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dimanche 26 octobre 2014

Interview de Nasrine Sotoudeh par le rédacteur d’Arseh Sevom Mohammad-Reza Dardari.




Arseh Sevom : Madame Sotoudeh, pouvez-vous me dire à quoi ressemble pour vous la société idéale ?
Nasrine Sotoudeh : On m’a souvent demandé à quoi ressemblait pour moi la société idéale. Tous les militants se posent cette question sans arrêt. Pour moi, la société idéale possède en abondance la raison, l’amour et la sincérité au lieu de la force militaire et les intimidations du gouvernement : une société qui respecte non seulement les droits des femmes mais aussi ceux des minorités religieuses et ethniques, des enfants et de tous. C’est ainsi que nous pourrons vivre ensemble pacifiquement.

AS : Quelle est la réalité de votre rêve ?
NS : Je rêve d’égalité des droits humains quels que soient le sexe, la couleur, la race ou tout autre critère. L’égalité ne se fera pas du jour au lendemain. Elle a besoin d’efforts continus. Une femme qui s’implique dans de tels efforts a un style de vie certainement différent mais qui n’est pas nécessairement pire qu’un autre. Les enfants de telles mères peuvent souffrir davantage que les autres, mais ils arrivent vraiment à comprendre pourquoi ils doivent endurer de telles difficultés.

AS : Comment tout ce que vous avez fait pour atteindre vos idéaux a affecté votre vie personnelle et votre famille, et surtout vos enfants Nima et Mehraveh ?
NS : Vous savez qu’il y a trois ans et demi, j’ai été envoyée en prison pour motifs politiques. A cette époque, mes enfants étaient petits. Ils ont supporté mon absence de trois ans et demi grâce au grand talent de père de mon époux. Ainsi et aussi grâce à ses efforts incessants pour éduquer nos enfants, mon époux a fait la preuve de son engagement perpétuel pour l’égalité.
Pendant mon absence de trois ans et demi loin de ma famille, j’ai vu mes enfants changer naturellement. Ils ont grandi. Ma fille avait 11 ans quand j’ai été arrêtée, elle en a maintenant 14, elle sait pourquoi sa mère était absente pendant trois ans. Je suis soudain face à une jeune-fille qui motive ses décisions ; mon fils, à l’époque de mon arrestation, ne comprenait même pas le concept d’emprisonnement, il a maintenant six ans. Un cerveau de bébé qui s’inquiète d’emprisonnement, de crime, de vol et de délits politiques, et des erreurs de la police !!! C’est ainsi qu’il a connu toutes ces choses.
Il a perdu son enfance. Il me demande souvent : « Quand ai-je grandi ? J’ai grandi d’un seul coup. » Quand il pense à moi, il se souvient de moi en prison.

AS : Je me souviens qu’avant d’être avocate, vous militiez pour le droit des enfants. Vous êtes l’une des fondatrices de l’ « Association pour la Protection des Droits des Enfants. » Les droits de vos enfants ont-ils pâti de vos idéaux ?
NS : Ces histoires sont, bien sûr, bouleversantes. Mais je vais vous faire part de mon expérience pour vous expliquer que nous devons payer le prix de nos idéaux. Ce n’est pas ce que je voulais. Si vous dites que ce sont mes enfants  qui en ont payé le prix, je suis tout à fait d’accord avec vous. Et si vous dites que l’on n’a pas le droit de faire payer le prix de nos idéaux à nos enfants, je suis encore d’accord avec vous.
Existe-t-il un point de rencontre entre les droits humains et la maternité ? Lors de la Journée Internationale de la Femme, nous avons le droit de parler de nos problèmes. Si une mère travaille pour les droits des enfants, elle tentera certainement de défendre les droits de son propre enfant et si elle souffre, c’est toute la famille qui souffre. Que devrais-je faire ? Est-ce que cela veut dire qu’il faut abandonner notre vision ? Certainement pas.
Pour donner plus de pouvoir à nos enfants, pour les éduquer, nous les obligeons à aller à l’école, ce qui est difficile ; de notre côté, nous devons tolérer quelques difficultés pour enseigner à nos enfants que chaque chose de valeur a un prix.
Ce que nous avons payé pour gagner en justice et en égalité n’a été que « l’éloignement » et « la nostalgie ». C’est tout. Au vu des idéaux que nous cherchons à atteindre, ce n’est pas beaucoup.

AS : Pour finir, comment voyez-vous le futur ?
NS : Je suis un symbole d’égalité et de justice, c’est ce pour quoi je me bats par mon activité légale. Tant que je le pourrai, je me battrai pour ces idéaux. Si on m’en empêche, je me battrai pour continuer avec tous mes droits d’être humain.
Je suis bien sûr optimiste pour le futur. Je ne doute pas que l’égalité triomphera, parce que, sans égalité, il n’existe ni paix ni amour, et que sans paix et sans amour, la vide est vide.

Source : http://www.arsehsevom.net/fa/archives/3564#sthash.yFT4kM6z.dpbs

jeudi 9 mai 2013

Rassemblement pour examiner l’indépendance des avocats – Shirin Ebadi – 5 mai 2013


Rassemblement pour examiner l’indépendance des avocats – Shirin Ebadi – 5 mai 2013

Le 29 avril, Maître Mandanipour, président des barreaux iraniens a annoncé : « Les barreaux ont le devoir de défendre l’intérêt national les plus grands atouts du pays en plus de défendre les droits des personnes. En raison des connaissances du droit tant national qu’international des membres des barreaux, il est de leur devoir de s’occuper de cette affaire ; il a donc été décidé d’organiser une étude juridique et historique sur le statut des trois îles qui sera mise en débat sur un forum civil. »

Sans doute, l’examen des problèmes juridiques au niveau international par les barreaux convient tout à fait, mais l’enjeu le plus important est que beaucoup des membres de ces barreaux dirigés par Mandanipour sont derrière les barreaux pour avoir défendu leurs clients, par exemple Nasrine Sotoudeh, Abdol-Fattah Soltani et Mohammad Seifzadeh. Ils sont emprisonnés pour ce que Mandanipour définit comme le devoir des avocats : la défense des droits des personnes Mais leurs clients étaient des détenus politiques ou d’opinion accusés de crimes par l'’état, les tribunaux du pays ont perdu leur indépendance et ils agissent conformément aux directives des agents de sécurité du gouvernement ; ces avocats sont donc actuellement en prison. Ils sont considérés comme complices dans les dossiers que l’état a montés contre leurs clients.

Les agents de sécurité et les tribunaux révolutionnaires partent du principe que les avocats partagent les idées des clients qu’ils tentaient de défendre. Mais la défense des droits des clients est le premier devoir d’un avocat et cela est plus important que la tenue d’un séminaire et la production de documents internationaux.

Alors, la question qui s’impose est : Est-il correct d’accuser un avocat d’être complice de ses clients inculpés ? Si la réponse est non, alors pourquoi ces avocats sont-ils emprisonnés et pourquoi d’autres avocats ont-ils été obligés de s’exiler après avoir purgé leurs peines pour les mêmes accusations de conspiration ? Exemples : Maîtres Mahnaz Parakand, Khalifeh-Lou, Mostafaï et Shadi Sadr.

Ce que les autorités sécuritaires ont infligé aux avocats qui avaient accepté de défendre des personnes accusées de délits politiques ou d’opinion n’est pas passé inaperçu aux yeux des autres avocats et ils ne veulent désormais plus défendre les personnes objets de tels chefs d’accusation. Exemple : les randonneurs américains injustement accusés d’espionnage et qui ont fini par être libérés contre le paiement de $500.000 ; aucun avocat indépendant n’a été assez courageux pour prendre leur défense en charge.

Depuis juin 2009, dans tous les dossiers où les avocats de la défense, plus de 50, ont été inculpés de complicité avec les chefs d’accusation portés à l’encontre de leurs clients, les barreaux n’ont pas joué leur rôle le plus important : la défense des droits de leurs membres. Ils n’ont absolument rien fait.

Alors, où est la faille de ce scénario ? Le problème est une loi spécifique que monsieur Mandanipour et les autres bâtonniers ne peut discuter ouvertement. D’après cette loi, les candidats au poste de bâtonnier doivent être approuvés par le ministère iranien du renseignement qui transmet sa décision à l’administration judiciaire qui nomme et confirme les bâtonniers. Dans le passé, le tribunal administratif s’est comporté comme le conseil des gardiens, c’est-à-dire qu’il rejetait les compétences et qualifications des personnes sans aucune justification. Exemple de ces disqualifications : Abdol-Fattah Soltani et moi-même.

Alors que les barreaux sont censés être présidés par des avocats choisis par leurs membres, ils sont en fait dirigés par des individus agréés par la justice d’état et le ministère du renseignement. Il n’est donc pas étonnant que les avocats n’aient personne pour défendre leurs droits.

Nous voyons bien que lorsqu’un acteur de cinéma est arrêté, ses collègues et ses camarades artistes protestent ; quand un ouvrier est détenu, les autres ouvriers signent des pétitions pour protester. Mais quand un avocat est arrêté, les autres avocats ne manifestent pas et sont indifférents.

Alors, plutôt que de féliciter monsieur Mandanipour de son organisation d’un rassemblement pour examiner les problèmes légaux du Golfe Persique, nous demandons qu’il organise auparavant un autre rassemblement pour examiner l’indépendance des avocats et débattre de la raison pour laquelle les représentants des avocats doivent être sélectionnés par le ministère du renseignement et non par leurs pairs.

Source : http://www.roozonline.com/english/opinion/opinion-article/archive/2013/may/05/article/need-a-gathering-to-examine-the-independence-of-lawyers.html