samedi 23 juillet 2011

Akbar Amini, l’homme qui a grimpé en haut d’une grue


Tôt le matin du 14 février 2011, un jour où Moussavi et Karroubi avait appelé à des manifestations de masse, un homme est monté en haut d’une grue à Téhéran, portant un bandeau vert sur la tête, un long morceau de tissu vert et une photo de lui. Il a été arrêté et emmené en prison où il est resté jusqu’au 16 juillet.

Voici un extrait d’un article de Kalameh, écrit par un codétenu d’Amini et racontant son histoire.
Le codétenu d’Akbar Amini raconte qu’Akbar est appelé « la grue » par les autres prisonniers. Même les équipes de football et de volley-ball dans lesquelles Akbar joue sont appelées « la grue ».
Akbar Amini, comme beaucoup d’autres Iraniens, est descendu dans la rue après les élections présidentielles truquées de juin 2009 pour demander « où est mon vote ».

Amini dit que le 22 juin 2009, un jeune homme l’a contacté dans son magasin sous prétexte d’acheter plusieurs ordinateurs pour un organisme gouvernemental. Le jeune homme est venu au magasin, lui a parlé quelques minutes de l’achat des ordinateurs puis est parti pour amener ses collègues pour qu’ils achètent les ordinateurs. Quelques minutes plus tard, le jeune homme est revenu accompagné de 8 hommes en armes. Ils ont arrêté Akbar Amini, lui ont confisqué son ordinateur personnel et l’ont emmené au bloc 209 d’Evine (la section du renseignement) et l’ont enfermé dans la cellule d’isolement 102.

Trois jours plus tard, on a commencé à interroger Amini. Il a été battu pendant les interrogatoires. Au bout de 45 jours d’isolement, on le transféra avec 190 autres prisonniers à la section 7 d’Evine.

Peu de temps après ce transfert, un homme nommé Haydarifar sélectionnait des détenus pour répéter les procès mis en scène qui allaient se tenir dans quelques jours. On leur disait ce qu’ils devaient dire durant le procès.

Ces répétitions de procès se déroulaient comme un vrai procès. Durant les répétitions, il y avait ceux qui posaient les questions, les procureurs et un juge de permanence. Même le juge Mortazavi (alors procureur de Téhéran) est venu et a supervisé les répétitions plusieurs fois.

Parmi les détenus, certains avaient été transférés de Kahrizak. Leurs histoires étaient horrifiantes, des rapports de viols par des matraques, de passages à tabac avec des câbles et des flagellations.

Le 12 août 2009, plusieurs membres du parlement se sont rendus au bloc 7 pour l’inspecter. Alaedin Boroudjerdi de la commission nationale de sécurité et Omidvar Rezaï, Ghodratollah Alikhani et Zohre Elahyan ont posé aux détenus des questions sur leur situation en prison. Ils étaient accompagnés d’une équipe qui enregistrait tout.

On parla aux parlementaires des longs interrogatoires, des prisonniers pendus par les pieds pendant de longs moment, de prisonniers pendus par les pieds à demi nus quelquefois, de prisonniers jetés dans l’eau puis battus par des bâtons électriques, ce qui est très douloureux.

Les parlementaires furent bouleversés par ce qu’ils entendaient, certains pleurèrent même. Ils promirent aux détenus qu’ils seraient libérés et leur demandèrent de venir au parlement après leur libération pour qu’ils puissent les aider. Akbar Amini et beaucoup des autres 190 détenus furent relâchés le jour même. 

Après leur libération, Akbar et d’autres se rendirent au parlement mais les députés refusèrent de les recevoir, on leur envoya même les gardes. Ils laissèrent des messages pour les députés Omidvar, Rezaï et Alikhani mais ne reçurent jamais de réponse.

Akbar Amini était bouleversé, il se sentait insulté et commença à penser à un plan pour que le monde entier puisse l’entendre.

L’immolation du Tunisien l’inspirait ; il pensa à l’imiter puis décida que cela n’attirerait pas tant d’attention en Iran à cause de la situation et des restrictions imposées aux médias.

Il se décida à grimper sur une grue. La manifestation du 14 février était le jour idéal.

Pour beaucoup, le 14 février 2011 marqua la résurgence du Mouvement Vert. Il y avait beaucoup de jeunes, de femmes et d’hommes qui avaient l’impression que personne n’entendait plus leurs voix. Ils aimaient leur pays, certains avaient combattu l’Irak pendant 8 ans et ils pensaient qu’ils méritaient mieux maintenant, ils n’étaient pas des saboteurs.

Akbar souligne le mot « saboteurs » utilisé par le gouvernement pour décrire les manifestants et dit : « le gouvernement doit nous écouter ».

Avant la manifestation du 14 février, Akbar se prépara à grimper en haut d’une grue et choisit le lieu le plus en vue pour le faire.

Le 14 février, il remplit un sac à dos de quelques boîtes de thon, d’eau, de pain et de vêtements chauds. Il voulait rester là-haut plusieurs jours. 

Tôt le 14 février, Akbar se rendit à l’endroit choisi. Il prit son sac à dos, une grande photo de lui, une photo de son fils de 10 ans, un grand drapeau frappé d’un point d’interrogation au milieu, un morceau de tissu de 2 mètres et un bandeau vert.

Il avait peur, il tremblait et commençait à ruminer. Il pensait qu’il pourrait tomber et mourir et ne voulait pas que les médias pensent qu’il s’agissait d’un suicide.

Il grimpa en haut de la grue, il était 6 heures du matin et il n’y avait pas encore beaucoup de circulation. La première personne qui le remarqua fut un policier qui réglait la circulation. Il était 7 heures 20 quand un camion de pompiers, toutes sirènes hurlantes arriva. Des gens s’étaient rassemblés au pied de la grue. On le photographiait, les voitures klaxonnaient, on lui faisait signe, on sifflait d’admiration.

Akbar ne savait pas alors qu’il faisait la une des sites d’information.

Le lundi est jour de visite au bloc 350. Ce lundi 14 février, la nouvelle dont tout le monde parlait dans le bloc 350 était cet homme qui avait grimpé en haut d’une grue.

Akbar dit qu’il savait qu’il faisait la une au nombre de gens et de forces de police au pied de la grue.

Le toit du bâtiment le plus proche de la grue était plein de policiers, de gardes et de forces en civil. Beaucoup filmaient ce qui se passait.

Les hommes en civil le menaçaient de mort, certains le poussaient à sauter et la police lui demandait de descendre.

Un officier de police nommé Mostafanejad demanda à Akbar de descendre, lui promettant d’écouter ce qu’il avait à dire. Akbar répondit : « Où étiez-vous pendant qu’on me torturait ? »

Akbar dit qu’il voyait la police et les manifestants s’affronter dans la rue, qu’il entendait clairement les slogans : « Pas de dictateur qu’ils soient à moto ou à chameau » (référence aux évènement d’Egypte). 

Il était 9 heures quand il vit sa mère en bas en larmes. Un policier menaça de l’abattre. Akbar s’attacha immédiatement à la grue à l’aide d’une corde qu’il avait apportée. Il pensait que s’il était abattu, il voulait se balancer du haut de la grue et ne pas tomber.

Finalement, la police réussit à l’arrêter à l’aide d’une grue hydraulique et elle le fit descendre. On le tira, on le poussa, on lui donna des coups de pied, il était en sang.

Il le tirèrent jusqu’au toit adjacent, tous les policiers présent lui donnèrent des coups de pied et l’insultèrent. On l’emmena dans un appartement de cet immeuble. En chemin ils continuèrent à le frapper.

Ils demandèrent au propriétaire de l’appartement de partir et commencèrent à l’interroger tout de suite. Akbar était en sang, ses vêtements étaient déchirés. On lui dit de se préparer à une interview télévisée. Ils voulaient la diffuser avant la manifestation prévue l’après-midi.

Le même officier, Mostafanejad, dit à Akbar qu’il devrait dire qu’il avait été payé par le mouvement séditieux. Il dit aussi à Akbar qu’il devrait nommer un pays étranger qui l’avait payé. Il mentionna à plusieurs reprises qu’Akbar devait dire avoir été payé par les USA et Israël.

On le menaça d’être exécuté s’il n’avouait pas avoir reçu ses instructions des Monafeghin (OMPI). 

Pendant l’interview, Akbar ne suivit pas leurs instructions. Il répéta simplement qu’il manifestait et qu’il voulait juste que d’autres entendent sa voix. On le transféra aux forces de sécurité où il fut de nouveau battu.

Beaucoup avaient entendu la voix d’Akbar. Le soir, les médias nationaux relatèrent qu’il avait grimpé sur une grue mais dire qu’il souffrait de désordres mentaux.

Cet après-midi là, des milliers descendirent dans la rue. Le Mouvement Vert avait une fois de plus montré sa force.

Beaucoup de jeunes arrêtés ce jour-là se trouvaient au bloc 350 d’Evine ; ils disaient qu’Akbar en haut de sa grue avec le tissu Vert les avait motivés à sortir et à se joindre à la manifestation de l’après-midi.

Source: http://www.kaleme.com/1390/03/09/klm-59591/

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