Pour m’être opposé à la tentative de prise de pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad lors des élections présidentielles de 2009 dans ma patrie, l’Iran, j’ai été jeté en prison, violé, torturé et laissé pour mort sur le bas-côté d’une route. L’oppression dont j’ai été victime est la preuve de la faiblesse du régime iranien, ce que la communauté internationale doit exploiter alors que la commission aux droits humains de l’ONU tient cette semaine sa première session sur l’Iran.
Pour partager mon histoire avec le monde entier et pour demander aux nations de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour arrêter un régime qui dévore ses propres enfants, je témoignerai mardi au sommet des victimes qui se tiendra à côté de la session de l’ONU. Les états-membres devront décider de renouveler ou pas le mandat du rapporteur spécial, alors que la situation des droits humains en Iran ne fait qu’empirer. Malheureusement, le conseil supérieur aux droits humains a ignoré les violations grossières de ces droits pendant la période cruciale de la répression de 2009. Il a fini par agir en mars dernier. Le conseil a enfin créé le poste d’observateur indépendant, mettant ainsi l’Iran sous surveillance pour la première fois. Ahmed Shahid, ancien ministre des affaires étrangères des Maldives, a été nommé pour un an.
Il est cependant regrettable que le message adressé à Téhéran l’année dernière ait été affaibli par le fait que seuls 22 des 47 états-membres ont voté ce mandat (sept contre, 14 abstentions et trois absents et un pays, la Libye, incapable de voter à cause de la suspension de son adhésion). Une approbation a peine audible.
C’est la première fois cette semaine que Shahid donnera son rapport au conseil. Les états-membres doivent s’assurer que ce ne sera pas le dernier en renouvelant son mandat, et cette fois-ci, par une large majorité qui sera entendue dans le monde entier. Exposer les violations de l’Iran aux yeux du monde rappelle au régime qu’il ne trompe personne par ses mensonges et ses prêches hypocrites sur la moralité et la justice.
Il m’est difficile de raconter mon histoire, mais, si je ne le fais pas, et si elle n’est pas entendue et suivie d’actions, des centaines et des milliers de mes compatriotes continueront à être arrêtés, brutalisés et exécutés. C’est pourquoi j’ai décidé de monter sur le podium cette semaine au Sommet de Genève pour les Droits Humains et la Démocratie, parrainé par UN Watch et 20 autres organisations non gouvernementales de défense des droits humains, qui vont rassembler des militants célèbres qui ont été victimes d’oppression et d’emprisonnement.
En 2009, je travaillais pour la campagne présidentielle de Mir Hossein Moussavi, ancien premier ministre réformiste, dans le but d’introduire une vraie moralité dans la gouvernance iranienne. Quand le régime a détourné les élections, j’étais un bloggeur, diffusant les nouvelles des manifestations. Alors les gardes révolutionnaires m’ont enlevé en me menaçant d’une arme à feu en août de cette année-là. Ils m’ont emmené dans une prison secrète de l’est de Téhéran aux mains des tortionnaires sadiques du régime.
Les tortures que j’ai subies ont été documentées. Normalement, lorsqu’ils traitent des patients victimes de la torture du régime, les hôpitaux iraniens s’abstiennent de garder des traces écrites. Mais dans mon cas, le jeune couple qui m’avait trouvé, ensanglanté et battu, a supposé que j’avais été victime de brigands ordinaires. Quand l’hôpital a appris que j’avais été emprisonné, mon dossier médical a disparu. Mais je m’étais arrangé pour en garder une copie, ce qui fait de moi l’une des rares victimes de l’Iran possédant des traces écrites des tortures subies. Je distribuerai des copies de ce document glaçant lors du sommet, et d’autres militants du monde entier feront pression sur le Conseil aux Droits Humains pour qu’il écoute aussi leurs histoires atroces.
Le rapport médical fait état de brûlures causées par des cigarettes sur tout le corps, des ecchymoses dues à des coups portés par des fléaux métalliques et d’autres objets ainsi que de blessures profondes sur les jambes et les bras. Je confirme également que j’ai subi des blessures venant de ce que l’on appelle en Iran taaroz. Pour cela, ceux qui m’interrogeaient ont utilisé une matraque, mais je ne me souviens de rien d’autre parce que j’ai immédiatement perdu connaissance tant était grand le supplice. L’occident et les lois internationales donne un autre nom au taaroz : le viol. L’Iran nie exercer des violence sexuelles ou des tortures dans ses prisons. Mais je témoignerai par mon expérience personnelle et profondément douloureuse qu’il ne s’agit que de mensonges.
Ma cellule était un endroit infernal au sol tâché de sang et jonché de débris de draps sales, déchirés par les prisonniers qui m’avaient précédé pour envelopper leurs blessures. La camera tournait tant que ceux qui m’interrogeaient me demandaient de signer des aveux m’accusant d’activités comme « travailler avec les réseaux Facebook ». Quand la lumière de la caméra s’est éteinte, la torture a commencé. Au fil des jours, la lumière de la camera était plus souvent éteinte qu’allumée, jusqu’à ce que je m’écroule sous les coups de ceux qui m’interrogeaient et que je ne puisse plus bouger. Me croyant mort, ils me sortirent de prison pour me jeter dans un fossé de la banlieue de Téhéran.
Peu après, j’ai fui le pays en me rendant en Turquie. C’est là, fin 2009, qu’un homme qui parlait Persan est apparu et m’a murmuré des menaces si je ne gardais pas le silence sur les violences que j’avais subies. J’ai néanmoins choisi de parler haut et fort dans divers forums publics.
La république islamique d’Iran a depuis longtemps cessé d’être islamique ou républicaine. Les actes du régime ont changé beaucoup d’anciens amis, comme moi, en opposants. Pour le peuple d’Iran, je demande instamment au Conseil des Droits Humains de l’Onu, non seulement de reconduire l’enquête sur les violations de l’Iran, mais encore de le faire avec une forte majorité.
Mehtari est un militant des Droits Humains iranien qui vit à Paris.
Source : http://www.nydailynews.com/opinion/i-raped-tortured-iranian-regime-article-1.1037697?pgno=1
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