En tant que travailleur militant, j’ai toujours cherché des modèles que mon pays pourrait suivre pour s’améliorer. Trouver l’équilibre entre droits des travailleurs, développement économique, commerce international et programmes sociaux vitaux est vraiment une tâche ardue, surtout pour les pays au passé troublé.
Face à des défis sans précédent, après sa transition vers la démocratie en 1985, le Brésil a agréablement surpris le monde. Le Brésil, de nos jours, est entré dans la globalisation ; il est devenu un modèle à suivre pour les pays émergents comme l’Iran, surtout pour les droits des travailleurs et des êtres humains.
En tant qu’organisateur et chef du syndicat des conducteurs de bus de Téhéran, je suis parfaitement conscient des obstacles que rencontrent les ouvriers en Iran. Pour la plupart des Iraniens, les salaires sont dangereusement bas, l’hygiène et la sécurité n’existent pas au travail et les programmes sociaux nécessaires sont supprimés.
Mais en Iran, il est hors de question de défendre les droits des travailleurs ou des pauvres. La simple planification d’organisation de réunions syndicales, la participation à des manifestations, par exemple, peut avoir des conséquences très graves.
J’en ai moi-même fait l’expérience. J’ai été emprisonné plus de cinq ans. J’ai été torturé physiquement et menacé de mort et de viol. Mon épouse et mes enfants ont été harcelés, emprisonnés et maltraités. Mon crime supposé : demander une augmentation de salaire pour les conducteurs de bus.
Un pays peut-il progresser quand son gouvernement ne tolère pas les vues divergentes de ses propres citoyens ? Les citoyens iraniens ordinaires peuvent-ils trouver la dignité dans leur travail alors qu’ils ne peuvent revendiquer de meilleures conditions de travail ?
Contrairement aux allégations des chargés de communication du nouveau gouvernement, la situation des droits humains ne s’est pas améliorée depuis l’arrivée au pouvoir d’Hassan Rouhani il y a huit mois. Et pour les travailleurs, les perspectives sont mornes.
Le nouveau gouvernement a revalorisé le salaire minimum à un niveau qui ne couvre que le quart de ce dont les familles de travailleurs auraient besoin pour subvenir à leurs besoins. En moyenne, cinq travailleurs sont quotidiennement victimes d’accident du travail sur les chantiers de construction et dans les usines. Les travailleurs qui se plaignent peuvent être convoqués dans les bureaux de l’ « Herassat » (sécurité) qui existent dans la plupart des entreprises publiques, des associations techniques et dans toutes les universités ; le personnel de ses bureaux est composé de représentants du ministère du renseignement ; et ces travailleurs peuvent être licenciés. Bien sûr les sanctions impacté l’économie iranienne, mais la plupart de ces politiques hostiles aux travailleurs sont antérieures à ces sanctions.
Il y a tout juste deux semaines, deux travailleurs de la compagnie des bus de Téhéran qui voulaient recréer le syndicat de la compagnie ont été arrêtés. Hassan Saedi et Morteza Komsari avaient organisé des réunions informelles durant lesquelles ils enseignaient aux travailleurs les bases de la défense, soulignaient les droits dont ils pouvaient bénéficier et rassemblaient des signatures pour une pétition demandant la réouverture du syndicat. Au bout de 2.000 signatures, ils ont porté la pétition au ministre iranien du travail. Une semaine plus tard, ils étaient arrêtés sans vraie justification, sous prétexte « d’actes contraires à l’ordre public et à la sécurité nationale. »
Alors que l’Iran continue à reculer, le Brésil a fait des progrès significatifs durant la dernière décennie. En tant qu’enfant travailleur et membre du syndicat ABC des métallurgistes, l’ancien président Luiz Inacio Lula Da Silva a réussi des réformes importantes et a défendu la dignité des travailleurs. Les victoires obtenues par le gouvernement de Lula, comme l’augmentation du salaire de 40.000 métallurgistes de Sao Paulo en 2010, est une source d’inspiration pour le mouvement des travailleurs iraniens et nous montre le chemin à suivre.
Les travailleurs iraniens n’ont pas seulement besoin du Brésil en tant que modèle. Le Brésil doit aussi être un allié pour l’amélioration des droits humains.
Pendant la visite de Lula en Iran en 2010, je lui ai écrit depuis ma prison, lui demandant de défendre les droits humains et la liberté des travailleurs à s’organiser. Lula est un ancien prisonnier de conscience et a offert l’asile à une Iranienne condamnée à la lapidation. La présidente Dilma Rousseff, également ancienne prisonnière politique, s’est constamment tenue aux côtés des Iraniens en votant à deux reprises au Conseil des Droits Humains des Nations Unies pour la nomination d’un expert indépendant, un Rapporteur Spécial, pour surveiller spécifiquement la situation des droits humains en Iran.
Sans pression internationale, le gouvernement iranien continuera à intimider et à emprisonner les travailleurs et les autres défenseurs des droits humains sans en supporter les conséquences.
Les prisons iraniennes sont cruelles. Pendant sept mois et 23 jours, j’ai été à l’isolement, dans un trou de béton à peine assez long pour contenir mon corps. Les maltraitances physiques et psychologiques comme les simulacres d’exécutions, sont considérées comme des techniques d’interrogatoire valables. Mon frère Afshine, un syndicaliste lui aussi, est mort en prison en juin dernier après que ses ravisseurs lui ait refusé tout traitement médical. Il y a au moins 900 prisonniers politiques et de conscience en Iran dont au moins 30 syndicalistes.
Lula, la présidente Rousseff et le parti des travailleurs, malgré beaucoup de difficultés, ont essayé de faire ce qu’il fallait pour leur pays. J’espère que, quand la situation se présentera, ils défendront aussi le nôtre. En tant que leader global et équilibré, les décisions du Brésil ont un impact majeur, même au Moyen-Orient. Les pressions internationales m’ont aidé à retrouver la liberté il y a quelques années, ce qui prouve le pouvoir que la communauté internationale peut avoir quand elle se concentre sur la responsabilité et la justice. Le 24 mars, le Brésil aura de nouveau le pouvoir d’influencer le vote du conseil des droits humains des nations unies sur la situation des droits humains en Iran. Un vote en faveur de cette résolution donnera au Brésil l’occasion de prouver globalement son implication en faveur des mouvements des travailleurs et d’honorer les centaines d’Iraniens qui luttent pour leurs droits humains.
Mansour Ossanlou est un militant des droits humains, un dirigeant syndical, emprisonné à plusieurs reprises en Iran. Il est l’ancien chef du syndicat des travailleurs des bus de Téhéran.
Source: http://www.estadao.com.br/noticias/impresso,brasil-precisa-apoiar-luta-dos-sindicalistas-iranianos,1143788,0.htm