dimanche 19 juin 2011

Alain Juppé: La France n'oublie pas l'Iran

Il y a deux ans, dans un mouvement de contestation sans précédent, des millions d'Iraniens exprimaient avec courage et espoir des aspirations très similaires à celles que chacun regarde avec admiration aujourd'hui se développer dans le monde arabe : des aspirations simples, irrépressibles et universelles à la liberté, à la justice et à la dignité.

Depuis, malheureusement, l'Iran s'est orienté vers une tout autre voie, une voie sans issue. Celle de la répression et de l'autoritarisme, celle du repli sur soi et de l'isolement. Autrement dit celle qui est rejetée par toute la jeunesse de la région.

N'oublions donc pas l'Iran. Depuis deux ans, la situation des droits de l'homme ne cesse de s'y dégrader, comme en témoigne la multiplication des informations qui nous parviennent sur les arrestations à grande échelle, les mauvais traitements et les tortures subis par les détenus, le caractère arbitraire des peines prononcées et la multiplication des exécutions capitales qui s'élèvent déjà à plus de trois cents depuis le début de l'année.

N'oublions pas l'Iran, où les atteintes à la liberté d'information et d'expression sont devenues systématiques, avec le contrôle et la censure d'Internet, les arrestations de journalistes et la condamnation à l'emprisonnement de personnalités engagés, tels que le cinéaste Jafar Panahi, condamné à six ans de prison et à vingt ans d'interdiction d'exercice de son activité de création, ou l'avocate Nasrin Sotoudeh qui purge une peine de prison de onze ans.

N'oublions pas l'Iran, où les autorités iraniennes refusent à leur population le droit de manifester pacifiquement et où les responsables de mouvements d'opposition, Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, l'un ancien premier ministre, l'autre ancien président du Parlement, sont maintenus à l'isolement, au mépris de la loi.

Fidèle à ses valeurs, la France ne peut rester silencieuse devant une telle dégradation de la situation des droits fondamentaux. En Iran comme ailleurs, il n'y a pas à transiger avec le socle même des libertés individuelles, d'opinion, d'expression, de manifestation pacifique ; il n'y a pas à transiger avec le respect de la dignité due à tout être humain. Ces valeurs universelles, défendues si courageusement par les peuples de la région jusqu'en Iran, sont celles de la France.

C'est dans cet esprit que la France a adopté, avec ses partenaires européens, des sanctions à l'encontre de trente-deux responsables de la répression en Iran. C'est dans cet esprit que nous appelons les autorités iraniennes à respecter le droit à la liberté d'expression, à libérer immédiatement tous les prisonniers arbitrairement détenus, et à rendre leur pleine liberté à MM. Moussavi et Karoubi.

Le déni des aspirations de la population iranienne, et la poursuite d'un programme nucléaire, sans objectif civil crédible et en violation de la légalité internationale, conduisent à voir l'Iran mise au ban de la communauté des nations. Celle-ci n'a d'autre possibilité, face aux choix faits par les dirigeants iraniens, que d'accroître aujourd'hui les sanctions à leur encontre.

Cela est d'autant plus regrettable que l'Iran pourrait occuper dans la région une place éminente, celle qui lui revient légitimement. Héritier d'une civilisation millénaire respectée et admirée de tous, le gouvernement iranien pourrait nouer avec la France une relation d'amitié et de coopération. Cela suppose toutefois qu'il fasse le choix de l'ouverture et non du repli.

Alors, au moment où la jeunesse du monde arabe retrouve enfin sa liberté, je souhaite dire, en cette date anniversaire, que nous n'oublions pas le peuple iranien et que nos pensées vont aussi vers lui et tout particulièrement vers sa jeunesse, qui a droit, elle aussi, à un avenir de liberté.

Alain Juppé, ministre des affaires étrangères et européennes

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