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dimanche 11 novembre 2012

Les blessures de Malala sur le corps de Nasrine Sotoudeh – Mansoureh Shojaei


Les boucles noires de Malala sur les bandages blancs qui couvrent les blessures infligées par les balles des talibans sont belles.

Non ! Les boucles noires de Malala sont encore plus belles lorsqu’elles apparaissent sur les bandages blancs qui couvrent les blessures infligées par les balles des talibans

On a lu l’information. Les photos disparaissent vite de la une. Et une autre information arrive.

Le corps frêle de Nasrine Sotoudeh a commencé une nouvelle grève de la faim pour obtenir des visites en personne de ses enfants et de son époux ; son corps s’affaiblira encore.

Non ! Le corps frêle de Nasrine Sotoudeh lutte contre l’injustice faite aux femmes dans et hors les murs de la prison s’affaiblira encore.

On a vu l’information, les photos, les entretiens, les déclarations. Mais hélas, on ne dit rien du pouvoir du corps, aucun écrit sur le sujet. C’est la dernière pierre angulaire qui lui permettra de tout reconstruire. Passons.

On a lu et entendu que Malala Yousafzai avait onze ou douze ans, qu’elle écrivait sur les problèmes que les filles de la vallée de Swat rencontraient pour leur instruction et leur sécurité.

On a lu et entendu que Mehraveh Khandan avait onze ou douze ans, qu’elle avait été interdite de sortie du territoire puis qu’elle avait été convoquée pour interrogatoire.

Face aux menaces des talibans, la mère de Malala avait dit qu’elle n’avait pas besoin de la présence d’un garde, que le danger n’effrayait pas sa fille, elle qui n’avait parlé que de l’instruction des filles, et deux ans plus tard…

Face aux procédures, la mère de Mehraveh avait dit qu’elle n’avait pas besoin de la présence d’un garde, que personne ne comprendrait qu’il y ait un danger lors de la rencontre d’une mère avec sa fille, et quelques mois plus tard…

La mère de Malala s’inquiète de la survie de sa fille, elle a fait traverser à son corps agonisant le ciel et la mer pour l’emmener dans un autre pays dans l’espoir qu’elle recouvre la santé, elle est pendue aux lèvres des médecins.

La mère de Mehraveh s’inquiète de la vie et de la sécurité morale de sa fille et des autres filles. Alors elle frappe son corps frêle contre les murs de la prison pour que ce bastion de la force et du pouvoir soit témoin une fois encore de sa lutte contre l’injustice.

Pour sauver sa fille, la mère de Malala, angoissée, frappe à toutes les portes, se rend dans tous les pays.

Pour sauver sa fille d’une douleur invisible, la mère de Mehraveh angoissée, frappe les murs de sa prison et passe à tous ses visiteurs le message de cette injustice.

Une mère est une mère, qu’elle porte le corps blessé de son enfant de porte en porte ou que ce soit son propre corps blessé qu’elle torture au plus haut point pour tenter à la fin de rendre à son enfant sa tranquillité perdue, volant en esprit pour porter de par le monde la voix de son enfant et des enfants de son enfant. Et c’est ce qu’a fait Nasrine.

Nasrine a fermé sa bouche à toutes les bouchées, Malala et les autres adolescentes ont perdu leur sécurité prises sous le feu légal des talibans dans toute la région. La cicatrice sur le front de Malala est le signe d’un mal ; Nasrine cherche le remède à ce mal depuis des années.

C’est la même arme qui a blessé le corps de Nasrine Sotoudeh et de Malala Yousafzai. C’est en même temps que Nasrine a commencé sa grève de la faim et que Malala a été blessée, une communauté d’action et de destin entre cette mère et cette fille ; ce n’était pas prévu, c’est leur sort commun. La concomitance de ces destins semble nous dire qu’au lieu de demander à Nasrine et à toutes les Nasrines du monde de cesser leurs grèves de la faim, nous devrions nous adresser à la partie adverse et faire connaître au monde entier les cris arrachés aux Malalas et aux Nasrines par les talibans orientaux et occidentaux. La concomitance de ces deux évènements semble nous dire que la guérison des blessures de Malala viendra de l’empathie et des cris des peuples épris de liberté contre l’hégémonie des lois des talibans ; c’est aussi le remède pour le corps douloureux de Nasrine car la nourriture ne saurait lui apporter sa force. 

Source : https://www.facebook.com/notes/the-feminist-school-%D9%85%D8%AF%D8%B1%D8%B3%D9%87-%D9%81%D9%85%D9%8A%D9%86%D9%8A%D8%B3%D8%AA%D9%8A/%D8%B2%D8%AE%D9%85-%D9%85%D9%84%D8%A7%D9%84%D9%87-%D8%A8%D8%B1-%D8%AA%D9%86-%D9%86%D8%B3%D8%B1%DB%8C%D9%86-%D8%B3%D8%AA%D9%88%D8%AF%D9%87-%D9%85%D9%86%D8%B5%D9%88%D8%B1%D9%87-%D8%B4%D8%AC%D8%A7%D8%B9%DB%8C/10151206228772356

samedi 18 février 2012

Nous faisions attention. Pour Mehraveh, Kiana, Nima, Ali *, et …../Mansoureh Shojaee Jeudi 16 février 2012


 Feminist School 

C’était un soir de novembre en 2011, j’ai appelé Mehraveh pour son anniversaire. Je voulais lui demander si elle avait réussi à parler à sa mère en tête à tête  des choses que les petites filles qui deviennent adolescentes meurent d’envie d’évoquer, mais en fait, je lui ai dit que, si elle avait besoin de vitamines, elle me le dise. A plusieurs reprises, au cours de notre courte conversation, j’ai senti la nécessité de lui dire que, lors d’une nuit de solitude et ressentant l’étrangeté du franchissement d’une frontière, au seuil de la ménopause, j’avais pensé à elle et à ce qu’elle ressentait, elle qui entrait dans la féminité ; mais je n’ai prononcé que des mots inappropriés et je l’ai questionnée sur son passé. Ses réponses n’étaient pas encore assez féminines.

C’était une nuit du début de l’été 2010, je m’étais rendue à l’hôpital Iran-Mehr pour rendre  visite à mon amie Nargues Mohammadi. Elle gisait à demi consciente sur son lit. Il me semblait qu’elle voulait parler. Je me suis approchée, je me suis penchée pour mieux l’entendre. Elle pouvait à peine parler. « J’ai donné naissance à Kiana par césarienne, j’ai le  ventre couturé de points de sutures mais quand je l’ai tenue dans mes bras, la chaleur de son petit corps à versé un baume apaisant sur mes blessures. Quand j’ai été opérée puis quand je suis sortie de l’hôpital avec tant de points de sutures sur mon petit ventre, je n’avais pas pu rester avec elle et apaiser ses blessures. Cette nuit-là, j’avais été arrêtée. J’ai du laisser seule ma petite fille et partir pour la prison… » Avant de s’évanouir complètement, elle a répétée plusieurs fois : « Je n’ai pas fait attention. » Je voulais lui dire qu’elle n’avait pas été inconsidérée, il y a beaucoup de « Khoullies (1) dans nos histoires, mais j’ai dit quelque chose de différent ; j’ai essayé de la calmer et de l’apaiser et lui disant mon amour et mon admiration pour elle. Mes mots affectueux n’ont pas suffi à calmer son âme blessée et perturbée, mais ont fait couler mes propres larmes !
Une vue de loin de deux tableaux, enfant et mère et mère et enfant.

Tableau # 1

Une adolescente et son besoin de sécurité apaisé par la poitrine de sa mère, pleine d’amour et de compassion.

Dans ce tableau on voit l’image de beaucoup d’enfants semblables à Mehraveh qui sont seuls, empêchés d’avoir l’amour maternel dont ils ont besoin.

Du point de vue idéologique, cette séparation n’est pas attristante. On peut même la considérer comme honorable. La plupart du temps, des tantes, des oncles et d’autres membres de la famille remplissent le vide créé par l’absence et essaient de compenser par plus de soin et d’attention. Mais ce sont les droits de l’enfant qui sont violés, son droit à une sûreté et une sécurité inconditionnelle procuré par la présence de sa mère. Mais qu’est-ce qui pourra remplacer les causeries féminines des mères à leurs jeunes filles à la veille de devenir des femmes ?

Quelques sincères et aimantes ces attentions puissent être, elles ne seront pas d’un grand secours. La famille et les amis expriment leur amour, ils prennent soin de Mehraveh ; mais elle a peut-être besoin de quelque chose de plus, quelque chose comme de la discipline et des conseils aussi. En fait, trop d’amour et de compassion peut également causer la confusion.

Je ne semble pas très bien dans ce tableau. Déjà diminuée par l’éloignement de ma propre famille et de mon cercle d’amis, j’ai vite posé à Mehraveh des questions diverses. Elle a répondu à toutes de façon si sage et même tempérée que j’en ai été embarrassée.

Mais ce qui est le plus ennuyeux est le jugement porté sur ses mères emprisonnées. «  Une mère qui était toujours dans une cage de verre » disait Guita, une des enfants dont la mère était en prison dans l’horrible période des années 80. Bizarrement, certains de ces jugements proviennent des commentaires doux et quelquefois humoristiques d’amis et de membres de la famille qui voulaient soulager le fardeau de la tristesse.

Quand le prisonnier est le père et qu’il a recours à une grève de la faim pour que ses droits fondamentaux soient respectés, la société ne souligne jamais son rôle ou ses responsabilités de père envers sa famille. On ne leur a jamais demandé d’arrêter leur grève de la faim à cause de leurs obligations familiales. Mais quand il s’agit d’une femme emprisonnée, on leur rappelle toujours qu’elles ont d’autres devoirs et obligations en plus de leurs causes politiques…. Comique, non ?

Quand Nasrine Sotoudeh a eu recours à la grève de la faim ou lorsqu’elle a refusé d’utiliser ses droits de visite uniquement pour protester contre la violation de ses droits, même en temps que prisonnière, on a poussé les grands cris, on l’a jugée pour lui rappeler son rôle de mère et la préséance de ce rôle sur sa lutte politique ou pour les droits humains.

Même si Mehraveh a été éduquée par des parents comme Nasrine Sotoudeh et Reza Khandan, elle n’était ni assez jeune pour ne pas être affectée par ces jugements, ni assez âgée pour arriver à sa propre analyse des faits. Je me demande ce qui arrive à des enfants comme Mehraveh. Que ressent-elle quand elle entend ces sortes de critiques de sa mère qui n’a pas abandonné ses droits pour sa fille ?

La personnalité de Nasrine Sotoudeh, que ce soit en tant que mère ou que de militante, est unique par ses nobles valeurs. Seuls ceux qui possèdent ces vertus de tolérance, de morale et d’amour de la liberté peuvent reconnaître et apprécier sa vraie valeur. Mais dans cette société injuste où la mère et l’enfant sont également ignorés, les enfants de Nasrine bénéficient-ils d’un quelconque des droits des enfants que la convention des droits des enfants leur octroie ? Jusqu’à quel point les institutions qui défendent les enfants auraient-elles pu soutenir les Nasrines et les Mehravehs dans leurs épreuves ? Ces institutions n’auraient-elles pas du protester contre l’emprisonnement de Nasrine comme une sorte de violation contre les droits de ses enfants ? Et ne devraient-elles pas commencer un mouvement sérieux pour empêcher de telles violations ?

Second Tableau

La séparation tragique de Nargues Mohammadi d’avec son enfant malade, sa maladie grave non déterminée, son sentiment de culpabilité causé par la cruauté des forces de sécurité, la conduisaient au bord de la folie.

Une mère contrainte de quitter son enfant malade pour aller en prison, une mère qui a passé des nuits noires et horribles dans la solitude de l’isolement, s’inquiétant pour sa fille, doit totalement se mobiliser pour tout juste arriver à supporter le poids de telles pressions. Et pourtant, le corps ne pouvait pas supporter le poids énorme de toutes ces pressions. On ne peut imaginer de tels tableaux que lorsque de cruels chasseurs sans pitié pour la gazelle solitaire et terrorisée piège sa mère. Comment les défenseurs des droits des enfants peuvent-ils être témoins de telles scènes de chasse sans réagir, sans en être affectés ?

Quand Nargues est rentrée chez elle, elle était totalement malade, de corps et d’âme. Comment a-t-on pu la séparer de son enfant malade, au moment le plus délicat pour toutes les deux ?

Sans parler des droits des enfants, qu’est-il arrivé à Nargues dans ce tableau ? La séparation de ses enfants ajoutée aux pressions régulières que l’on doit supporter en prison, exacerbées par les commentaires et les jugements injustes que l’on lui jetait à la tête, étaient si écoeurants qu’après sa libération de prison, il ne reste de Nargue qu’un corps tremblant et une âme broyée. Et maintenant, elle doit accomplir ses devoirs maternels et familiaux en plus de ses engagements humanitaires et sociaux.

Dernier Tableau, l’image éternelle

Pendant des années, les femmes et les mères qui cherchent l’égalité, empêtrées dans un réseau d’ « étourderie » ont suivi un chemin difficile vers un « monde attentif », portant les croix de la féminité, de la maternité et du militantisme  toutes seules sur leurs frêles épaules, avec calme et patience. Et cela fait des années que les enfants des prisonnières luttent sans arrêt contre la propagande hostile, visant à détruire l’image qu’ils se font de leurs mères, et qu’ils tentent de décrire l’image de leur propre mère par eux-mêmes. Ce qui ressemble à l’image d’un « petit paria triste » ; chaque nuit, on l’envoie dormir avec un gentil baiser ; dans les labyrinthes de ses contes, il tente d’atteindre le même chemin difficile ; à chaque pas, il revit l’expérience de sa mère, un tout petit peu plus loin et ils construisent leur propre monde.

*:Mehraveh et Nima sont les enfants de Nasrine Sotoudeh ; Ali et Kiana sont les enfants de  Nargues Mohammadi.
1) Equivalent de notre croquemitaine, une personne très cruelle qui s'attaque aux enfants pour les tuer. 

Source : http://www.feministschool.com/english/spip.php?article482

dimanche 14 août 2011

Nasrine Sotoudeh renonce à voir ses enfants


13 août 2011 : Nasrine Sotoudeh, avocate, prisonnière politique et militante des droits humains, a adressé une lettre aux autorités judiciaires et au responsable du bureau du procureur de Téhéran pour annoncer que, pour protester contre le traitement inhumain et inacceptable subi par ses enfants, son mari et sa sœur lors de leur dernière visite et qui a conduit à leur détention pendant plusieurs heures, elle a décidé de ne plus accepter de telles visites pour protéger ses enfants de tout autre atteinte.

« Durant l’année passée, ma famille a été punie à de multiples reprises, par exemple, le dossier monté contre mon mari. Pour protester contre les violations des droits de ma famille et en raison de la façon dont sont actuellement organisées les visites, la présence constante des forces de sécurité et des agents du ministère du renseignement ne peut que blesser davantage mes jeunes enfants ; j’ai donc décidé de ne plus assister à de telles visites jusqu’à ce que la réputation de ma famille ait été complètement restaurée et que les contacts téléphoniques avec le bloc des femmes d’Evine soient rétablis, et c’est un droit dont tout prisonnier et ses enfants devrait pouvoir bénéficier. »

Le dimanche 7 août 2011, il y a une altercation entre les fonctionnaires de la prison d’une part, la sœur et Reza Khandan, le mari de Nasrine Sotoudeh, d’autre part, lors d’une visite derrière une vitre quand les fonctionnaires ont insisté pour fouiller le calepin de Reza Khandan sans mandat de perquisition officiel. La conduite malheureuse des fonctionnaires de la prison a eu lieu devant les enfants et toute la famille a été emmenée au bureau du procureur d’Evine et détenue environ 5 heures. Mehraveh et Nima, les deux enfants de Nasrine Sotoudeh, ont été témoins de l’altercation entre leur père, leur tante et les fonctionnaires de la prison. Ils étaient épuisés et avaient faim après les longues heures d’attente dans l’aire des visites. Mehraveh (10ans) n’a pas pu s’empêcher de pleurer devant sa mère pour la première fois depuis 15 mois. La famille a fini par être libérée après qu’un mandat de perquisition officiel ait été délivré par le juge et que les effets personnels de la famille, y compris le calepin aient été fouillés.

Nasrine Sotoudeh est emprisonnée depuis environ un an sans libération provisoire. Durant tout ce temps, elle n’a eu le droit de voir ses deux jeunes enfants que lors de rares visites de 20 minutes. Son mari, Réza Khandan, qui n’a jamais milité politiquement, a été détenu une nuit après qu’il ait cherché des informations sur le sort de son épouse. Il a été relâché sous caution plus tard. Nasrine Sotoudeh a été condamnée à 11 ans de prison.

Source: http://www.kaleme.com/1390/05/22/klm-69134/


samedi 16 avril 2011

Lettre de Nasrine Sotoudeh à sa fille Mehraveh


 

A ma très chère Mehraveh, ma fille, ma fierté et ma joie,

Je te salue depuis le bloc 209 d’Evine et j’espère que tu vas bien. Je viens vers toi sans souci, sans tristesse et sans larmes, je te salue le cœur empli d’amour et de mes meilleurs vœux pour toi et ton frère bien aimé.

Voilà six mois qu’on m’a éloignée de vous, mes enfants chéris. Pendant ces six mois, vous n’avez eu le droit de me voir que rarement et uniquement en présence d’agents de sécurité. Pendant ce temps, je n’ai jamais eu la permission de vous écrire, de recevoir une photo ou même de vous rencontrer librement, sans restrictions sécuritaires. Ma chère Mehraveh, plus que personne tu comprends la tristesse de mon cœur et la situation dans laquelle nous avons eu la permission de nous rencontrer. A chaque fois, après chaque visite et chaque jour, je me suis posée la question de savoir si j’avais suffisamment pris en considération et respecté les droits de mes propres enfants. J’avais besoin plus que tout d’être sûre que toi, ma fille bien aimée, dont la sagesse est pour moi un article de foi, ne m’accuserais pas de violer les droits de mes propres enfants.

Ma très chère Mehraveh, j’ai commencé à réfléchir à tes droits et à ceux de ton frère depuis le premier jour de mon arrestation. En raison de ton âge, je me fais davantage de souci pour toi. Je m’inquiète de tes capacités à supporter cette situation, de la façon dont tu la  juges, de ton moral et, plus important que tout, je m’inquiète des effets que tout cela aura sur tes relations avec tes camarades de classe. Cela ne m’a cependant pas pris longtemps pour me tranquilliser et j’ai su que moi, ou plutôt nous, serions capable de rester fermes  et fidèles à nos convictions.

Ta force et ta résilience n’ont rien à envier aux miennes. Je t’avais dis : « Ma fille, j’espère que tu ne croiras jamais que je ne pensais pas à toi ou que c’est en raison de mes actes que je suis ainsi punie. » J’ai continué avec confiance : « Tout ce que j’ai fait est légal et rentre dans le cadre de la loi. » C’est alors que tu as caressé avec amour mon visage de tes petites mains pour me répondre : « Je sais maman…. Je sais… » C’est ce jour-là, grâce à la manière confiante dont tu as parlé, que j’ai été libérée du cauchemar d’être jugée par ma propre fille.

Ma très chère fille, mes soucis concernant tes relations avec tes camarades de classe étaient eux aussi sans fondement ; la jeune génération est toujours plus mûre intellectuellement que la génération précédente.

…Et j’ai donc pu me débarrasser de tous mes soucis pour me tenir droite et rester ferme. Et cela, c’est à toi et à ton père que je le dois.

Ma très chère Mehraveh, permets moi de partager avec toi quelques un de mes souvenirs préférés. Quand la nuit tombe, allongée en prison, je pense souvent à la façon que j’avais de t’endormir. De toutes les chansons et berceuses que je te chantais quand tu te couchais, tu préférais celle qu’on appelle « les fées ». Chaque nuit, avant de dormir, tu me demandais de te la réciter et c’était une joie de commencer par…

Il était une fois,
Trois fées assises complètement nues à l’approche du crépuscule

Ma très chère fille, c’est toi qui m’as poussée à m’occuper du droit des enfants. Je pensais alors, et je le crois encore, que tout mon travail pour les droits des enfants serait bénéfique en premier lieu pour mes propres enfants. Chaque fois que je revenais du tribunal à la maison, après avoir défendu un enfant maltraité, je vous serrais toi et ton frère dans mes bras, et il m’était difficile de me défaire de cette étreinte. A ce jour, je ne comprends toujours pas pourquoi… Peut-être en vous serrant dans mes bras voulais-je compenser la douleur des enfants victimes de maltraitance.

Je me souviens que tu m’as dit une fois que tu ne voulais pas avoir 18 ans. Quand je t’ai demandé pourquoi, tu as répondu que tu détesterais ne plus pouvoir jouir des privilèges de l’enfance et ne plus être une enfant. Tu je peux même pas imaginer combien ta réponse m’a rendue heureuse. Je n’arrive pas à me souvenir combien de fois tu nous as rappelé, à ton père et à moi, que tu étais encore une enfant, que tu n’avais pas encore 18 ans et qu’il nous fallait donc respecter ton enfance et tes droits d’enfant…

Tu as exigé que nous respections tes droits d’enfant et je suis si heureuse que tu l’aies fait, car parfois, la négligence peut nous conduire à manquer de respect aux droits des autres, même si ces autres sont nos propres enfants. Par tes yeux et tes mots d’enfant, tu nous as rappelé à nous, adultes, qui nous considérons comme des protecteurs, l’importance du respect des droits des autres, de l’exigence de ses propres droits, de la justice, du cadre légal, de l’égalité et d’autres choses d’égale importance.

Ma très chère Mehraveh, de la même façon dont je n’ai jamais pu manquer de respect à tes droits et dont j’ai toujours essayé de faire tout mon possible pour les protéger, je n’ai jamais pu manquer de respect aux droits de mes clients.

Comment aurais-je pu abandonner dès l’annonce de ma convocation tout en sachant que mes clients étaient derrière les barreaux ? Comment aurais-je pu les abandonner alors qu’ils m’avaient choisie pour les conseiller et qu’ils attendaient leurs procès ? Jamais… Je n’aurais jamais pu faire cela.

En conclusion, je veux te dire encore une fois que je ne désirais que protéger les droits de tous et plus particulièrement ceux de mes enfants, de protéger ton avenir et que c’est ce qui m’a poussé à plaider ces dossiers au tribunal. Je crois que la douleur que notre famille et les familles de mes clients doivent supporter depuis ces dernières années n’est pas vaine. La justice arrive exactement quand la plupart ont perdu espoir. Elle arrive quand on s’y attend le moins. J’en suis certaine. Tout ce que je te souhaite, c’est une enfance pleine de bonheur et de joie.  Si tu es bouleversée par les enquêteurs et les juges à cause de mon procès, accorde leur la paix et la tranquillité à ta façon d’enfant pour que nous aussi puissions accéder à la tranquillité et à la paix de l’esprit que nous méritons.

Tu me manques ma chérie et je t’envoie mille baisers.

Maman Nasrin 

Source: Change for Equality: http://www.we-change.org/spip.php?article7614