samedi 14 juillet 2012

Appels à une intervention militaire étrangère - Massoud Behnoud


Appels à une intervention militaire étrangère - Massoud Behnoud - 2 juillet 2012

Durant ces deux derniers mois, même si les discussions sur le programme nucléaire iranien ont repris entre les représentants des pays du P5+1 et l’Iran, trois dissidents iraniens de premier plan ont été invités par deux gouvernements européens pour rencontrer séparément les ministres des affaires étrangères d’un gouvernement européen et le chef de l’opposition. Le sujet de la discussion était de savoir ce que feraient les trois opposants si l’occident lançait une attaque militaire contre la république islamique. Tous trois ont répondu qu’ils s’opposaient à une attaque militaire contre l’Iran et ont dit que si cela devait arriver, ils rentreraient dans leur pays pour se joindre au peuple d’Iran pour déterminer leur sort.

La question suivante, posée par les Européens, était le pourcentage de population urbaine en Iran favorable à une telle attaque qui pourrait mener à la chute de la république islamique. D’après les rapports, tous les trois, avec quelques petites différences, ont dit que la plus grande partie de la population urbaine iranienne y était opposée et que leur opposition était déterminée.

Apparemment, les réponses des Iraniens, lors des deux sessions, ont surpris leurs hôtes qui ont alors demandé comment il se faisait qu’une telle opposition n’était pas apparue en Afghanistan, en Irak ou en Lybie. D’après ce qu’ont dit les représentants européens, l’opposition en exil de ces trois pays avait accueilli favorablement l’intervention des Etats-Unis, de l’Europe et de l’OTAN, y avait coopéré et s’en était servi pour libérer leur pays. Alors, ils ont demandé pourquoi les groupes iraniens d’opposition ne voulaient-ils pas faire un tel investissement, ajoutant qu’ils craignaient peut-être l’échec de ces opérations, ce qui leur coûterait beaucoup.

Une histoire de xénophobie

Les différences des points de vue, politique, historique et social et leurs raisons entre les Iraniens et leurs voisins, voilà un sujet sur lequel on a beaucoup discuté et écrit. Les expériences et les évènements récents s’y ajoutent. Les pays qui ont réussi, durant cette décennie, à se libérer de leurs régimes autocratiques semblent être très différents de l’Iran. Les peuples des pays qui étaient dirigés par le Mollah Omar, Saddam et Kadhafi n’avaient aucune réserve à faire appel à l’aide étrangère ou à monter sur des tanks étrangers pour retourner chez eux. Ils ont ainsi réussi à apporter des changements majeurs dans leurs pays et, en général, à se libérer de leurs régimes autocratiques, violents et répressifs. Mais il semble que, même le succès de leur libération n’a pas incité les Iraniens à agir de même.

La cause de cette différence tient-elle dans l’histoire et dans une unité historique ? Un pays qui se targue d’une civilisation qui dure depuis des millénaires est certainement différent de ceux qui ont été créés au vingtième siècle. Le premier possède une littérature et une histoire qui ont toujours méprisé la coopération avec les étrangers, tandis que les derniers n’ont pas ce problème. On ne peut prétendre que la littérature et l’histoire ne jouent qu’un petit rôle dans la vie des peuples.

Est-ce à cause des mouvements historiques du peuple et de ses efforts pour lutter pour la liberté qu’un tel point de vue voit le jour ? En d’autres termes, une nation comme l’Iran, qui a réussi, il y a 150 ans, par la première révolution du Moyen-Orient, à limiter les pouvoirs de son dirigeant, à une époque où seulement la moitié des Européens avaient des gouvernements démocratiques, se comporte-t-elle de la même manière que des peuples qui n’ont rien connu d’autre que la dictature depuis la naissance de leur nation ?

Lors de ces dernière 150 années, le peuple iranien a lancé une révolution constitutionnelle, été témoin d’un mouvement d’opposition durant une dictature mineure, la démocratie et le chaos sous le règne d’Ahmad Shah, la dictature constructive de Reza Shah, les réformes qui ont suivi la seconde guerre mondiale, le mouvement de nationalisation de son pétrole, la dictature moderne de Mohammad-Reza Shah, la révolution qui a apporté la république islamique, le mouvement réformiste du 2 khordad (lancé en 1997) et finalement le Mouvement Vert pour obtenir et instituer des élections libres. Durant toute son histoire, son but et son slogan a été l’opposition à l’autocratie et aux interventions étrangères. Cela est différent des pays dont l’acte de naissance a été signé par une personne dont le fils ou le petit-fils dirige encore le territoire aujourd’hui.

C’est à cause de cette histoire que, jusqu’à ce jour, l’accusation la plus forte et la plus répandue contre les dissidents iraniens est l’allégation, par ceux qui sont au pouvoir en Iran, que les dissidents sont affiliés aux étrangers. De la même façon, la faiblesse la plus puissante invoquée par l’opposition contre un régime ou un gouvernement, est qu’il a rendu le pays plus dépendant de l’étranger sous son autorité. Quand on fait de tels constats et allégations, le dossier du plaignant ne joue aucun rôle. Mahmoud Ahmadinad a surpassé les religieux depuis deux décennies en lançant des cris xénophobes ; il a braqué le monde entier contre lui, ce qui lui a apporté le soutien des peuples défavorisés de la région ; il a détruit la production nationale ; il continue d’apparaître comme le chef de l’anti-américanisme et a, en pratique , changé l’Iran en colonie politique de la Russie et économique de la Chine ; comment ses slogans peuvent-ils être pris au sérieux ?

Quand on a dit au dernier monarque iranien, qui était un allié des Etats-Unis et de l’occident, ce qui était patent pour tous, que le ministre des sciences de son cabinet avait une Green Card américaine, il a ordonné qu’on le démette de ses fonctions et n’a prêté aucune attention aux explications du professeur Samii : il avait pris une Green Card pour éviter les longues files d’attente à chaque fois qu’il voulait retourner dans l’université américaine où il avait étudié. Mais Ahmadinejad, considéré par les défavorisés comme un héros de la lutte contre les Etats-Unis et Israël, a deux ministres de son cabinet et sept conseillers qui ont la nationalité américaine ou européenne. Plus récemment, il a choisi comme président de la banque Melli un citoyen canadien.

Quand Nasser-el-Din Sahh, qui a dirigé l’Iran pendant 50 ans et n’a jamais prétendu être un nationaliste ou un xénophobe, a été obligé d’accepter très jeune Mirza Agha Khan Nouri comme premier ministre, il a mis une condition à sa nomination : le premier ministre devait déchirer son passeport britannique avant que le roi ne signe le décret de nomination. 

De la même façon, si nous considérons la deuxième guerre mondiale, les deux rois Pahlavi ont, à tort ou à raison, ont été accusés d’avoir été portés au pouvoir avec l’aide de l’étranger, plus particulièrement de la Grande Bretagne ; si nous considérons les deux coups d’état du 3 esfand (21 février 1921), qui a porté Reza Shah au pouvoir, et du 28 mordad (19 août 1953), qui a remis Mohammad Reza Shah sur le trône et les évènements du 20 Shahrivar (11 septembre 2009), lorsque la république islamique a violemment réprimé les manifestations populaires contre les élections truquées, il devient évident que lorsque les conditions étaient réunies pour défier les puissances étrangères, ces dirigeants n’ont rien fait de moins que ceux qui ont méprisé les allégations d’être non-alignés ; d’après une théorie historique, Reza Shah et son fils ont précipité leur chute en tentant de laver leur nom de la honte en se livrant à des actions extrêmement xénophobes.

Si des rois, accusés d'être dépendants de l’occident, se sont conduits de cette manière, qu’espérer de militants politiques aspirant à la liberté pour leur pays, aux votes de leurs concitoyens qui présentent ces caractéristiques et qui abandonnent leurs rêves et leur idéalisme pour une poignée de grain et ajoutent ainsi plus de péchés à leurs péchés préexistants sans justification ?

Exemples Historiques

Si nous acceptons que le despotisme et l’impérialisme soient les deux forces motrices qui motivent les peuples épris de liberté à se soulever et à agir, il faut quand même noter que des héros iraniens de premier plan comme le Docteur Mossadegh ont gagné leur réputation parce qu’ils ont récusé les puissances étrangères.

Amir Kabir, premier ministre du 19ème siècle a accepté la mort plutôt que de trouver refuge dans une ambassade étrangère et a déclaré, comme attesté par l’histoire : « Je veux que les drapeaux de sept pays étrangers se soumettent au drapeau iranien, comment pourrais-je mettre le drapeau d’un pays étranger sur mon toit ? » J’ai entendu le Docteur Shariati dire que les rois Pahlavi auraient un sort différent des autres rois parce que les autres rois étaient arrivés au pouvoir en luttant contre des pays étrangers et pour défendre leur patrie tandis que Reza Shah n’a non seulement jamais fait la guerre aux étrangers mais on sait qu’il a accédé au trône en raison des désirs des britanniques.

L’acte le plus honteux de l’histoire, c’est le moment où Mohammad-Ali Shah s’est réfugié à l’ambassade de Russie par peur des révolutionnaires.

Reza Shah a développé le pays de milliers de façons tandis qu’Ahmad Shah n’a rien laissé derrière lui, mais quand les alliés l’ont fait prisonnier, on distribuait des sucreries et des pâtisseries dans les rues. 16 ans auparavant, dans les mêmes circonstances, les mêmes scandaient des slogans en faveur d’Ahmad Shah et pour déplorer son absence. Le premier roi est, à tort ou a raison, accusé d’être arrivé au pouvoir sur les recommandations du général Ironside tandis que l’autre est connu, à tort ou à raison pour s’être élevé contre les transgressions du gouvernement britannique et n’a pas signé l’accord de 1919 qui partageait l’Iran. Mon professeur, Sheikh-ol-Islam avait l’habitude de dire que ce n’est pas ainsi que les choses s’étaient passées, mais que puis-je faire puisque c’est ce que le peuple en est arrivé à penser.

On pourrait citer des dizaines d’exemples similaires. Je suspecte que l’argument que les temps ont changé et que la tradition de recherche de l’indépendance et de lutte contre l’étranger n’a plus cours, comme l’écrivait l’un de mes respectés professeur en sciences politiques, ne peut annihiler toutes les autres preuves du contraire et ne peut pas faire bouger cette société imprégnée de traditions.

C’est pour cela que je pense que ceux qui écrivent pour inviter les Américains à intervenir militairement en Iran, quelle que soit la forme de l’écrit, s’y efforcent en vain. Il est peut-être possible d’en dire autant de ceux qui écrivent le contraire, je veux dire que ceux qui écrivent des articles féroces contre l’intervention militaire des Etats-Unis perdent également leur temps.
Quand la situation internationale est aussi menaçante qu’aujourd’hui et que les médias sont tellement plein de conjectures, on attend des groupes politiques et des partis qu’ils exposent leurs politiques ouvertement. Personne n’attend de ces rédacteurs dont les points de vue ne sont pas partagés ni même pris en considération en Iran, dont les jugements ne poussent personne à la guerre ou à la paix qui continuent à exprimer leurs points de vue. Je pense que ces écrits héroïques n’ont d’autre impact que de représenter le patriotisme des rédacteurs devant un tribunal de fantaisie.

Absence de la personne

Il faut rappeler à ceux qui s’opposent à une action militaire en Iran qu’à ce jour, aucun groupe politique n’a soutenu une frappe militaire contre l’Iran, pas même le seul groupe armé opposé à la république islamique qui avait une base militaire en Irak et dont les représentants sont en train d’errer dans les palais gouvernementaux et les parlements du monde pour tenter de se trouver des amis. Les monarchistes ont rejeté une telle politique. Et les supporters de la république ont également exprimé leur condamnation de toute forme d’attaque étrangère.

Il ne reste que quelques écrivains exilés et affligés qui utilisent la liberté à eux octroyée par leurs pays d’accueil pour écrire leurs opinions. Il semble qu’ils prennent en exemple la deuxième guerre mondiale, quand les attaques militaires des alliés ont fini par changer la vie des gens de ces pays. Ils soutiennent que les Iraniens ne devraient pas se comparer à l’Afghanistan, l’Irak ou la Lybie mais à l’Allemagne ou au Japon.

Il semble que le débat sur les pour et les contre d’une attaque militaire devrait être abandonné ; il faudrait plutôt chercher à savoir si un quelconque politicien de premier plan a informé les Américains ou les Européens qu’il est prêt à jouer le rôle de Hamid Karzaï en Iran. Je ne pense pas que ce soit le cas pour l’instant. Au lieu de ça, lors des rencontres entre les Iraniens et les gouvernements ou les autorités parlementaires étrangères, il semble que plusieurs personnes ont annoncé qu’ils étaient prêts à jouer le rôle de l’ayatollah Khomeini en 1979, de Jalal Talebani en Irak, ou de Morsi ou d’Ahmad Shafigh en Egypte aujourd’hui.

Les partis étrangers qui négocient savent très bien que la condition préalable pour jouer un tel rôle est d’avoir suffisamment de partisans pour remplir les rues, ce que l’on n’a pas vu ces dernières années. Quand cela est arrivé en 2009, quand les manifestants sont descendu dans la rue pour protester contre l’annonce des résultats officiels de la dernière élection présidentielle en Iran, nul ne voulait assumer un rôle plus important que celui de président de la république islamique.

Source : http://www.roozonline.com/english/opinion/opinion-article/archive/2012/july/02/article/calls-for-foreign-military-intervention.html

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire