jeudi 17 mars 2011

Un saut par-dessus le feu assaisonné d’un peu de protestation – Fereshteh Ghazi - 16 mars 2011


Les Iraniens ont célébré ce mardi la fête du feu la plus politique, appelée Tchahar-Chanbe Souri, parmi des mesures de sécurité très strictes. Cette fête traditionnelle persane a été interdite par les autorités de la république islamique qui l’ont traitée de « superstition sans base religieuse encourageant la corruption » même si ces rites traditionnels sont pour les Iraniens une fête nationale célébrée depuis 1.700 ans avant Jésus-Christ.
Suivant les reporters de Rooz, dans de nombreuses villes et cités iraniennes, on a allumé de petits feux et on a sauté par-dessus mardi soir pour célébrer le rite du Tchahar-Chanbe Souri sous les yeux vigilants des forces de sécurité. Mais très vite, la fête a pris un tour politique quand on a commencé à scander « Mort au dictateur » et « Honte à toi, dictateur, quitte ce pays ».
A Téhéran et dans d’autres villes, les évènements ont pris une tournure violente quand les forces de sécurité et les milices à moto ont tenté d’intervenir.

Des tireurs sur les toits

Le rite du Tchahar-Chanbe Souri s’est tenu mardi alors que les agences gouvernementales avaient fermé à 14h00 et que les motos n’avaient pas le droit de circuler à Téhéran.
Mais la fermeture hâtive ne concernait pas que le gouvernement, les écoles ont également fermé de bonne heure. Un ouvrier d’une entreprise privée a dit à Rooz que lui et ses collègues ont été libérés à 14h00 et qu’on leur a demandé de rentrer chez eux.
Et tandis que les gens n’avaient pas le droit d’utiliser leurs motos, les miliciens bassidjs erraient dans la ville à moto, par groupes de 10 ou 15, chaque groupe muni d’un extincteur. Des témoins oculaires ont dit qu’en plus des motocyclistes bassidjs, des miliciens patrouillaient dans les principales places de la ville comme si la loi martiale avait été déclarée. Un reporter de Rooz  écrit : « Ils ont sorti toutes leurs forces, des brigades Sarollah aux NOPOs et aux brigades spéciales de la jeunesse. La principale différence entre mardi et les autres jours résidait dans les tireurs d’élite et les snipers en équipes de deux ou trois qui avaient pris position sur les toits élevés des avenues Vali Asr et Engelab ainsi qu’autour des places clés de la ville.
Auparavant, le 14 février 2011, de très jeunes hommes avaient été chargés de la répression des manifestants et le 8 mars, journée internationale des femmes, des agents féminins avaient été déployées pour la première fois ; maintenant, nous avons des tireurs d’élite errant dans les rues et nous surveillant d’en haut. »
Un témoin oculaire de Téhéran a dit avoir vu : « Des agents en civil vagabondant dans les rues et portant des masques chirurgicaux ; cela a commencé il y a deux ou trois mois, ce qui est amusant ; il y a un an, c’étaient les manifestants qui portaient des masques pour ne pas être identifiés par les forces de sécurité alors que dorénavant, ce sont les bassidjs ou autres miliciens qui portent ces masques pour ne pas être identifiés. »

Fêtes ET manifestations politiques.

Un journaliste de Rooz écrit: « Tandis que les artères principales de Téhéran sont en général vides mardi à cause de la loi martiale officieuse imposée par le régime, on danse et on fait la fête en sautant par-dessus le feu dans les petites rues, les résidences et les allées. »
Certaines vidéos postés sur YouTube montrent des gens scandant : « Mort au dictateur », « Honte à toi, dictateur, quitte ce pays, dictateur », « Mubarak, Ben Ali maintenant c’est Seyyed Ali », référence au dirigeant tunisien Zine al-Abidine Ben Ali qui a été chassé du pouvoir en janvier de cette année parmi des manifestations publiques de masse. Une photo publiée montre une grande affiche suspendue au-dessus de l’autoroute Modarres portant ces messages : « Dictateur, ta fin est proche, heureusement » Une affiche semblable y avait également été suspendue le 20 février.
Une autre vidéo de YouTube montre une effigie de Mahmoud Ahmadinejad et de l’ayatollah Khamenei en feu.
Sur l’avenue Sattar Khan, on a lâché des ballons verts qui se sont élevés dans le ciel et sur l’avenue Youssef Abad, on a chanté à l’unisson l’hymne national populaire « Eh Iran ».
Ces fêtes accompagnées de messages politiques ne se sont pas cantonnées au nord de Téhéran, où se trouvent les quartiers résidentiels des Iraniens les plus riches. Au sud également on a fait la fête et scandé des slogans. Un journaliste de Rooz a écrit que dans le sud également on scandait Allah o Akbar et « Mort au dictateur ».
Des gaz lacrymogènes auraient été utilisés dans les quartiers de Tehran Pars, Haft Howz et Roudaki.
« Mort au dictateur » a été le slogan commun scandé non seulement à Téhéran mais aussi dans d’autres villes dont Ahvaz, Shiraz, Boushehr, Kermanshah, Ardebil, Tabriz, Sanandadj, Boroudjerd et Rasht. A Shiraz on a aussi scandé : « Ni pour Gaza, ni pour le Liban, je sacrifie ma vie pour l’Iran. »
On n’a encore aucun bilan officiel du nombre des arrestations effectuées mardi. Auparavant, Aliréza Avaï, le procureur de Téhéran dont l’influence est grande, avait déclaré: « Les criminels arrêtés mardi ne seront pas relâchés avant la fin des fêtes de Nowrooz ». [N.D.T. : c’est-à-dire vers début avril]
Les journalistes de Rooz ont également remarqué une autre différence lors de ces fêtes. Contrairement aux années précédentes où les forces de sécurité s’efforçaient de combattre et de défier les participants, cette année elles ont réellement encouragé les gens à faire la fête et à être heureux pour les empêcher de transformer les rassemblements et manifestations politiques contre le régime. Le Mouvement Vert avait appelé à manifester tous les mardis et sauter par-dessus le feu du Tchahar-Chanbe Souri avait donc une signification double.
Le responsable des pompiers iraniens a déclaré à l’agence de presse semi-officielle Fars qu’un total de 255 incidents avait été signalé jusqu’à mardi 22h00 et aucun n’a entraîné de mort. Djamshid Shafii a déclaré: « 136 incidents concernaient des feux de poubelles, 53 conceraient des ordures, 25 des feux dans des habitations, 23 à l’air libre, 15 feux de véhicules, et 3 avaient été causés par des pétards. Il y a eu au total 21 blessés légers à cause de ces incidents. »

Source: http://www.roozonline.com/english/news3/newsitem/archive/2011/march/16/article/fire-jumping-with-a-flavor-of-protest.html

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