lundi 28 décembre 2009

L'Achoura, un tournant décisif pour le mouvement vert iranien



L’Iran était à feu et à sang hier, lors des commémorations de la mort de l’Imam Hussein (le 3ème Imam des chiites) ou l’Achoura. Des centaines de milliers de manifestants ont pris part à ces manifestations à Téhéran mais aussi dans un grand nombre de villes de province. Une nouvelle fois, les forces de l’ordre ont réprimé avec une violence inimaginable les manifestants. Le bilan provisoire fait état d’au moins 15 morts (selon l’AFP) dont le neveu de Mir-Hossein Moussavi. 550 personnes ont été arrêtées depuis hier. Quelques enseignements importants de cette nouvelle journée historique :


  • Le Symbole de l'Achoura: Le régime iranien a franchi une nouvelle étape dans l’escalade de la violence envers le peuple. Jamais dans l’Histoire de la Perse et de l’Iran depuis l’invasion de l’Islam, un gouvernant n’avait donné l’ordre de tuer en public des opposants contre le pouvoir central le jour de l'Achoura (la violence et la guerre sont d’ailleurs bannies pendant le mois de Moharram, selon l’Islam). Sans entrer dans le détail des relations complexes qu’entretiennent les iraniens avec la religion et le lourd tribut payé pour avoir justement mêlé celle-ci avec la gouvernance de leur pays, il ne fait aucun doute que l’usage de la violence en ce jour au combien symbolique de l’Achoura dans l’imaginaire des chiites, est une nouvelle erreur considérable commise par le régime. Les populations croyantes modérées qui pouvaient avoir gardé quelque sympathie à l’égard de ce régime religieux, vont certainement se distancer de plus en plus d’un pouvoir qui n’est plus qu’une dictature militaire mise à nue et dépourvue de sa force de frappe idéologique basée exclusivement sur la religion.


  • La Riposte: Contrairement aux manifestations pacifiques du mois de Juin et de ces 3 derniers mois (jour de Jérusalem/Ghods, 13 Aban et 16 Azar), cette fois les manifestants ont riposté aux agressions et aux exactions. Il y a eu des scènes incroyables montrant les forces de police et les forces spéciales débordées par les manifestants en colère, serrées contre un mur, des visages en sang. Des barricades, des voitures et des motos des forces de l’ordre renversées et en feu, des jets de pierre incessants, etc. Des centaines de photos et de vidéos ont circulé en quelques heures sur l’Internet montrant le courage inimaginable des manifestants. Les Unes de grands quotidiens européens et américains (NYT, WashPost, IHT) mettaient d’ailleurs l’accent sur cet aspect précis de la révolte des iraniens contre le pouvoir central : la riposte du peuple. Le caractère non violent de cette révolution est devenue depuis 6 mois une marque de fabrique, une véritable signature du mouvement vert. Riposter comme l’ont fait les manifestants hier, va-t-il à l’encontre de la non-violence? Les manifestants ont tout d’abord cherché à se protéger contre la violence gratuite des forces de l’ordre. Ils ont ensuite recherché à marquer les esprits, conscients des ravages que les photos et les vidéos allaient produire sur l’image et le sort du régime iranien. Ils ont certainement voulu passer un message aux éléments les plus brutaux du régime: "Nous sommes pacifiques, nous détestons la violence, mais, unis, nous saurons nous protéger".
  • Une Révolte Globale: Il est désormais évident que la révolte n’est plus limitée à la capitale. Plusieurs grandes villes de province ont également pris part aux contestations : Tabriz (où il y a eu 4 morts), Ispahan et Najaf-Abad (qui étaient en ébullition depuis la mort de l’Ayatollah Montazeri il y a 8 jours), Mashhad, Shiraz, Arak, etc. Par ailleurs, après une très forte mobilisation des étudiants lors des manifestations du 13 Aban et du 16 Azar, il était important de confirmer que les autres générations étaient aussi mobilisées que les jeunes étudiants. Les femmes ont été une nouvelle fois aux avant-postes. Les images de leur bravoure ont fait le tour du monde. Le destin de tout un peuple, toutes générations confondues, semble définitivement lié. Jamais le peuple iranien n’a été aussi soudé, éclairé et déterminé.
  • Fuite en Avant: L’Ayatollah Montazeri disait que ce régime n’était plus qu’une dictature religieuse. La militarisation du régime est un fait bien établi. Il n’y a qu’à regarder la composition des gouvernements Ahmadinejad et la place prise par les Gardiens de la Révolution au sein de la société iranienne. Les événements d’hier démontrent que le régime est même arrivé au point de délaisser les symboles religieux pour ne s’appuyer que sur la toute puissance de son arsenal répressif militaro-judiciaire. Le régime aurait pu faire profil bas, du moins lors d’une journée aussi symbolique que l’Achoura, de rechercher à apaiser les tensions et de mettre en avant des personnalités plus "pragmatiques" que répressives. Rien de tout cela. Au contraire, la mise en avant de toutes les forces de sécurité du régime déployées dès les premières heures de la journée, les appels de menace visant à intimider les manifestants, l’intensité inouïe des heurts, l’ordre de tirer sur les manifestants et enfin le bilan humain extrêmement lourd de la journée de l’Achoura confirment une fuite en avant dans la militarisation à outrance du régime. La répression militaire est la seule et dernière carte qui reste entre les mains de ses dirigeants. Le profond sentiment d’injustice du peuple iranien est décuplé. Ceci donnera encore plus de vigueur et de détermination à la révolution en cours.
  • Tous Contre Khamenei: Ali Khamenei est plus que jamais la cible directe des opposants au régime. Le retrait d’Ahmadinjead et l’annulation de son élection truquée du 12 Juin ne font plus partie des revendications. Les manifestants réclament à présent ouvertement le départ du Guide, le premier personnage de l’Etat. Les réserves pragmatiques constatées lors des manifestations de Juin ("ne pas insulter le Guide trop directement") ont laissé place à l’éclatement d’une colère accumulée depuis 3 décennies contre celui qui concentre tous les pouvoirs au sommet d’un régime corrompu et sanguinaire (photo et vidéo: plaque portant le nom Khamenei arrachée et piétinée).




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