Le docteur Mohammad Maleki, ancien recteur de l’université de Téhéran et professeur retraite de cette université, a écrit au docteur Ahmed Shaheed, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains en Iran pour se plaindre des violations des droits humains en Iran, et plus spécialement sur son droit fondamental de se rendre à l’étranger pour rendre visite à ses enfants.
« Le droit de voyager et le droit de rendre visite à ses enfants sont des droits fondamentaux des dissidents. »
« Le droit de voyager et le droit de rendre visite à ses enfants sont des droits fondamentaux des dissidents. »
Au docteur Ahmad Shaheed, rapporteur spécial de l’ONU pour les droits humains en Iran
Téhéran, le 18 avril 2015
Téhéran, le 18 avril 2015
Cher Docteur,
Je m’appelle Mohammad Maleki ; je suis professeur en retraite de l’université de Téhéran. Je vous écris car vous êtes en charge de la surveillance des violations des droits humains en Iran. Je vous demande votre soutien en ma demande de justice : la république islamique d’Iran viole mes droits fondamentaux, en l’occurrence, mon droit à voyager pour voir mes enfants. J’ai bien sûr épuisé toutes les procédures légales pour jouir de mes droits avant de vous écrire. Je vais vous exposer brièvement ce que j’ai fait ces derniers mois.
Quelques jours après vous avoir écrit sur la torture dans les prisons iraniennes, j’ai été interdit de sortie du territoire par le tribunal de Téhéran le 10 septembre 2011. Le 8 novembre, j’ai accompagné un ami convoqué à la prison d’Evine et j’ai demandé au bureau du procureur de la prison où en était mon interdiction de sortie du territoire. Le fonctionnaire a cherché dans son ordinateur et trouvé une lettre à moi adressée qui indiquait que l’interdiction avait été levée (je vous joins une copie de ma demande au bureau du procureur et la réponse). Je me suis rendu au bureau des passeports pour vérifier que c’était vrai et on m’y a dit qu’il n’y avait plus de problème. J’ai donc préparé les papiers nécessaires et j’ai demandé le renouvellement de mon passeport. On m’a dit que je le recevrai par courrier dans deux semaines, mais je n’avais toujours rien reçu au bout d’un mois. Je me suis rendu au bureau spécial de la police où l’on m’a dit de m’adresser à la poste, où l’on m’a dit de m’adresser au bureau des passeports de Téhéran, où l’on m’a dit de m’adresser à monsieur Tadjik, procureur général du tribunal révolutionnaire de Téhéran. Quand je me suis présenté au bureau de monsieur Tadjik, on m’a demandé de me rendre au bureau du procureur d’Evine. Quelques mois après m’avoir renvoyé d’un bureau à un autre, le bureau du procureur de la prison d’Evine m’a informé qu’on me contacterait pour clarifier la situation. Au bout d’un mois, toujours pas de contact. Je me suis donc rendu au bureau du procureur de la prison d’Evine le 17 mars 2015 ; on m’y a dit que de « hauts fonctionnaires » avaient arrêté le renouvellement de mon passeport ; on ne m’a, bien entendu, pas dit qui étaient ces « hauts » fonctionnaires.
Vous savez mieux que moi que, d’après le deuxième paragraphe de l’article 13 de la déclaration universelle des droits humains : « Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». D’après l’article 33 de la constitution de la république islamique : « Personne ne peut être obligé de rester dans un endroit, sauf dans les cas prévus par la loi ». D’après les articles 132 et 133 du code de procédure pénale de la république islamique : « Le tribunal peut édicter un décret interdisant la sortie du territoire à l’encontre d’un accusé uniquement dans les cas spécifiques où il existe un risque qu’il s’enfuit ou se cache. Un tel décret ne sera valable que pour une durée de six mois. » De plus, d’après l’article 137-3 de la déclaration des droits civiques du président Rouhani : « Tous les citoyens ont le droit de quitter ou de rentrer librement dans le pays et aucun citoyen ne peut se voir nier ce droit, sauf dans les cas prévus par la loi ».
Quel principe, quelle loi ou quel jugement équitable m’a-t-il privé de ces droits ? Je ne suis pas un voleur ou un escroc et je n’ai commis aucun crime. Je ne suis coupable que d’être un dissident qui critique les dirigeants de la république islamique pour défendre les droits humains. C’est pourquoi on me refuse ce droit et bien d’autres droits civiques. Le droit de voyager pour rencontrer sa famille et ses enfants sont des droits des groupes d’opposition.
J’ai 82 ans et je ne peux ni ne veux résider à l’étranger. Les fonctionnaires de la sécurité et de la justice de la république islamique d’Iran sont parfaitement au courant de ma position sur le sujet. De plus, j’ai clairement exprimé mes commentaires et mes critiques en Iran, j’ai franchement critiqué le système et je n’ai pas d’autre commentaire à exprimer à l’étranger qui se rapporteraient aux autorités de la sécurité ou de la justice. Il n’y a donc aucune justification à cette injustice et oppression patente.
Cher Docteur Ahmad Shaheed,
Je ne suis qu’un exemple de cette injustice. Beaucoup de militants civiques et politiques en Iran se sont vus illégalement et sans raison refuser le droit de quitter le pays depuis longtemps. On leur interdit de rendre visite à leurs enfants et à leur famille depuis des années. L’un des exemples les plus évidents est Monsieur Abbas Amir-Entezam, à qui on a interdit le droit de quitter le territoire pour voir ses enfants depuis plus de 30 ans.
Comme la république islamique, sa structure administrative et sa justice n’arrivent pas à résoudre ce problème, je demande votre soutien pour répondre à cette tyrannie. Pourquoi et pendant combien de temps vais-je être privé du droit de voyager pour voir mes enfants ? Cela fait environ 7 ans que je n’ai pas vu mon fils et je veux assister à sa remise de diplôme. C’est évidemment le désir naturel de chaque père. Je vous prie instamment de demander au gouvernement et aux autorités iraniennes de mettre fin à ces conduites injustes et inhumaines et d’arrêter de violer les droits humains du peuple d’Iran.
Je vous prie de croire, cher Docteur, à l’expression de ma gratitude anticipée et de mes salutations les plus sincères.
Docteur Mohammad Maleki
Ancien recteur de l’université de Téhéran – Professeur en retraite
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