samedi 23 juin 2012

Les Gardes Révolutionnaires Avant et Après 2009 – Bahram Rafiei – 16 juin 2012


« Toute action comme le lancement d’une révolution de velours sera immédiatement écrasée. Si les groupes et les partis politiques en Iran sont réalistes, ils ne se lanceront pas dans la planification ou la mise en œuvre de tels scénarios. Chacun doit accepter le vote du peuple et le respecter. Le peuple iranien est musulman et veut l’islam ; il voit que la ligne de l’imam et celle du guide suprême suivent le chemin pur de l’islam de Mahomet et ne dévieront jamais de cette voie. »   Voilà les conclusions du général Yadollah Djavani, ancien chef du bureau politiques des gardes révolutionnaires (IRGC) à un reporter de l’hebdomadaire Sobh Sadegh, organe officiel de l’IRGC, juste quatre jours avant les élections du dixième président d’Iran en juin 2009. Le général parlait à un reporter de la publication qu’il supervisait. Dans cette interview, Djavani accusait les réformateurs qui soutenaient Mir-Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi de prendre des mesures pour « renverser silencieusement » le régime : « certains groupes réformateurs, surtout les extrémistes, croient qu’ils doivent gagner les élections présidentielles et arriver au pouvoir par tous les moyens. Ils croient que s’ils ne retournent pas au pouvoir, ils en seront écartés pour longtemps et peut-être même n’y retourneront-ils jamais. » Le chef du bureau politique de l’IRGC faisait ces remarques dans le bulletin interne de cette force, Tahlile Rouz (l’Analyse de la Journée) ; il y expliquait à ses messagers politiques qui avaient été envoyés dans tout le pays juste avant les élections, que Moussavi l’emportait sur Ahmadinejad dans la plupart des provinces et ajoutait que la couleur verte, qu’avait choisie les supporters de Moussavi, était le signe du lancement d’une révolution de velours. Djavani avait aussi averti que les vêtements verts, écharpes, chapeaux, bracelets, essuie-glaces et antennes exposés pendant la campagne présidentielle de 2009 en signe de solidarité avec Mir-Hossein Moussavi et Mehdi Karroubi, étaient bien plus que de simple moyens de susciter l’enthousiasme. Voilà les mots que d’autres commandants de l’IRGC ont répétés et manipulés durant les deux semaines précédant les élections du 12 juin 2009. Ce sont aussi les propres mots qui ont alerté les trois candidats à l’élection présidentielle de l’époque qui les considéraient comme l’interférence de l’armée dans les élections.

La veille des élections, Moussavi a écrit une lettre de quatre paragraphes à l’ayatollah Khamenei, le guide suprême du régime islamique ; il y expliquait avoir reçu : « des preuves de l’interférence d’un certain nombre de commandants et d’autorités des forces de l’IRGC et de la bassidj mobilisées pour les élections. Une telle interférence est non seulement une violation de la loi mais elle crée de plus des divisions au sein des commandants, des officiels et du corps sincère et sain de la bassidj et de l’IRGC. Dans la mesure où de telles mesures illégales sont ignorées et où certains des observateurs dans les bureaux de vote appartiennent aux supporteurs de candidats spécifiques, il est inquiétant de penser que le vote populaire pourrait être piraté. » La réponse de l’ayatollah Khamenei a été un silence significatif. Vint le jour de l’élection, le 12 juin. Le décompte des voix accordées aux candidats a été annoncé sur la radio-télévision nationale depuis le ministère de l’intérieur et les évènements ont pris la tournure annoncée par l’ayatollah Khamenei en août/septembre lors d’une rencontre avec le cabinet Ahmadinejad. Lors de cette rencontre particulière, un an avant les élections présidentielle et trois ans après le début de la mandature d’Ahmadinejad, le guide avait déclaré au cabinet : « Travaillez comme si vous aviez cinq ans de plus à travailler. En d’autres termes, supposez que vous gouvernerez cette année et les quatre années suivantes. »

Des manifestations ont eu lieu dans l’Iran tout entier et Moussavi a publié sa première déclaration à la nation iranienne : « Les résultats annoncés pour la dixième élection présidentielle sont déroutants. Ceux qui ont longtemps fait la queue pour voter ont été témoins du mélange des votants et savent pour qui ils ont voté. Ils observent, totalement surpris, ce à quoi jouent les officiels et la radio-télévision nationale. Plus que jamais auparavant, ils veulent maintenant savoir quels officiels ont mis ces jeux en scènes. Je proteste fermement contre les évènements actuels et les violations criantes et grossières du jour de l’élection, je préviens que je ne me soumettrai pas à ce piège dangereux. » Deux jours après l’élection, alors que les forces de police et paramilitaire intensifiaient leur lutte contre les manifestants, Moussavi a publié une autre déclaration : « Ceux qui, après de nombreuses violations, ont annoncé les résultats incroyable de l’élection présidentielle tentent maintenant de finaliser ces résultats pour ouvrir une nouvelle ère dans ce pays. A de nombreuses reprises, j’ai parlé des dangers des actions illégales pendant la campagne et les élections ; j’ai souligné que de telles mesures pouvaient mener à la dictature et au despotisme et que notre nation peut maintenant s’en rendre compte. »

Les manifestations n’ont pas faibli mais se sont intensifiées, surtout à Téhéran. Dès les premières heures du 14 juin, les forces de l’IRGC et de la bassidj ont pris position pour s’attaquer aux manifestants. La première attaque de nuit a eu lieu à l’université de Téhéran. Plusieurs sources étudiantes, y compris la plus grande organisation Daftare Tahkim Vahdat, ont déclaré qu’il y avait eu des morts, ce que les autorités ont nié. Le grand défilé a eu lieu le 15 juin lorsque le peuple de la capitale est descendu dans les rues de la capitale pour montrer son rejet des résultats annoncés de l’élection. Des affrontements ont éclaté et un grand nombre de manifestant a été tué par l’IRGC.

Dans une interview avec le journal contrôlé par l’état Kayhan, Abdollah Araghi, actuel commandant en second des forces terrestres de l’IRGC et à l’époque commandant de la force Mohammad Rassoul Allah de Téhéran, a confirmé la répression des manifestants par l’IRGC : « L’IRGC et la bassidj étaient responsables de la sécurité de la capitale entre le 15 juin et le 16 août.» Il a également souligné qu’il avait personnellement ordonné à ses hommes de « tirer directement » sur les manifestants par son réseau sans fil. Les manifestations s’intensifiaient et les forces IRGC et bassidj dans tout le pays luttaient contre les manifestants, le nombre de morts augmentait et beaucoup de militants civiques, politiques et des médias étaient encerclés et arrêtés. Dans sa cinquième déclaration depuis l’élection, Moussavi a écrit : « Observant la situation, je découvre dans ces évènements, un dessein plus vaste que la simple imposition d’un gouvernement indésirable. On veut imposer une nouvelle vie politique au pays. »
La Seconde Partie du Coup d’Etat

En octobre 2009 lors d’un « séminaire national des religieux dans la ville de Mashhad », le commandant Moshafagh a accusé des personnalités comme Hashemi Rafsandjani, Mohammad Khatami, Mohammad Moussavi Khoeniha et Mir-Hossein Moussavi ainsi que des partis réformateurs comme Majmae Rohanyoun Mobarez (Association des Religieux Combattants), Majmae Nirouhaye Khate Imam (Associations des Forces du Chemin de l’Imam), Mosharekat (Front de la Participation), Mojahedin Enghelab (Organisation des Moudjahidines de la Révolution Islamique), Kargozaran (Cadres de la Construction), Hambastegui (Parti de la Coalition Islamique) et Mardomsalari (Front Démocratique) de comploter pour renverser la république islamique et de tenter de soumettre l’ayatollah Khamenei : « Sachant cela, nous avons brisé leurs tentatives et les avons arrêtées. » Il a aussi remarqué qu’Ahmadinejad était le candidat pour les présidentielles de l’ayatollah Khamenei et a révélé la création, des mois avant les élections, d’un conseil visant à identifier et à s’opposer à la « sédition ». Avant lui, le commandant en chef de l’IRGC, Mohammad-Ali Djafari avait eu des mots similaires en août/septembre 2009. Peu après les mots de Moshafagh, le chef du bureau politique de l’IRGC, Yadollah Djavani a confirmé les idées du chef de la sécurité de l’IRGC au sein du bureau politique et les a appelées « éclaircissement ».

Le parti de la Participation est un parti phare des réformateurs dont la direction et beaucoup de membres ont été arrêtés en 2009, la plupart sont toujours en prison ; il a écrit une lettre ouverte au responsable de la justice, Sadegh Laridjani, dans laquelle il citait les remarques du commandant de la sécurité de l’IRGC comme preuve de l’opinion des manifestants : un « coup d’état électoral » avait été mené par les forces armées sous la direction du guide suprême du pays : « Le discours largement publié du général Moshafagh, gradé de haut rang de l’unité Sarallah, a expliqué les plans du coup d’état électoral qui a eu lieu pendant la dixième élection présidentielle ; il a ainsi confirmé les plaintes des dirigeants du Mouvement Vert contre cette falsifications. » Cette lettre demandait une enquête, car il ne s’agissait pas seulement d’une fraude perpétrée durant les élections, mais d’un processus global ourdi pour pirater les élections avant même l’évènement. La justice n’a répondu ni à la lettre, ni à la requête, mais elle a renvoyé les dirigeants du parti en prison à cause des plaintes contenues dans cette lettre.

En janvier 2011, Mohammad Hossein Safar Herandi, actuel conseiller du commandant de l’IRGC et ancien éditorialiste du journal contrôlé par l’état Kayhan a dit : « Pendant la sédition de l’année dernière, liée à l’étranger, 3.000 individus ont été identifiés et on s’occupe d’eux….100 des principaux organisateurs de la sédition, des criminels, ont été condamnés et on a ainsi arraché les racines du problème. » Un an plus tard, il a confirmé la mort des manifestants et l’arrestation des manifestants et des dirigeants du Mouvement Vert par les forces armées de sécurité pour tenter de prendre le contrôle des manifestations : « Depuis le tout début de la sédition, certains pensaient qu’on mettrait fin au problème en en arrêtant quelques-uns ; c’était une idée simpliste parce que ça ne dépendait pas beaucoup des déclarations des deux (Moussavi et Karroubi) ; ils ne contrôlaient pas tout. » En mars 2011, le journal Kayhan a publié le discours de Hossein Salami, commandant en second de l’IRGC, prononcé dans la ville septentrionale de Babol, à l’intention de l’IRGC et de la Basidj : « La sédition intérieure a été écrasée en relation avec le velayate-faghih (le guide religieux. » Ce qui a suivi ces remarques : l’assignation à domicile des dirigeants du Mouvement Vert, Mehdi Karroubi, Mir-Hossein Moussavi et Zahra Rahnavard. Ce discours annonçait implicitement l’échec des tentatives d’écrasement des manifestations et du Mouvement Vert.

Une année après ses remarques qualifiées « d’amère réalité », il a reconfirmé que l’IRGC n’avait pas réussi à écraser la révolte : « On peut annoncer le nom des séditieux mais pas le nom des initiateurs de la sédition. Certains demandent pourquoi on ne juge pas Moussavi et Karroubi. C’est parce que ne peux pas annoncer le nom de certains de leurs supporteurs. »

Ainsi, au troisième anniversaire du coup d’état électoral de 2009, les commandants de l’IRGC qui ont mis en œuvre leur projet de coup d’état continuent à se faire du souci. Très récemment, l’organe de l’IRGC a été obligé de démentir les remarques du chef du think tank de ses forces qui avait dit : « les cendres de la sédition brûlent encore. »

Source : http://www.roozonline.com/english/news3/newsitem/archive/2012/june/16/article/two-acts-of-a-coup.html

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