lundi 12 novembre 2012

Dernier article de Sattar Beheshti


On nous dit de ne pas parler, sinon on nous fermera la bouche.

Depuis quelque temps maintenant, le régime islamique exerce une pression accrue sur les militants iraniens indépendants pour les empêcher d’exprimer leurs points de vue sur les affaires courantes du pays en utilisant toutes sortes de mesures répressives dont la torture et la menace d’exécution. C’est un régime qui pose quotidiennement toutes sortes de problèmes aux militants indépendants. Des e-mails de menaces, le filtrage des médias en ligne, les arrestations dans la rue, c’est le minimum quotidien de ce régime.

Pas plus tard qu’hier, les agents du régime m’ont dit que ma mère porterait bientôt le deuil. 

- « Tu ne fermes pas ta gueule »
- « Je ne le veux pas »
- « Tu es trop bavard »
- « Je me contente d’écrire ce que je vois et ce que j’entends »
- « Nous ferons ce que nous voudrons ! Nous agirons comme il nous plaira ! Mais tu la fermeras pour de bon ou on t’étranglera une fois pour toutes, anonymement ! Sans que personne ne sache qui tu es ou ce qui t’es arrivé ! »

Ils n’arrêtent pas de me dire et à d’autres qui me ressemblent : « Les peuples de Palestine et de Bahreïn sont tourmentés et personne n’en parle, et toi, tu es un traître à ton pays ! » Mais je ne suis pas un traître, ceux qui me ressemblent ne sont pas des traîtres, nous ne trahissons pas notre pays, nous aimons notre pays et notre peuple et si traîtres il y a, c’est vous qui trahissez notre pays et notre peuple, pas moi, pas nous.

Les appels téléphoniques de menace n’arrêtent pas jour et nuit. Il semblerait que nous n’ayons réellement d’autre choix que de la fermer. Je ne dis pas ça en tant que traître mais en tant qu’Iranien. Je ne peux pas la fermer devant une telle tragédie ; je ne dis pas que ce soit vous, messieurs qui seriez trop bavards, mais c’est bien vous, avec votre merde quotidienne, qui entraînez le pays vers le désastre, tous les jours. Je ne me tairai pas, même si la mort se profile à l’horizon. Les menaces et les intimidations, d’où qu’elles viennent ne marchent plus. Je ne me tairai pas, peu importe où je suis, où je serai. C’est vous messieurs qui allez la fermer. Arrêtez de commettre des injustices pour que je puise cesser de les dénoncer.

Le régime islamique pleure la tragédie des peuples de Palestine, de Bahreïn et d’autres pays encore et se plaignent du manque d’information et de soutien dont ils souffrent. Mais il ne dit pas un mot de toute la propagande de ses propres services et de ses chaînes de télévision, si professionnels qui produisent des films et des reportages ; tous se concentrent sur la soi-disant tragédie des peuples de Palestine et de Bahreïn, tous sont destinés au peuple d’Iran, tous visent à laver le cerveau de notre propre peuple. Ils gavent le peuple avec cette propagande partisane tout au long de la sainte journée et à la fin, les chaînes de la télévision islamique finissent par dégoûter tout le monde.

Mais ils ne disent pas un seul mot de la situation désastreuse de notre propre peuple, ni des violations continues des droits humains dans notre propre pays, l’Iran ! Pas un mot sur les arrestations, les incarcérations, les tortures et les exécutions en masse qui ont lieu tous les jours. Pour briser leur volonté, nos prisonniers politiques sont incarcérés dans la situation la pire possible ; non seulement ils ne disent pas un mot à leurs avocats mais on ne leur permet même pas d’avoir un avocat. Non seulement ils laissent leurs familles dans l’ignorance totale de leurs êtres chers mais encore ils menacent aussi les familles. Ils leur disent sans arrêt qu’ils n’ont aucun droit de parler de leurs êtres chers. Non contents d’empêcher ces familles de s’informer et d’informer les autres, ils changent leur harcèlement permanent en menaces envers les membres de la famille des détenus. Ils disent qu’ils « continueront et arrêteront leurs filles » si la famille des prisonniers politiques ne se soumettent pas à la volonté des autorités et ne la ferment pas. « Ta gueule ! Ne dis pas un mot ! » Leur crient-ils sans arrêt.

Messieurs ! Pourriez-vous s’il vous plait me dire de quel genre de loi il s’agit, Où cette loi a-t-elle été mise en place ? Dites-moi où vous avez trouvé une telle loi avant de l’apporter en cadeau au peuple d’Iran. Peut-on trouver une telle loi ailleurs que dans des dictatures ? Faites-moi confiance, même dans les pays les plus dictatoriaux du monde, il n’existe pas une telle loi. Et même si elle existait dans ces pays, elle n’aurait pas été instaurée au nom de Dieu ou de la religion divine mais au nom du gouvernement.

Vous arrêtez, vous torturez, vous exécutez et les familles devraient se taire pendant ce temps ? Pourquoi ne pas quitter vos postes pour vous soumettre à un gouvernement comme le vôtre pour comprendre ce que ça veut dire d’être soumis à un tel gouvernement ? Les lois de votre régime n’existent même pas dans la jungle. Si vous êtes si sûrs de ce que vous êtes, pourquoi le cacher au lieu d’en être fiers ? Pourquoi ne pas autoriser la libre diffusion de l’information sur ce que vous faites pour que d’autres pays dans le monde puissent prendre de la graine de vous-mêmes et de votre genre de démocratie ? Et si vous êtes totalement conscients de votre basse médiocrité, conscients que le monde se rie de vous à gorge déployée, pourquoi continuer à être ce que vous êtes ? Pourquoi continuer à faire ce que vous faites ? Comment se fait-il que vos reporters, vos journalistes puissent se rendre partout dans le monde pour faire des reportages sur ce qu’ils veulent tandis qu’aucun journaliste étranger ne peut se rendre en Iran et faire des reportages sur ce qu’ils/elles voient en Iran ? Autant d’injustice peut-elle se justifier par le fait de rester au pouvoir quelques jours de plus ? Vos propres lois ont-elles une quelconque valeur de votre propre point de vue ?

Maintenant, laissez-moi vous dire quelque chose. Si vous avez peur de l’information, ou bien vous démissionnez ou vous arrêtez de commettre des injustices. N’arrêtez plus, ne torturez plus, ne massacrez plus et l’on cessera de vous dénoncer. Ou alors on continuera à informer et à vous dénoncer mais votre propre injustice prendra rapidement fin s’écrasant sur votre propre tête. Informer sur la détresse de tout être humain est de la responsabilité de chacun de nous et si l’un/l’une d’entre nous ne le fait pas, il/elle a trahi sa propre conscience. Quiconque n’informe pas les autres s’enfonce lui-même dans un trou. Parce que vous, messieurs, voulez réduire au silence, un par un, quiconque, même en privé veut élever la voix. Ne nous menacez plus car la peur n’a plus place en nos cœurs. Ni le fouet ni la torture ne nous font peur ni ne nous empêchent d’informer.

« Nous vous arrêterons ! Nous vous torturerons ! Arrêtez d’informer ! » Si c’est votre slogan, le nôtre est : « Nous sommes entrés dans cette arène et n’arrêterons pas avant de nous être libérés des chaînes de l’existence et détachés des chaînes de l’injustice ! »

Longue vie à l’Iran et aux Iraniens ! J’offre ma vie à l’Iran !

Sattar Beheshti
Lundi 29 octobre 2012

Source : http://magalh91.blogspot.fr/2012/10/blog-post_29.html

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