mardi 15 février 2011

Les évènements de la journée du 14 Février 2011 (25 Bahman 1389): de Tahrir à Azadi

Après les révolutions tunisiennes et égyptiennes, les regards du monde entier étaient tournés vers l'Iran. Plus d'un an après les dernières manifestations de masse en Iran, après avoir subi une année noire de répression totale jalonnée par les arrestations, tortures et exécutions, les résistants iraniens ont une nouvelle fois défié le régime totalitaire des Mollahs. Au fil des évènements historiques de cette journée inoubliable, le mouvement vert a démontré sa capacité à mobiliser les masses, sa vigueur, son intelligence et sa modernité. Nous résumons ci-dessous les principaux évènements de cette journée.


Nous remercions tous nos compatriotes qui ont pris des risques considérables pour informer le monde entier au péril de leur vie. 

Rappel du contexte:
  • Suite à l'appel de Mir Hossein Mousavi et de Mehdi Karoubi, les iraniens devaient manifester pour témoigner leur solidarité à l'égard des peuples tunisiens et égyptiens. Une demande d'autorisation avait été soumise au Ministère de l'Intérieur. Les autorités avaient refusé d'accorder cette autorisation. 
  • Le parcours annoncé pour cette manifestation était de la Place Imam Hossein vers la Place Azadi (Liberté). La manifestation devait débuter à 15h.
  • La page Facebook "25 Bahman" était "aimés" par plus de 60.000 internautes. 
  • Le département d'Etat américain lançait son compte Twitter de "conversation" en Farsi quelques heures seulement avant le début de la manifestation en Iran! Après le discours puissant de Barack Obama suite à la chute de Hosni Mubarak, de nombreux observateurs guettaient un changement d'approche à l'égard de la résistance iranienne. L'administration Obama était en effet jugée "trop molle" lors de la vague des manifestations en 2009.  
Résumé des évènements: 
  • Un manifestant a été tué. L'agence de presse officielle du régime, Fars News, confirme cette nouvelle et l'attribue au ... Mudjahedin du Peuple (opposition armée basée en Irak).
  • Du jamais vu: poster de Khamenei brûlé et manifestants scandant: "Mubarak, Ben-Ali, c'est au tour de Seyyed-Ali (Khamenei)" 

"Mubarak, Ben-Ali, c'est au tour de Seyyed-Ali (Khamenei)
  • Un témoin raconte: Vers 15h, je me suis trouvé vers la place Tohid avec d'autres amis. Les manifestants étaient silencieux et se congratulaient discrètement avec des sourires. Les forces de l'ordre se contentaient d’observer la scène et n'intervenaient pas. La rumeur courait concernant l'obtention d'une autorisation de dernière minute. Le comportement des forces de l'ordre donnait quelque crédibilité à cette rumeur. Le nombre de manifestant augmentait de minute en minute. Tout le monde avait l'impression de revivre la manifestation monstre du 15 Juin 2010 (où plus de 3 millions de manifestants avaient défilé dans les rues de Téhéran 3 jours après l'élection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad). Mais soudain, le forces de l'ordre et les unités spéciales ont donné l’assaut. les manifestants qui jusque là voulaient rester silencieux et essayaient de ne pas scander de slogans provocateurs, se sont mis à crier des slogans hostiles au régime. Les forces de l'ordre paraissaient désemparées. Elles ne savaient pas si elles devaient attaquer ou juste contrôler. Les portables étaient coupés. La violence des forces de l'ordre augmentait progressivement. En réponse, les manifestants scandaient "Mort aux Dictateurs", "Mort à Khamenei" et tentaient de se protéger en attaquant leurs agresseurs parfois avec des pierres. Ce qui était étonnant lors de cette manifestation était l'absence des forces habillées en civils et des forces de Basij. Mais en début de soirée, le régime a dû faire appel aux Basijis pour maintenir l'ordre. Il y avait de blessés. J'ai vu un manifestant de 23-24 ans blessé gravement à la tête. Les gens donnaient leurs mouchoirs et écharpes pour panser ses plaies. Les femmes qui étaient une nouvelle fois aux avant-postes, tentaient en général d'éviter que le niveau de violence n'augmente. Les magasins et les maisons étaient devenus des refuges pour les manifestants. Les manifestants se réfugiaient aussi dans les bus de transport public mais les forces de l'ordre lançaient des gaz lacrymogènes même à l'intérieur des bus. Les manifestants incendiaient des poubelles et créaient des barricades, scandaient des slogans : "Mort à Khamenei", "Mort aux Dictateurs", "Indépendance, Liberté, République Iranienne (au lieu de "Islamique"), "Mubarak, Ben-Ali, c'est au tour de Seyyed-Ali (Khamenei)" - source
"Mubarak, Ben-Ali, c'est au tour de Seyyed-Ali (Khamenei)
  • Ardeshir Amir-Arjomand, l'un des principaux conseillers de Mir Hossein Mousavi, a qualifié cette journée d'une "grande victoire inattendue". "Nous voulions une réaction populaire et pacifique et démonter que malgré tout ce que l'on a pu dire, ce mouvement était bien vivant". "Si le gouvernement faisait son devoir et autorisait cette manifestation, nous aurions plusieurs millions de manifestants à Téhéran et dans les villes de province". "Pendant les 48 heures précédant la manifestation, Mousavi et Karoubi étaient littéralement coupés du monde. Mousavi et son épouse Zahra Rahnavard ont essayé à trois reprises de se joindre aux manifestants, sans succès". Les domiciles de Mohammad Khatami (ancien président) et d'Abdollah Nouri (ancien vice président) étaient aussi encerclés afin de les empêcher de joindre les manifestants. source.
  • Ardeshir Amir-Arjomand, conseiller de Mir Hossein Mousavi"Ces messieurs ne semblent pas avoir tiré les leçons de ce qu'ils ont fait l'an passé et des évènements récents dans la région". "Il me semble que le pouvoir s'est fondamentalement engagé sur une voie sans issue, sur les plans théorique et opérationnel". "Nous devons analyser ce qui s'est passé aujourd'hui et réfléchir à notre tactique pour les futures actions. Notre démarche a été la bonne jusqu'à présent. Nous fondons notre action sur une lutte sans violence. Nous pensons que notre tactique a donné de bons résultats". "Nous espérons que le pouvoir sera suffisamment sage pour éviter de promouvoir une violence aveugle en Iran. Nous rejetons la violence. Nous pensons au contraire que les problèmes de notre pays doivent être traités dans un climat de sérénité et de calme, dans le respect des droits de nos concitoyens. Si le régime ne retrouve pas la raison, le pays en subira les conséquences. source
  • Les forces de l'ordre ont violemment agressé les étudiants de l'Université Amir-Kabir. "Ils ont littéralement décimé les étudiants", raconte un témoin étudiant. "Ils ont tellement menotté les étudiants qu'ils n'avaient plus de menottes et ont dû utiliser des ceintures".
  • Coupure d’électricité totale vers les quartiers entourant les places Azadi et Enghelab depuis 19h.
  • Des heurts ont été signalés jusqu'à 22:30 sur la place Imam Hossein. Les unités des forces spéciales ont brisé les fenêtres des magasins qui étaient restés ouverts et détruit des bien publics. 
  • Le nombre de manifestants à Shiraz était très important. Jusqu'à 23:30, de très nombreux manifestants scandaient "Mort à Khamenei", "Mort aux Dictateurs". Ils se proposaient de manifester jours et nuits et ne pas quitter les rues. Les forces de l'ordre ont tiré des gaz lacrymogènes et des manifestants ont été arrêtés. Elles ont frappé violemment les manifestants et certains affirmaient même qu'il y avait des blessés par balle. source.

  • Amnistie Internationale accuse le gouvernement iranien pour la violence exercée contre les manifestants pacifiques. Un des responsable de l'Amnistie: "Le peuple iranien a le droit de manifester pacifiquement pour témoigner son soutien aux peuples tunisiens et égyptiens".
  • Vidéo d'un manifestant gravement blessé

  • Dans cette ambiance chaotique à Téhéran, le président turque Abdullah Gül a entamé une visite d'Etat en Iran. Certains blogs affirmaient que la relative absence de réaction de la part des forces de l'ordre au début de la manifestation était liée à la volonté du pouvoir de ne pas envenimer la situation en présence du président turque. L'absence des milices de Basij ainsi que des agents habillés en civils et armés de bâtons étaient aussi remarquable. Les services de sécurité ont dû totalement modifier le protocole et demander à Ahmadinejad de recevoir le président turque dans un bâtiment du Ministère des Affaires Etrangères (au lieu du Palais présidentiel). Gül n'a pas manqué d'inviter "les gouvernements à entendre la voix des peuples"!! Demain mardi, Gül devrait se rendre à Isfahan (déplacement annoncé par le site Fars News, proche du régime).
  • 16:50: Les téléphones portables étaient totalement coupés entre les place Enghelab et Azadi. Les forces de l'ordre ne laissaient même pas les manifestants de s'approcher des kiosques téléphoniques en les frappant. 
  • 17h: les unités spéciales frappent les manifestants, utilisent massivement des gaz lacrymogènes et procèdent à des tirs de sommation pour disperser le grand nombre de manifestants.
  • 17:30: De 500 à 600 policiers ont attaqué les manifestants. Parallèlement, des miliciens habillés en civils se sont mis à frapper les manifestants également pour les disperser. Les habitants du quartier jetaient des journaux sur les trottoirs pour que les manifestants puissent les brûler et se protéger des gaz lacrymogènes. Certains manifestants se sont réfugiés dans les bus. Plusieurs témoins décrivent le manque de préparation et d'organisation des forces de l'ordre. Le régime ne s'attendant visiblement pas à une telle participation. 
  • La secrétaire d'Etat américain, Hillary Clinton, a rendu hommage au courage des manifestants iraniens et affirmé le soutien des Etats-Unis. Clinton a ajouté que "le régime iranien est une dictature militaire qui, sous la bannière de la religion, ignore totalement les droits les plus fondamentaux de son peuple". Ce qui s'est passé aujourd'hui en Iran démontre l'hypocrisie du régime iranien qui n'a pas arrêté de se féliciter des évènements de ces 3 dernières semaines en Egypte".  source.    
Compilation des vidéos de la journée


Revue de Presse:

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