dimanche 4 décembre 2011

La dernière solution - Mehrangiz Kar – 20 Octobre 2011


Chacun de nous, sous différents prétextes, s’est exprimé à de nombreuses reprises sur les obstacles politiques structurels de la république islamique d’Iran et les faiblesses de la constitution actuelle pour atteindre un certain niveau de démocratie et de respect des droits humains. Nous avons payé le prix, souvent élevé, pour avoir exprimé nos inquiétudes et pour avoir dévoilé les problèmes structurels du système. 

Mais aujourd’hui, nous voyons le guide suprême parler d’obstacles structurels en république islamique. Parlant à un groupe d’officiels et d’étudiants de l’université de Kermanshah, l’ayatollah Khamenei a fait exactement la même chose et a même dit que la structure politique du pays pouvait être changée. Même si ces remarques n’étaient que des généralités, même si elles étaient, au mieux, ambiguës, elles ont immédiatement provoqué des discussions et pris la première place dans les nouvelles en provenance d’Iran. L’ayatollah Khameini a dit : « Actuellement, la forme politique du pays est une présidence où le chef de l’exécutif est élu au suffrage universel direct, ce qui est un mécanisme bon et efficace, mais, dans un futur plus lointain, le système parlementaire est un meilleur moyen d’élire les autorités de l’exécutif ; ce n’est pas un problème de changer l’ordre existant. » Pour se protéger et légitimer les changements possibles, il a rappelé au public que l’ayatollah Khomeiny, durant sa vie, avait ordonné la disparition du poste de premier ministre de l’exécutif pour changer la structure générale de l’état, afin d’atteindre les idéaux et les principes de la révolution. Et même s’il n’a pas évoqué directement l’élimination du poste de président de la constitution, cette interprétation s’est faite jour, suite à ses remarques.

Mais la question qu’il faut se poser est : Quel idéal ou quel principe de la révolution Khamenei a-t-il en tête pour demander un changement de nature républicaine du régime. Les droits humains et les « idéaux » de la démocratie sont-ils les problèmes qui le préoccupent ou faut-il chercher ailleurs ? En passant en revue les évènements depuis la période de la réforme, on se rend compte que le président réformiste de l’époque avait, à sa façon, défié l’autorité absolue du chef suprême. Et plus récemment, le président principaliste a fait exactement la même chose, à sa façon. Les deux présidents ont servi de vecteurs pour :

1. Un peuple mécontent descendu dans la rue pour exprimer son opposition
2. Des officiels élus et nommés pour s’opposer les uns aux autres
3. La transformation de la crise politique en problème des droits humains écornant ainsi l’image du régime au niveau global

Le chef de l’Iran et ses conseillers en sont arrivés à la conclusion que tout le problème vient de la seule autorité élue de l’exécutif, c’est-à-dire le président. L’élimination de la position ne mettrait pas en danger l’autorité absolue et lui procurerait même quelque soulagement. Sans président, le peuple n’aurait aucune excuse pour descendre dans la rue. Sans président, l’exécutif, qui se composerait probablement d’un premier ministre et de son cabinet, émanerait du parlement pour avoir les qualifications nécessaires. Mais de nouveau, de quel parlement parlons-nous ? N’oublions pas qu’il s’agit du parlement dont toutes les candidatures ont été examinées par six religieux directement nommés par le chef suprême pour siéger au conseil des gardiens et qui lui sont totalement asservis.

S’il un tel changement constitutionnel a lieu, voici ce qui en résultera :

1. Le régime sera débarrassé des élections propres à susciter les crises. Il ne sera plus nécessaire de mettre en place diverses machinations pour attirer le public dans les isoloirs pour pouvoir se targuer d’une participation massive et pouvoir ainsi montrer au monde entier un signe de légitimité du régime, sans parler de ce qui suit cette participation massive : la répression de ses sources.
2. Plus besoin de fraude électorale ; on évite ainsi de répéter ce qui a suivi les élections du 12 juin 2009. Les manifestants ne seraient plus tués dans des endroits comme la prison de Kahrizak à cause d’une bousculade et le public ignorerait la présence d’autres prisons notoires.
3. La société civile serait organisée par l’état. D’un côté, le parlement et l’exécutif de l’autre.
4. Personne ne parlerait plus d’un régime double ou parallèle, des discussions dangereuses dans tous les cas. La souveraineté serait uniforme.

Ces mesures et changements structurels, dont les détails nous restent inconnus, vont-ils renforcer les idéaux et les principes du second chef de la république islamique et minimiser le prix qu’il devra payer ? L’élimination de la présidence, de la manière dont nous la comprenons, n’est-elle pas le coup d’état même dont le régime accuse ses opposants ? Ce coup d’état créera une dictature rationalisée, dotée d’une structure et d’une organisation uniforme qui se débarrassera des conflits, des inspections, de la concurrence, etc… qui se font jour parmi les institutions politiques de l’état.

En supposant qu’il s’agisse du plan à mettre en œuvre, le problème le plus important en Iran actuellement, problème qui est même évoqué par les cercles les plus étroits du système, rien d’autre que l’élargissement des libertés et des droits, ne sera  pas minimisé mais au contraire exacerbé. La nation, sur laquelle le shah régnait au lieu de gouverner constitutionnellement, a été fondamentalement transformée. Le pays dans lequel le roi présentait son premier ministre au parlement pour qu’il l’approuve, et dans lequel le parlement n’avait pas le courage de rejeter la proposition, a été complètement bouleversé. Les éléments traditionnels qui avaient dominé la société au détriment des modernistes sont désormais affaiblis. En conséquence, les remarques récentes de l’ayatollah Khamenei ont suscité l’inquiétude des Iraniens. Ces évènements font écho à des slogans plus anciens : le shah ne peut pas faire un coup d’état. Le shah n’utilise pas l’épée contre la constitution qui est le fondement de son autorité. Un souvenir des jours où Mozafaredin Shah voulait effacer le peuple de son pays.

Peut-être s’agit-il d’un jugement hâtif. Mais il ne fait aucun doute que le chef veuille changer la structure politique du régime.  Il veut éliminer le poste de président. Mais par quel mécanisme légal ? C’est une question importante à se poser. La constitution ne permet pas un tel changement. L’article 177 reconnaît le droit à une révision du document mais souligne également que la nature républicaine du régime et la loi des religieux (velayate amr), entre autres, ne peuvent être changées.

La dernière fois que la constitution a été amendée sur ordre du chef suprême précédent, le règne des religieux, avec un accent sur sa nature absolue, a été renforcé. L’aspect dictatorial de l’état a été renforcé par l’élimination du poste de premier ministre, même si la nature républicaine du régime a survécu. Aujourd’hui, il semble qu’un nouveau coup d’état soit en route et que les conservateurs et leurs alliés soient fatigués des manifestations populaires dans les rues. La répression brutale et violente du peuple n’a pas produit les effets désirés, du point de vue de l’état. Ils veulent réduire les coûts de leur gouvernance. Ils ont peur des élections. Ils ont peur du peuple. Ils considèrent même les élections, dirigées par leur propre conseil des gardiens, comme du poil à gratter.

Un coup d’état est en route et, cette fois-ci, c’est le régime lui-même qui l’orchestre. Le peuple iranien désire une constitution basée sur la déclaration universelle des droits humains alors que le régime s’efforce de réduire encore les maigres éléments de républicanisme du système.

Source : http://www.roozonline.com/english/opinion/opinion-article/archive/2011/october/20/article/the-last-solution.html

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