Dans une interview exclusive de Rooz, deux députés du parlement iranien, le Madjlis, ont déclaré que les journalistes arrêtés la semaine dernière n’étaient pas des criminels et que les tribunaux devaient infirmer leur jugement. Les deux députés, Mansour Haghighatpour et Fatollah Hosseini ont dit que le parlement devrait aussi examiner les arrestations de ces journalistes.
Plus d’une semaine s’est écoulée depuis les arrestations massives d’un groupe de journalistes ; la justice n’a toujours pas annoncé officiellement la raison de cette mesure, l’endroit où ils sont détenus ou la situation des détenus, ce qui dément les rapports publiés par les médias affiliés à la sécurité et les interviews dans lesquelles les journalistes sont décrits comme des criminels associés à des étrangers.
Les journalistes détenus n’ont pas eu le droit de choisir un avocat et leurs dossiers n’ont été revendiqués par aucun tribunal. Et malgré tout, l’agence de presse Fars par exemple, les traite publiquement de criminels.
Les arrestations ont commencé le 26 janvier par l’arrestation de Soleiman Mohammadi, rédacteur du quotidien Bahar et de Milad Fedaï Asl, rédacteur à l’agence spécialisée dans le monde du travail ILNA. Le lendemain, les agents de sécurité ont attaqué les bureaux des quotidiens Etemad, Bahar, Shargh, et Arman et de l’hebdomadaire Asseman y arrêtant Djavad Deliri, Nasrine Takhiri, Sassan Aghaï, Akbar Montadjabi, Pourya Alemi, Pejman Moussavi, Emilie Amraï, Motahereh Shafii et Nargues Djodaki.
Ali Asghar Shafafian, époux de Madame Shafii a dit aux reporters que son épouse a été libérée à cause de son dossier médical : elle souffre de sclérose en plaques.
Suite aux arrestations, l’agence de presse Fars, affiliée à l’appareil de sécurité et d’espionnage de la république islamique d’Iran, a publié des interviews de plusieurs députés qui traitaient les détenus de traîtres, de criminels et de supplétifs des étrangers, remerciant le ministre du renseignement pour ces arrestations. Hassan Kamran Dastdjerdi, Hossein Naghavi, Mansour Haghighatpour, Mohammad Ismaïli, Mohammad Saleh Jowkar, Fatollah Hosseini et Djavad Karimi Ghodoussi font partie des députés qui ont approuvé ces arrestations. Mais lorsque Rooz a interviewé Mansour Haghighatpour, vice-président du comité de la sécurité nationale du parlement et Fatollah Hosseini, membre du même comité pour les interroger sur les preuves étayant ces accusations portées contre les reporters alors qu’aucun tribunal n’avait accepté d’enquêter sur les arrestations, Haghighatpour qui, jusqu’à présent avait dit que les détenus étaient des supplétifs du gouvernement français et avait dit à l’agence de presse Fars qu’ils étaient des agents français et britanniques, a dit à Rooz qu’il n’avait pas d’information sur les détails du dossier, qu’il ne connaissait pas les journalistes, ajoutant qu’il n’avait fait que survoler le dossier.
Extraits de l’interview du député Mansour Haghighatpour
Rooz : Le parlement se mêlera-t-il de ces arrestations ?
Haghighatpour : Le parlement va sûrement suivre l’affaire et si les journalistes sont jugés coupables, ils seront traités selon la loi, sinon, ils seront libérés. Nous suivrons l’affaire comme nous l’avons fait pour le dossier Beheshti.
Rooz : S’ils sont jugés coupables. Alors, vous non plus ne savez pas si les journalistes ont vraiment commis un crime ou violé les lois. Si c’est le cas, pourquoi les avez-vous accusé d’être des agents de la France ou de la Grande-Bretagne lors de votre interview avec l’agence de presse Fars ?
Haghighatpour : Nous avons confiance dans notre appareil de renseignement et nous savons qu’ils se conduisent comme il faut.
Rooz : Mais aucun tribunal ne s’est encore réuni pour enquêter sur l’affaire. Comment pouvez-vous les accuser ainsi ?
Haghighatpour : En tant que vice-président du comité de sécurité nationale du parlement, je sais des choses que vous ignorez. Votre jugement est basé sur vos préjugés, vos tendances alors que le mien est basé sur ce que je sais.
Rooz : Quelles informations ?
Haghighatpour : On est en train d’enquêter sur l’affaire et si l’on découvre que les journalistes ont commis un crime, ils seront traités selon la loi.
Rooz : L’un des détenus est un journaliste qui a traduit un livre dénonçant l’organisation des Moudjahidines du peuple.
Haghighatpour : Je ne connais pas les détails et je ne connais pas les journalistes non plus. Je n’ai que des informations générales et on ne nous a rien dit du détail des violations.
Rooz : S’il s’avère que ces journalistes n’ont commis aucun crime, qu’ils ne sont pas des supplétifs de la France ou de la Grande-Bretagne, qu’ils ne sont pas ce que vous les avez accusés d’être, leur présenterez-vous vos excuses ?
Haghighatpour : S’il s’avère qu’ils n’ont commis aucun crime, ils seront libérés et j’en parlerai en me basant sur les informations reçues.
Rooz : La façon dont ces journalistes ont été traités…
Haghighatpour : Vous ne savez pas comment ils ont été traités. Ils ont été invités par l’agence de sécurité à répondre à quelques questions. Ils répondront à ces questions et des individus et des juges les jugeront.
Rooz : Pensez-vous que les traiter de criminels avant qu’ils n’aient été jugés par un tribunal est un crime ?
Haghighatpour : Je n’ai pas dit que c’était des criminels. J’ai parlé sur la base des informations que j’avais reçues. Je crois que c’est le rôle du tribunal de déterminer si ces accusations étaient vraies ou fausses. Il n’y a qu’un tribunal pour dire s’il s’agit ou non de criminels.
Un autre membre du comité de sécurité nationale du parlement à avoir remercié le ministre du renseignement pour les arrestations lors d’une interview avec l’agence de presse Fars, Fatollah Hosseini, a aussi dit à Rooz que les journalistes détenus n’étaient pas des criminels et que seul un tribunal était habilité à les juger.
Extraits de l’interview du député Fatollah Hosseini :
Rooz : Que pensez-vous des arrestations récentes de journalistes ?
Hosseini : Le monde est témoin de la détermination de la république islamique lors de ces 34 dernières années. Le régime appartient au peuple d’Iran. Le peuple a durement gagné cette révolution et la défendra. La république islamique ne joue pas là-dessus. Le ministre du renseignement agira contre quiconque fait du mal à la république islamique et la justice enquêtera au cas où les droits de quiconque seraient violés à ce propos.
Rooz : Le parlement se mêlera-t-il de ce problème ?
Hosseini : Certainement. Les députés surveillent suffisamment les ministres. Aucun de nos officiels ne fait quoi que ce soit d’illégal. Mais si les droits de quelqu’un sont violés, nous le reconnaissons et lui redonnons ses droits. Le parlement surveille aussi ce dossier.
Rooz : Les journalistes détenus n’ont pas eu droit à un avocat et vous, avec d’autres députés avez porté des accusations à leur encontre dans une interview avec l’agence de presse Fars.
Hosseini : Ce n’est pas du tout le cas. Les ennemis de l’Iran à l’étranger n’ont rien à faire et n’ont rien à publier alors ils créent une ambiance spéciale pour les élections. Les éléments occidentaux veulent nous attaquer mais nous sommes vigilants. Nous n’avons pas besoin que des gens de l’étranger nous disent ce que nous devons faire pour préserver les droits des individus. Les contre-révolutionnaires veulent savoir qui est détenu et qui ne l’est pas mais la république islamique ne permettra pas que les droits soient violés.
Rooz : Alors qu’aucun tribunal n’enquête encore sur ce problème, vous avez traité les journalistes de criminels, de traîtres et de supplétifs de l’étranger. Sur quelles bases ?
Hosseini : C’est faux, peu importe qui l’a dit. Ce ne sont pas des criminels. La justice respecte la loi. Ce sont aux tribunaux et aux jurys de juger. Il y a des lois pour ça, mais l’action du ministre du renseignement a certainement été décisive. Vous êtes iranienne et vous devez admettre qu’en Iran, la liberté est totale. Nos amis suivront l’affaire et le parlement enquêtera pour s’assurer que les droits de tous soient respectés.
Rooz : Le parlement présentera-t-il ses excuses à ces personnes s’il est prouvé que ces journalistes ne faisaient que leur travail ?
Hosseini : Vous devriez laisser la république islamique faire son travail. Je sens que vos remarques sont marginales. Il n’existe pas de pardon pour quiconque en Iran est un supplétif ou attaque le régime. Je suis sûr que le ministre du renseignement ne politisera pas l’affaire.
Rooz : Je voulais dire les députés qui ont traité ces journalistes de traîtres et de criminels.
Hosseini : Aucun député n’a dit que c’était des criminels. C’est peut-être eux-mêmes qui l’ont dit.
Source: http://www.roozonline.com/english/news3/newsitem/archive/2013/february/03/article/detained-journalists-are-not-criminals.html
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