Pour mettre en lumière le travail et les conditions de vie difficiles des travailleurs iraniens, nous avons préparé un bref rapport sur leur situation. Ce rapport aborde les ressources des ouvriers, les accidents du travail, le chômage, la situation des travailleurs emprisonnés, des travailleuses, des enfants au travail et des travailleurs afghans en Iran.
Les ressources des travailleurs en Iran – Les travailleurs vivent sous le seuil de pauvreté en Iran
Le 21 décembre 2012, lors d’une interview avec l’agence de presse PANA (site d’information gouvernemental), un membre du haut conseil de l’emploi a annoncé que le seuil officiel de pauvreté en Iran se situait à 15 millions de rials pour une famille de quatre personnes. D’après les rapports de la banque centrale d’Iran et du centre iranien de la statistique, l’inflation lors des derniers mois de l’année iranienne a dépassé 31% et pour certains produits de consommation courante, elle est montée à 40%. Prenant en compte ce taux d’inflation, des estimations officieuses fixent le seuil de pauvreté pour une famille de quatre personnes à 17 millions de rials au début de l’année iranienne (20 mars 2013). La même année, le haut conseil de l’emploi a fixé le salaire minimum des travailleurs à 4.870.000 rials. Si l’on compare ce chiffre avec l’estimation du seuil de pauvreté de la même année, on met en lumière la situation tragique et critique des travailleurs en Iran. Bien que le salaire fixé pour les travailleurs soit extrêmement bas, ce salaire même leur est refusé. On les paie souvent avec plusieurs mois de retard ou on ne le paie pas du tout. Par exemple, 2.300 ouvriers de l’usine de tuyaux Safa de Saveh n’ont pas reçu leur prime de nouvel-an et n’ont pas été payés pendant trois mois (leur salaire a été différé). Les ouvriers de la société de construction de route de Kahkoulieh et Bouyer Ahmad ont finalement reçu leur paie et leur prime en février 2013, au bout de sept mois. Une telle vie n’est qu’une mort lente pour la plupart des travailleurs iraniens et leurs familles.
Il est à noter que le calcul du salaire mensuel minimum mené par le haut conseil de l’emploi, le ministre des coopératives, du travail et de la sécurité sociale ne répond même pas aux critères de l’article 41 du code iranien du travail. Elle viole également l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits Humains. L’article 25 de la DUDH stipule : « Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; ll a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. »
Les accidents du travail
La mort lente n’est pas la seule menace pour les travailleurs iraniens. La mort par accident du travail menace grandement les travailleurs ; des milliers en sont victimes chaque année. La plupart des ouvriers travaillent dans de petites structures qui ne font pas l’objet d’inspection pour savoir si elles respectent les règlements. Quand ils décèdent suite à un accident du travail, leurs familles n’ont plus de ressources financières car les ouvriers ne sont pas assurés. D’après les rapports de l’Inspection Médicale, 5 ouvriers décèdent d’accident du travail quotidiennement. Ce taux est en constante augmentation. En 2010, 1290 personnes sont décédées par accident du travail, en 2011 le chiffre a atteint 1507 personnes. D’après les rapports et les statistiques, les blessures par accident du travail sont la seconde cause de mortalité en Iran.
Les chutes depuis des sites en construction, la mort par explosion dans les mines, les incendies sur les lieux de travail, l’écroulement de bâtiments, la chute dans des puits profonds sont les causes les plus fréquentes d’accident du travail causant le décès des ouvriers. Dans presque tous les cas, ces accidents sont causés par l’absence de mesure de sécurité et par des conditions de travail dangereuses. ILNA (Iranian Labor News Agency – Agence Iranienne de Presse du Travail) a souvent relaté les omissions et les lacunes des inspecteurs du ministère des coopératives, du travail et de la sécurité sociale.
Les exemples d’accidents du travail sont nombreux dont un incendie à l’automne 2011 à l’usine Foulad de Yazd durant lequel 18 ouvriers ont perdu la vie et beaucoup ont été atteints de brûlures graves, dont certains sur plus de 50% de leurs corps. En février 2012, une explosion dans une mine de Tabas a coûté la vie à huit ouvriers. Les mesures légales prises par les tribunaux après plusieurs accidents n’ont donné lieu à aucune indemnité pour les ouvriers et leurs familles.
Le licenciement des ouvriers et la crise de l’emploi
La plupart des ouvriers en Iran ont des contrats de travail précaires et sont payés à la journée ou à l’heure. Ces ouvriers ne bénéficient pas de l’assurance chômage, de l’assurance maladie ou de la sécurité sociale. Ces contrats facilitent leurs licenciements par les employeurs, individuellement ou en groupe. En raison des sanctions économiques qui augmentent contre l’Iran et de la mauvaise politique économique, contraire aux intérêts nationaux, de la scandaleuse augmentation du taux de change des devises étrangères, la vie des citoyens, mais surtout celle des ouvriers est devenue très difficile.
En raison de leurs relations privilégiées avec l’état, beaucoup d’employeurs ont pu bénéficier de taux de change plus bas pour l’achat de devises, pour payer leurs importations, leurs équipements ou les matières premières nécessaires à leurs productions. La vente de devises achetées à bas prix, réservée à ceux qui sont en relations étroites avec le gouvernement, l’investissement dans la vente plutôt que dans la production, génèrent davantage de profit. En conséquence, beaucoup d’employeurs qui ne font pas l’objet d’inspections, de surveillance ou de contrôles, ont fermé leurs usines et leurs ateliers et ont licencié leurs salariés. D’après le dirigeant de la Maison des Ouvriers, une organisation affiliée au gouvernement, entre le 1er mai 2011 et le 1er mai 2012, 100.000 ouvriers ont été licenciés.
Les ouvriers emprisonnés
Bien que la loi iranienne reconnaisse aux salariés le droit de créer des organisations professionnelles et des syndicats, le gouvernement s’y est opposé et empêche la création par les salariés d’organisations indépendantes pour soutenir leurs droits et leurs revendications. Les salariés progressistes qui ont tenté de créer des syndicats et des unions, ont été harcelés et légalement poursuivis. Par exemple, les membres du syndicat des chauffeurs d’autobus du grand Téhéran, ceux du syndicat des ouvriers du sucre Haft Tapeh d’Ahvaz, l’union libre des travailleurs et le comité de soutien aux organisations ouvrières ont fait l’objet de pressions et de répression de la part des autorités sécuritaires. Beaucoup des membres de ces organisations ouvrières ont été condamnés à de longues peines de prison et actuellement beaucoup purgent leurs peines. Les militants des droits des ouvriers dont le nom suit ont été condamnés à de la prison ferme et purgent leurs peines : Shahrokh Zamani, 11 ans; Reza Shahabi, 6 ans; Mohammad Djarahi 5 ans; Behnam Ibrahimzadeh, 5 ans (en liberté provisoire à l’époque de la préparation de ce rapport) et Pedram Nasrollahi, 18 mois. En sus, nombre d’autres militants des droits des ouvriers et de militants des droits des enseignants sont actuellement emprisonnés en Iran ou ont été libérés sous de lourdes cautions.
Nombre d’ouvriers et de membres de syndicats actuellement emprisonnés sont gravement malades, dont Sharokh Zamani et Mohammad Djarrahi et auraient urgemment besoin de soins et de surveillance en dehors de la prison.
Noms des membres de syndicats d’ouvriers ou d’enseignants actuellement emprisonnés : Shahrokh Zamani, Mohammad Djarahi, Behrouz Allamehzadeh, Behrouz Nikfard, Alireza Saïdi, Ghaleb Hosseini, Ali Azadi, Pedram Nasrollahi, Rassoul Bodaghi (membre du syndicat enseignant), Abdolreza Ghanbari, (membre du syndicat enseignant), Mehdi Farahi Shandiz, Sharif Saed Panah, et Mozafar Saleh Nia.
Situation des ouvrières
Les ouvrières, dans la société patriarcale d’Iran, souffrent de multiples discriminations historiques, culturelles, sociales et légales. Elles ont aussi les premières victimes des crises politiques, sociales et économiques en Iran. Elles travaillent dans des professions qui paient mal et où le travail est intensif, avec de longues heures de travail, dans des conditions souvent informelles et illégales, elles sont moins bien payées, même à travail égal. Les ouvrières sont les premières à être licenciées quand leurs employeurs ont des difficultés économiques. Le taux de chômage des femmes a augmenté de 33% en 2005 à 44% en 2010 d’après les statistiques officielles.
D’après les statistiques officielles, les femmes comptent pour 5% de tous les salariés. Etant souvent employées dans le secteur informel, elles ne sont souvent même pas comptées dans les statistiques officielles. Même dans les secteurs d’emploi formel, les droits des salariées ne sont souvent pas respectés et on leur refuse fréquemment ce à quoi elles ont droit comme le congé maternité, du temps accordé pour allaiter leurs enfants, des locaux pour l’allaitement sur leur lieu de travail et la création de crèches sur leur lieu de travail ; en fait, les employeurs sont réticents à employer des salariées à cause de ces dispositions. Certains employeurs forcent les femmes à signer des contrats qui les obligent à éviter toute grossesse tant qu’elles sont salariées.
D’après l’article 191 du code du travail, les petits ateliers de moins de 10 personnes ne sont pas obligés de respecter les lois et règlements énoncés dans le code du travail. D’après les rapports, les salariés travaillant dans ce secteur, qui ont tendance à être essentiellement des femmes, sont employées sans droit à l’assurance maladie, aux retraites du gouvernement (auxquelles contribuent les employeurs), aux congés payés et aux congés maternité. Elles travaillent souvent durant de longues heures, font un travail pénible et sont peu payées. Il n’y a pas de contrôle de sécurité ou d’hygiène dans ces ateliers.
Beaucoup d’ouvrières se sont tournées vers un travail de production à domicile, souvent avec l’aide de leurs familles et de leurs enfants. Ce type de travail est souvent difficile, implique de longues heures, échappe au contrôle du gouvernement puisqu’il se situe au domicile des ouvrières.
Avec l’adoption du programme de « travail hors-site », le gouvernement a encouragé ce type de travail de production à domicile, ce qui permet l’exploitation des ouvrières par les employeurs et contribue aux pressions physiques, émotionnelles et psychologiques et à la violence contre les femmes.
Malheureusement, il nous faut ajouter à ces travailleuses les femmes engagées dans la prostitution dont le nombre va croissant. Ce secteur pour les travailleuses ne bénéficie bien sûr d’aucun droit mais expose aux arrestations, à la prison et aux exécutions.
Les enfants au travail
L’article 79 du code du travail interdit l’emploi d’enfants de moins de 15 ans mais, d’après les statistiques officieuses, les rapports du site Mashregh (un site du gouvernement) et le centre de recherche parlementaire, à l’automne 2012, 3.265.000 enfants étaient exclus de l’enseignement, dont 3.000.000 ont été identifiés comme des enfants au travail.
Les enfants au travail sont surtout employés dans de petits ateliers et contribuent à la production à domicile ou sont vendeurs à la sauvette dans la rue. En raison du taux d’inflation qui est de 40% et du taux de pauvreté des familles vulnérables, ces enfants sont de plus en plus nombreux.
Actuellement, en raison surtout du grand nombre de licenciements dans les usines et les ateliers, les femmes et les enfants font face à de plus en plus de pauvreté et ne jouissent d’aucun soutien social ou filet de sécurité. Le nombre de femmes et d’enfants qui s’engagent dans la prostitution augmente, l’âge moyen des drogués baisse et le taux d’illettrisme augmente.
Les ouvriers afghans
La situation des ouvriers afghans et en général des réfugiés et des travailleurs migrants en Iran est désastreuse. Des deux millions d’Afghans vivant en Iran, environ les deux tiers, soit 1.400.000 sont sans papiers. Bien qu’ils vivent en Iran depuis des années, le gouvernement ne s’est pas occupé de leur situation, ce qui a ajouté à leurs problèmes et qui fait qu’ils ne jouissent même pas du peu de droits des autres ouvriers. Le salaire des ouvriers afghans employés à plein temps et sous contrat à durée indéterminée, est beaucoup plus bas et leurs conditions de travail sont beaucoup plus difficiles. Les ouvriers afghans ne bénéficient pas de l’assurance santé, de la retraite ou des indemnités de chômage. Leurs enfants n’ont pas le droit d’être scolarisés et n’ont pas de papiers d’identité. Ces ouvriers et leurs familles vivent dans des conditions extrêmement difficiles.
Source : http://ir.voanews.com/content/iran-workers-campaign/1647614.html