Aux états membres de l’assemblée générale de l’ONU,
Votre excellence,
Nous soussignées, organisations des droits humains et de la société civile, vous écrivons pour demander instamment à votre gouvernement de voter en faveur de la résolution A/C.3/69/L.33 sur la promotion et la protection des droits humains en république islamique d’Iran. Ce vote aura lieu durant la 69ème session de l’assemblée générale des Nations Unies, prévue lors du troisième comité le mardi 18 novembre 2014.
Cette résolution offre une excellente opportunité pour rappeler les inquiétudes actuelles sur les droits humains identifiées par les membres de la communauté internationale et la société civile iranienne. 16 mois après l’entrée en fonction du président Hassan Rouhani, qui a gagné l’élection après avoir promis d’améliorer la situation des droits humains, ceux qui vivent en Iran continuent de souffrir de violations de leurs droits par les autorités. En fait, durant le mois précédant la revue périodique universelle de l’Iran (UPR) au conseil des droits humains à l’ONU, plusieurs états membres ont exprimé leur consternation devant le manque de progrès durant ces quatre dernières années, y compris sur beaucoup des recommandations que l’Iran a accepté durant le dernier cycle d’UPR en 2010.
Les violations des droits humains sont profondément enracinées dans les lois et les politiques d’Iran, ce qui crée de sérieux obstacles aux réformes nécessaires. Le 28 octobre 2014, le rapporteur spécial sur la situation des droits humains en république islamique d’Iran, le Docteur Ahmed Shaheed, a relaté que la situation des droits humains en Iran « continuait à susciter de l’inquiétude » et a détaillé les violations des droits à la vie, à être libéré de la torture et de la discrimination basée sur le sexe, la religion et l’ethnie, les droits à l’éducation, à la santé, à un procès équitable, la liberté d’expression, d’association, d’assemblée, de religion et de foi, ainsi que les limites imposées à la presse. En dépit de son invitation de 2005 aux procédures spéciales des Nations Unies, l’Iran n’est toujours pas désireux d’accepter les multiples demandes de visite. De plus, les autorités ont systématiquement travaillé à saper les efforts de la société civile du pays pour promouvoir et protéger les normes internationales des droits humains.
L’attention continue de la communauté internationale est nécessaire si la république islamique d’Iran doit mettre fin à ces violations et à son manque de coopération. Les états membres de l’ONU doivent continuer à exprimer leur inquiétude à propos de ces violations. Ce faisant, les états membres soutiennent la société civile ainsi que ceux qui, au sein du gouvernement iranien, désirent des améliorations dans la situation des droits humains. En votant pour la résolution, les états encourageront le gouvernement iranien à donner la priorité aux droits humains et à promouvoir et à protéger les droits de la population iranienne.
Depuis le début de l’année, l’Iran a exécuté au moins 600 personnes. Ce chiffre inclut des mineurs et des individus qui ont pu être exécutés pour avoir pacifiquement exercé leurs droits dont le droit à la liberté d’opinion, d’association et d’assemblée. La peine de mort est souvent appliquée en Iran en désaccord avec les sauvegardes prescrites internationalement. Les autorités ont exécuté Reyhaneh Djabbari le 25 octobre 2014 malgré les appels répétés des mécanismes des droits humains de l’ONU, dont le bureau du haut-commissaire aux droits humains de surseoir à l’exécution, sans prendre en compte que l’instruction ne respectait pas les normes internationales d’un procès équitable. De plus, la grande majorité des exécutions en Iran est mise en œuvre pour des délits, comme les délits liés à la drogue, qui ne répondent pas aux critères de « crimes les plus sérieux ». La loi iranienne impose la peine de mort pour des relations sexuelles librement consenties entre adultes, comme l’adultère et les relations homosexuelles, et pour des crimes financiers. L’Iran continue d’exécuter en public malgré les appels du secrétaire général de l’ONU adressé aux autorités à mettre fin à cette pratique.
Les exécutions pour atteintes à la sécurité nationale, qui peuvent avoir des motifs politiques, semblent être mises en œuvre de façon disproportionnée contre les membres des communautés ethniques iraniennes dont les Arabes d’Ahvaz, les Kurdes et les baloutches. Les groupes de défense des droits humains s’inquiètent de la situation de 33 Kurdes sunnites, détenus pour la plupart à la prison Radjaï Shahr de Karaj qui risquent une exécution à tout moment. Ces hommes ont été condamnés à mort suite à des procès grossièrement injustes ; les garanties de base, comme le droit à la défense, n’ont pas été respectées, en contradiction avec les normes internationales d’un procès équitable.
Le rapporteur spécial et les organisations des droits humains continuent à exprimer leur profonde inquiétude pour le nombre de militants, de journalistes, de défenseurs des droits humains, de féministes, de syndicalistes, d’étudiants et de membres des minorités ethniques et religieuses actuellement en détention arbitraire. Les prisonniers iraniens risquent toujours la torture ou d’autres mauvais traitements, dont la détention prolongée à l’isolement et le refus de traitement médical. On leur refuse régulièrement l’accès à un avocat ou à des procès équitables. Beaucoup de détenus sont poursuivis sous des accusations vagues d’atteintes à la sécurité nationale, qui sont régulièrement utilisées pour réduire au silence l’expression pacifique, les associations, les assemblées et les autorités religieuses. En juillet 2014 par exemple, la journaliste Sadjedeh Arabsorkhi a commencé à purger sa peine d’un an d’emprisonnement pour « propagande contre le système. » Il semble que cette accusation est liée aux lettres ouvertes adressées à son père Feyzollah Arabsorkhi, ancien secrétaire d’état au commerce et membre influent d’un parti politique réformateur à l’époque de son emprisonnement.
La discrimination systématique des femmes tant par la loi qu’en pratique mérite aussi que l’on s’y intéresse. Ces dernières années, les autorités ont de plus en plus mis en place des mesures discriminatoires visant à réduire l’accès des femmes à l’éducation supérieure, comme les quotas basés sur le sexe, et ont adopté de nouvelles politiques de contrôle des naissances qui ont pour résultat un accès réduit à la santé sexuelle et aux programmes de planning familial. Les autorités continuent de persécuter ceux qui protestent contre les lois et pratiques discriminatoires, souvent en les accusant de vagues délits contre la sécurité nationale. Ce mois-ci, par exemple, Ghoncheh Ghavami a appris sa condamnation à un an de prison et à deux ans d’interdiction de sortie du territoire par un tribunal de Téhéran pour « propagande contre le système. » Elle a été arrêtée pour avoir protesté contre l’interdiction faite aux femmes d’assister aux matchs dans les stades pendant un matche de l’équipe nationale iranienne de volley-ball.
Cette résolution sur la promotion et la protection des droits humains en Iran lors de la 69ème assemblée générale de l’ONU est une opportunité en or pour que la communauté internationale puisse exprimer son inquiétude sur les droits humains. La résolution accueille favorablement les récentes déclarations positives des officiels iraniens tout en attirant l’attention sur la large gamme des violations. De plus, la résolution appelle les autorités à coopérer avec les procédures spéciales de l’ONU dont le rapporteur spécial sur la situation des droits humains en république islamique d’Iran.
Les vraies mesures du progrès sont une coopération substantielle avec les mécanismes de l’ONU et des améliorations sensibles sur les obligations légales internationales de l’Iran. En votant en faveur de cette résolution le 18 novembre, l’assemblée générale de l’ONU enverra un signal fort au gouvernement et aux Iraniens : le monde se préoccupe de réelles améliorations des droits humains dans le pays.
Nous prions votre excellence de croire à l’expression de nos respectueuses salutations.
- Roya Boroumand, directrice de la Fondation Abdorrahman Boroumand
- Hannah Forster, directrice du Centre Africain pour les Etudes sur la Démocratie et les Droits humains
- Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe des programmes Moyen-Orient et Afrique du Nord, Amnesty International
- Kamran Ashtari, directeur d’Arseh Sevom
- Thomas Hughes, directeur d’Article 19
- Moon Jeong Ho, Commission Asiatique sur les Droits Humains
- Alireza Ghouloucou, Association pour la Défense des Prisonniers Politiques Azeris en Iran
- Teymour Aliassi, représentant de l’ONU, Association pour les Droits Humains au Kurdistan d’Iran – Genève (KMMK-G)
- Mansour Bibak, codirecteur, Groupe pour les Droits Humains au Baloutchistan
- Docteur Shirine Eabadi, fondatrice et présidente, Centre des Défenseurs des Droits Humains
- Renate D. Bloem, représentant de l’ONU Civicus
- Comité de direction Comité des Reporters des Droits Humains
- Joël Simon, directeur, Comité de Protection des Journalistes
- Lucia Nader, directrice, Conectas Direitos Humanos
- Raphaël Chenuil-Hazan, directeur, Ensemble contre la Peine de Mort
- Michelle Kissenkoetter, directrice de bureau Asie Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH)
- Sarah Leah Whitson, directrice de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord, Human Rights Watch
- Mani Mostofi, directeur, Impact Iran
- Hadi Ghaemi, directeur, International Campaign for Human Rights in Iran
- Jessica Stern, directrice International Gay and Lesbian Human Rights Commission
- Phil Lynch, directeur International Service for Human Rights
- Mahmoud Amiry-Moghaddam, directeur Iran Human Rights
- Rod Sandjabi, directeur Iran Human Rights Documentation Center
- Saghi Ghahraman, présidente Iranian Queer Organization (IRQO)
- Mehrangiz Kar, présidente Siamak Pourzand Foundation
- Mahmoud Enayat, directeur Small Media
- Itoro Eze-Anaba, Partnership for Justice
- Hassan Nayeb Hashem, représentant au conseil des droits de l’homme de Genève Südwind: All Human Rights for All in Iran
- Firouzeh Mahmoudi, directrice United for Iran
- Mohammad Mostafaei, directeur Universal Tolerance Organization
Source : http://www.iranhrdc.org/english/news/press-statements/1000000549-joint-letter-from-thirty-human-rights-and-civil-society-organizations-supporting-un-general-assembly-resolution-on-promotion-and-protection-of-human-rights-in-iran.html?utm_content=buffercce02&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer
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