concitoyens à cause de ces discriminations ? Nous sommes tous des Iraniens, ayant la chance de vivre dans une « nation sainte », bénéficiant d’une source nommée « Patrie » ; où est le sentiment de fraternité et d’unité ? Où est le courage des Iraniens ? Chers compatriotes, la semaine dernière nous avons célébré la semaine de la « sainte défense » en mémoire des hommes et des femmes qui ont lutté pour la liberté et se sont sacrifiés pendant les huit années de guerre contre notre pays. Ils ont défendu cette terre et nous l’ont transmise, à nous tous. Ont-ils sacrifié leurs vies pour autre chose que « l’amour de la patrie » ?

En ce moment, je me souviens du début des années 80 ; je faisais mon service militaire, même si je n’avais pas droit à l’éducation supérieure dans les universités nationales. J’ai fait trois mois de formation militaire, puis 21 mois sur le front pour défendre ma patrie et me battre pour une cause que nous partagions tous. En tant que bahaï, moi aussi je voulais me battre pour mon pays, apporter la paix, la sécurité et la dignité à notre pays. Que s’est-il passé quand la paix est revenue, pourquoi mes espoirs de dissiper les malentendus et les discriminations ne se sont-ils pas réalisés ? Pourquoi ces discriminations ont-elles continué au-delà de ma génération et jusqu’à ce jour ? Ressentez-vous combien il est dur d’aimer son pays alors que vos compatriotes vous privent de vos droits fondamentaux ? C’est comme si vous étiez considéré comme un étranger au sein de votre propre famille ; vous ne vous sentiriez pas isolé ?

Mes chers compatriotes, vous et moi sommes les enfants d’une grande famille nommée « Iran » ; nous vivons comme frères et sœurs sur la même terre. De la même façon qu’il est de ma responsabilité de défendre mon pays, nos valeurs communes, notre dignité, il est de la vôtre de vous élever contre toutes les discriminations dont vos compatriotes sont l’objet dans l’éducation primaire et secondaire. Je demande à tous les enfants de cette terre de manifester sincèrement et courageusement pour métamorphoser la solitude et l’aliénation qui prévalent actuellement en fraternité et en unité.

« Vive la dignité et l’honneur de notre patrie. »

Ramine Zibaï – Prison de Redjaï Shahr – 29 septembre 2014

Source : https://hra-news.org/en/articles/letter-ramin-zibaei-imprisoned-iranian-bahai

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