lundi 13 juin 2011

Les Sahabi, père et fille, meurent avec un seul jour d'écart - Fereshteh Ghazi - 2 juin 2011

Alors qu’Ezzatollah Sahabi, dirigeant des nationaux-religieux iraniens et critique muet du régime islamique est décédé mardi après un mois de coma, sa fille Haleh Sahabi est morte lors d’une échauffourée avec les forces de sécurité durant l’enterrement de son père mercredi. Des membres de la famille proche ont parlé à Rooz du décès du père et ont déclaré que le régime islamique craignait le cadavre de Sahabi autant qu’il le craignait de son vivant. Tandis que le père est mort au bout d’un mois de coma, la fille, Haleh est morte lors de l’enterrement de son père, affrontant des agents de sécurité qui auraient essayé de lui arracher une photographie de son père. Haleh était une militante des droits civiques et humains reconnue et jouissait d’un grand respect dans la société iranienne. 


Le meilleur exemple de la peur du régime est peut-être la pression exercée par les forces de sécurité sur la famille d’Ezzatollah juste après sa mort. Le ministère du renseignement et les agents de sécurité ordonnèrent à la famille en termes très clairs qu’un enterrement rapide et tranquille de Sahabi, le père, était la seule attitude à avoir, en dépit de la résistance et des protestations de la famille à ce sujet.  Haleh Sahabi et Yahya Mashayekhi, la fille et le petit-fils de Sahabi ont dit à Rooz avant la mort d’Haleh, qu’à cause de ces pressions, ils ont dû avancer l’heure  de la cérémonie de 8h30 à 7h00, bien que moins de personnes aient été à même de participer à la procession de la maison du défunt au cimetière qui n’est pas très loin. Monsieur Mashayekhi a dit à ce propos : « Nous avons accepté ce changement d’une heure et demi pour éviter toute autre demande plus importante qui aurait pu complètement empêcher la tenue de la cérémonie. » 

Ezzatollah Sahabi avait été hospitalisé ce 29 avril  après un infarctus qui l’avait laissé totalement paralysé et dans le coma à l’hôpital Modarres de Téhéran. Sa fille, Haleh Sahabi, a dit à Rooz mardi soir qu’alors que son père était décédé à 14h30, on ne les avait prévenus qu’à 18h00. 

Les agents de sécurité s’apprêtaient à l’enterrer 

Avant d’informer les membres de la famille d’ Ezzatollah Sahabi de son décès, les agents de sécurité et de renseignement s’étaient positionnés autour du domicile des Sahabis à Lavassan. D’après un reporter de Rooz, les agents étaient présents de l’autoroute Babaï jusqu’à la porte de leur maison soit une distance d’environ 15 kilomètres. Les agents de sécurité étaient aussi postés devant le domicile des Sahabiis, où nombre de membres de Nehzate Azadi (Parti Iranien de la Liberté) et de membres du bureau des nationaux-religieux ont été arrêtés puis relâchés quelques heures plus tard après interrogatoires. Réza Tadjik et Yasser Massoumi font partie de ceux qui ont été interrogés au ministère du renseignement après leur arrestation mardi devant le domicile des Sahabi. Mais les agents de sécurité ne se sont pas contentés de rester à l’extérieur. Ils ont pénétré au domicile des Sahabi à plusieurs reprises pour rappeler que le défunt devait être enterré rapidement, menaçant de mettre en œuvre les règlements du bureau de sécurité provinciale. 

Le petit-fils de Sahabi Yahya Mashayekhi a dit à Rooz : « Les agents du renseignement nous pressaient de faire une courte cérémonie deuil et un enterrement rapide, ce que la famille n’a pas accepté. Ils nous ont alors menacé de davantage de problèmes si nous n’obéissions pas. » Mashayekhi explique que ces pressions durent depuis que Sahabi est tombé dans le coma, il y a un mois. Ils ont donné des ordres pour les détails de la cérémonie de deuil, de l’enterrement, etc, indiquant qu’ils avaient déjà réfléchi à ce qui devrait se passer après la mort de Sahabi. Sa fille Haleh, qui était en liberté provisoire quand son père est mort, a dit à Rooz : « Nous avons fait une courte cérémonie et nous voulons aller à pieds de son domicile au cimetière, mais nous ne sommes pas sûrs qu’ils l’accepteront »

Peur d’un cadavre  

Le Docteur Mohammad Maleki, ami proche de Sahabi et membre du conseil religieux-national, a dit à Rooz que la façon dont les agents de sécurité et de renseignement ont insisté sur un enterrement rapide et sans trop de bruit montrait combien le régime avait peur du cadavre de Sahabi en raison de sa popularité. Il a ajouté que ces agents avaient même menacé de s’emparer du corps pour l’enterrer eux-mêmes avant l’arrivée de l’assistance si on ne respectait pas leurs exigences, une chose à laquelle Haleh avait également fait allusion.  La dernière fois que Haleh Sahabi avait vu son père, s’était pendant les vacances de Nowrooz (Nouvel An), quand il lui avait rendu visite à a prison d’Evine. Elle a dit qu’il semblait aller bien à l’époque. « Avant même de me demander comment j’allais, il m’a demandé des nouvelles d’autres prisonnières étudiantes comme Bahareh et m’a dit qu’il était inquiet de leur sort, parce qu’à l’époque elles étaient interdites de visites et en grève de la faim. » Haleh a dit à Rooz mardi qu’elle ne comprenait pas pourquoi les autorités de la prison lui avaient accordé une liberté provisoire quelques jours avant la mort de son père.  « Je n’ai appris que mon père était à l’hôpital et la gravité de son état qu’en arrivant à la maison.  Quand je l’ai vu à l’hôpital, il était inconscient ; je lui ai quand même lu des poèmes, je lui ai parlé mais il ne pouvait pas me répondre. De temps en temps, une larme perlait dans ses yeux. » Son fils Yahya a expliqué qu’il n’était pas sûr de la durée de la liberté provisoire de sa mère. 

Haleh a déclaré à Rooz que, ces deux dernières années, Sahabi s’inquiétait pour le Mouvement Vert tout en le soutenant totalement. « Il croyait, il avait foi en la nouvelle génération. » « Cette génération comprend ce qu’est le dialogue et la justice et rejette le mensonge. » lui aurait-il dit.  Lors des dernières visites de son père en prison, il était encore debout avant son coma, il lui a parlé de sa propre expérience en prison pour soulager sa douleur et sa situation difficile. 

Sahabi était l’un des militants les plus influents de ce que l’Iran appelle les groupes nationaux-religieux. C’était l’un des politiciens les plus populaires et les plus respectés, connu pour son honnêteté, sa sincérité et son amour pour l’Iran. Dans une lettre ouverte de 2010, il demandait à Dieu de sauver l’Iran ou de mettre fin à sa vie. « Où puis-je porter la douleur des jeunes hommes et femmes de ce pays ? » est une réflexion sur les nombreux militants emprisonnés depuis les élections présidentielles controversées de 2009.

Réactions à la mort de Sahabi
  • Les medias d’état n’ont pas publié la nouvelle de la mort d’Ezzatollah Sahabi mais des groupes politiques et religieux ainsi que des personnalités ont publié leurs condoléances et des déclarations à l’occasion de la cérémonie à sa mémoire. 
  • Plusieurs journaux de droite n’ont pas publié la nouvelle de son décès mais uniquement les condoléances d’Hashémi Rafsandjani. 
  • Plusieurs journaux réformateurs et indépendants ont, au contraire, non seulement publié la nouvelle du décès du réformateur mais aussi des anecdotes de sa vie et ont expliqué son rôle dans le paysage politique iranien et ont ajouté des photos. 
  • Iran Farda a publié beaucoup d’articles sur Sahabi et a pris le deuil pour le décès de celui qu’il a appelé la dignité iranienne. Le conseil, comprenant des groupes religieux et nationalistes et qui était présidé par Sahabi, a publié une déclaration : « A partir de maintenant, chacun est un Sahabi ». Cette déclaration indique que Sahabi était un militant total qui voulait que l’Iran appartienne à chacun ; à cause de cela, il a passé de nombreuses années en prison sous la torture. Il était inquiet du sort de l’Iran ces dernières années, se lamentant de n’avoir rien pu faire pour sa patrie. 
  • Shirine Ebadi, la seule lauréate iranienne du Prix Nobel s’est également exprimée sur l’évènement, disant que le seul souci de Sahabi était l’Iran qui menaçait ruines. 
  • Hashémi Rafsandjani, président le puissant conseil national des gardiens, a également envoyé un message de condoléances, comme Ahmad Montazéri (fils de feu le grand ayatollah réformiste). Le message de ce dernier déclare que ceux qui ont soumis Sahabi et d’autres à la torture et à d’autres souffrances devront en répondre dans l’autre monde.
  • L’Association des Enseignants du Séminaire de Théologie de Qom a également publié une déclaration offrant Sahabi, qui a toujours essayé de faire avancer la cause de son pays, comme modèle à la jeunesse.
  • Parmi les religieux les plus importants, les ayatollahs Saneï et Bayat Zandajani ont tous deux envoyé des messages de condoléances bien sentis, louant Sahabi pour sa morale politique et ses rêves d’amour de la liberté pour son pays, qui avaient joué un rôle important dans l’établissement de la république islamique d’Iran.
  • La plus grande organisation étudiante, Sazemane Danesh-Amookhtegane Iran Eslami, plus connue sous le nom d’ Advare Tahkim Vahdat a également envoyé un message de condoléances pour exprimer sa fierté et sa sympathie pour un homme qui a connu les prisons du Shah et celles de la république islamique, car ni l’un ni l’autre ne toléraient une quelconque dissidence. Le groupe estudiantin a appelé tous les étudiants à participer aux cérémonies d’hommage et de deuil pour Sahabi.
  • Le Conseil de Coordination du Mouvement Vert a également publié une déclaration appelant les Iraniens à participer aux cérémonies marquant le décès de Sahabi.
  • Le Front de la Participation d’Iran, dont beaucoup de sympathisants sont encore derrière les barreaux, a également publié une déclaration louant les efforts que Sahabi a déployés tout au long de sa vie pour son pays et pour les Iraniens.

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