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dimanche 26 octobre 2014

Dernière lettre déchirante de Reyhaneh Djabbari

Cette jeune architecte d’intérieur a été pendue hier pour avoir tué l’homme qu’elle accusait d’avoir tenté de la violer ; elle a écrit cette lettre émouvante à sa mère, lui demandant de faire le nécessaire pour donner ses organes après sa mort.

Cette lettre déchirante a été écrite en avril mais publiée aujourd’hui par les militants iraniens et adressée à sa mère Sholeh Pakravan qui avait demandé aux juges de la pendre à la place de sa fille pour le meurtre de Morteza Abdolali Sarbandi, ancien agent du renseignement.

Reyhaneh Djabbari lors de son procès à Téhéran

Chère Sholeh,

J’ai appris aujourd’hui que c’était maintenant mon tour de faire face au talion. J’ai été blessée de ne pas avoir appris de ta bouche que j’étais arrivée à la dernière page du livre de ma vie. Ne crois-tu pas que je devrais le savoir ? Tu sais combien j’ai honte d’être la cause de ta tristesse. Pourquoi ne pas m’avoir pas donné l’opportunité de t’embrasser la main et celle de mon père ?

Le monde m’a permis de vivre 19 ans. Cette nuit funeste, c’est moi qui aurais dû être tuée. On aurait jeté mon corps dans quelque coin de la ville ; au bout de quelques jours, la police t’aurait emmenée au bureau du juge d’instruction pour identifier mon corps et on t’aurait appris que j’avais également été violée. On n’aurait jamais retrouvé le meurtrier : nous n’avons pas sa richesse ni son pouvoir. Alors tu aurais continué à vivre, tu aurais souffert, tu aurais eu honte, et quelques années plus tard, tu serais morte de cette souffrance et voilà.

Mais avec ce coup maudit, l’histoire a changé. On ne s’est pas débarrassé de mon corps, on l’a jeté dans la tombe de la prison d’Evine et de ses sections d’isolement, et maintenant dans la prison semblable à une tombe de Shahr-é-Rey. Mais lâche prise et ne te plains pas. Tu sais bien que la mort n’est pas la fin de la vie.

Tu m’as enseigné qu’on venait au monde pour acquérir de l’expérience et apprendre une leçon et à chaque naissance une nouvelle responsabilité nous accable. J’ai appris qu’on doit parfois se battre. Je me souviens bien que tu m’as dit que le charretier avait protesté auprès de l’homme qui me fouettait ; il lui avait alors fouetté la tête et le visage ce qui a causé sa mort. Tu m’as dit que pour créer de la valeur il faut être persévérant, même si l’on en meurt.

Tu nous as appris qu’en allant à l’école, on doit se conduire en vraie dame face aux querelles et aux plaintes. Te souviens-tu combien tu as insisté sur notre conduite ? Ton expérience n’était pas correcte. Quand cela s’est produit, ce que tu m’avais enseigné ne m’a pas aidé. Lors de ma comparution, j’ai ressemblé à une meurtrière de sang-froid et à une criminelle impitoyable. Je n’ai pas versé de larmes, je n’ai pas imploré, je n’ai pas pleuré toutes les larmes de mon corps parce que je faisais confiance à la loi.

Et on m’a accusée d’être indifférente face au crime. Tu vois, je ne tue même pas les moustiques et je jette les cafards en les prenant par les antennes. Et on a fait de mois une meurtrière avec préméditation. La façon dont je traite les animaux a été interprétée comme une tendance à me conduire en garçon et le juge n’a même pas pris la peine de prendre en compte mes ongles longs et polis à l’époque de l’accident.

Celui qui espère la justice des juges est vraiment optimiste ! Il n’a jamais mis en question le fait que mes mains ne sont pas rudes comme celles d’une sportive, surtout celles d’une boxeuse. Et ce pays dont tu m’as planté l’amour dans le cœur, n’a jamais voulu de moi, personne ne m’a soutenue quand je pleurais sous les coups de celui qui m’interrogeait alors que j’entendais les pires vulgarités. Quand je me suis débarrassée de mon dernier signe de beauté et me rasant la tête, j’ai été récompensée de 11 jours d’isolement.

Chère Sholeh, ne pleure pas à cause de ce que tu entends. Le premier jour au poste de police une vieille fille m’a frappé à cause de mes ongles ; j’ai alors compris que la beauté n’avait pas sa place en ce lieu. La beauté des regards, la beauté des pensées et des désirs, une belle écriture, la beauté des yeux et de la vision, et même la beauté d’une jolie voix.

Ma chère mère, mon idéologie a changé et ce n’est pas ta faute. Mes mots n’ont pas de fin et je les ai tous donnés à quelqu’un pour que, si je suis exécutée sans que tu le saches et que tu ne sois présente, on te les donne. Je te laisse en héritage beaucoup de documents manuscrits.

Cependant, avant ma mort, je te demande quelque chose qu’il faudra que tu me donnes de toutes tes forces et de quelque façon que tu le pourras. En fait, c’est la seule chose que je veuille de ce monde, de ce pays et de toi. Et je sais que cela te prendra du temps.

Je te fais donc part d’une partie de mes volontés plus tôt. S’il te plaît, ne pleure pas et écoute moi. Je veux que tu ailles au tribunal et que tu leur fasses part de ma demande. Je ne peux pas leur écrire cela depuis la prison car il me faudrait l’accord du directeur de la prison ; alors, encore une fois, tu vas devoir souffrir à cause de moi. C’est la seule chose pour laquelle, même si tu me supplies, je ne serais pas contrariée, bien que je t’aie dit souvent de ne pas supplier pour me sauver de l’exécution.

Ma gentille mère, chère Sholeh, plus chère à mon cœur que ma propre vie même, je ne veux pas pourrir dans le sol. Je ne veux pas que mes yeux ou mon jeune cœur se transforment en poussière. Demande que, dès que je serai pendue, mon cœur, mes reins, mes yeux, mes os et tout ce qui peut être transplanté soit retiré de mon corps pour être donné à quiconque en aura besoin. Je ne veux pas que les receveurs connaissent mon nom, m’achètent une fleur ou même prient pour moi.

Je te dis du fond du cœur que je ne veux pas de tombe où tu viendrais pour y souffrir. Je ne veux pas que tu t’habilles en noir. Fais de ton mieux pour oublier mes jours difficiles. Laisse le vent m’emporter.

Le monde ne nous a pas aimées. Je ne voulais pas de mon sort. Et maintenant, je m’y résigne et j’enlace la mort. Parce qu’au tribunal de Dieu, j’accuserai les inspecteurs, j’accuserai l’inspecteur Shamlou, j’accuserai le juge, et les juges de la cour suprême du pays qui m’ont tabassée quand j’étais éveillée et ne se sont pas privés de me harceler.

Au tribunal du créateur, j’accuserai le Docteur Farvandi, j’accuserai Ghassem Shabani et tous ceux qui, par ignorance ou par leurs mensonges, m’ont fait du mal, ont piétiné mes droits, et n’ont pas prêté attention à ce que ce qui, parfois, peut apparaître comme une réalité et est en fait différent.

Chère Sholeh au cœur tendre, dans l’autre monde, ce sera toi et moi qui serons les accusatrices et les autres seront les accusés. Nous verrons ce que Dieu veut. Je voulais t’embrasser jusqu’à la mort. Je t’aime.

Source : http://www.huffingtonpost.co.uk/2014/10/26/reyhaneh-jabbari-letter_n_6049846.html?utm_hp_ref=uk

mercredi 21 mai 2014

Un propagandiste de la dictature iranienne : Les hommes ont le droit de violer les femmes non-voilées – 21 mai 2014

La dictature iranienne réagit à une nouvelle campagne sur les réseaux sociaux appelant les Iraniennes à poster des photos d’elles montrant des actes furtifs de liberté. Des milliers d’Iraniennes ont partagé des photos d’elles sans le foulard obligatoire (hidjab). Cette action populaire a jusqu’ici attiré plus de 300.000 utilisateurs de Facebook et des milliers d’utilisateurs de Twitter sous le mot-clé #MyStealthyFreedom. La page Facebook a été créée par Masih Alinejad, journaliste iranienne vivant en exil à Londres.

Tentant de répandre la peur dans la société iranienne, Tasnim, une agence de presse de l’état iranien exploitée par le Corps des Gardes Révolutionnaires Iraniens (IRGC) a interviewé Hadi Sharafi « militant des médias » (c’est-à-dire propagandiste du régime) a tenté d’envoyer un message aux supporteurs de la campagne : « Arrêtez ou sinon… »

Dans cette interview Sharifi a accusé Alinejad de travailler pour la CIA et a expliqué que ceux qui avaient « liké » la page Facebook de la campagne l’ont fait pour s’informer sur ses développements et non pour soutenir la cause. Sharifi dit que, si les femmes pensent que c’est leur droit de montrer leur beauté ou de paraître en société comme elles le veulent, ou de révéler leur beauté aux hommes, alors elles devraient aussi envisager le droit des hommes à jouir des femmes. Il a tenté d’expliquer qu’il est naturel et instinctif pour un homme d’être attiré par la beauté d’une femme et de rechercher à avoir des relations sexuelles avec elle, que c’est le droit des hommes de jouir de ce qu’ils aiment. Sharifi dit que si un homme force une femme qui « montre sa beauté », cela ne doit pas être considéré comme un viol.

Sharifi dit que puisque les hommes n’ont pas donné aux femmes la permission de montrer leur beauté, les hommes excités par la « nudité » des femmes n’ont pas besoin de demander la permission des femmes pour assouvir leurs besoins sexuels.

Le propriétaire de Tasnim est l’ancien rédacteur en chef de l’Agence Fars News, une agence de presse d’état exploitée et contrôlée par l’IRGC.

Source : http://persian2english.com/?p=24998

samedi 21 juillet 2012

Survivre au Viol dans le Prisons Iraniennes - Mojtaba Saminejad @madyar


Nom : Mojtaba Saminejad
Lieu de Naissance : Téhéran, Iran
Date de Naissance : 30 septembre 1980
Profession : Bloggeur, journaliste, militant des droits humains
Interviewer : Iran Human Rights Documentation Center (IHRDC)
Date de l’Interview : 4 février 2011

Cette déclaration a été préparée suite à un entretien aves Mojtaba Saminejad. Elle a été approuvée par Monsieur Saminejad le 18 mai 2011.

Je m’appelle Mojtaba Saminejad. Je suis né le 30 septembre 1980. J’étudiais le journalisme et la communication à l’université de Téhéran.

J’ai été arrêté deux fois, la première le 31 octobre 2004 ; j’ai été libéré sous caution au bout de 88 jours. Après deux semaines, le 12 février 2005, j’ai été arrêté de nouveau et je suis resté incarcéré pendant 21 mois.

La première fois, j’ai été arrêté pour avoir publié l’incarcération de trois bloggers de mon blog. Mais j’ai été accusé d’autres choses, en autres pour des articles que j’avais publiés sur mon blog. Certaines accusations étaient très graves comme insultes contre le Prophète Mahomet, passibles de la peine de mort si prouvées, insultes contre les ayatollahs Khomeini et Khamenei, crimes contre la sécurité nationale, troubles à l’opinion publique, propagande contre la république islamique et, par-dessus tout, insultes contre le prophète Mahomet.

Il était près de 20h00 quand j’ai été arrêté pour la première fois. J’étais chez moi avec ma mère, l’un de mes frères et un ami. Quatre personnes sont arrivées et m’ont demandé. Je suis allé voir qui ils étaient. Ils m’ont montré mon portrait et m’ont demandé si c’était bien moi, ce que j’ai confirmé. Ils m’ont montré un dossier qui contenait mes écrits et se sont présentés comme agents du maintien de l’ordre. Ils ont forcé l’entrée et ont dit qu’ils voulaient perquisitionner. J’ai demandé un mandat. Ils n’en ont produit aucun. Ma mère et moi avons reformulé notre demande d’un mandat et de qui ils étaient. Mais ils ont répété qu’ils étaient des agents de maintien de l’ordre. L’un d’eux a dit s’appeler monsieur Teherani.

Plus tard, durant les interrogatoires et les conversations avec ceux qui m’interrogeaient, j’ai découvert qu’ils appartenaient à un comité spécial illégalement institué par la Sepah (le conseil des gardes révolutionnaires, IRGC) sous la direction des juges Saïd Mortazavi et Moghadis (plus tard assassiné) pour lutter contre la cybercriminalité et réprimer les bloggeurs.

Ce comité, appelé « Bureau Internet » n’était pas officiellement établi. Il était néanmoins actif et visait les bloggeurs. J’avais posté sur mon blog un article sur leurs activités illégales avant mon arrestation. Les médias étaient plus ou moins au courant de l’existence de ce comité mais le gouvernement ne la confirmait pas.

Ils ont perquisitionné pendant une heure et demie. Pendant cette perquisition, mon père est arrivé. Il leur a aussi demandé le mandat de perquisition mais ils n’ont rien montré. Ils nous ont maudits et insultés durant la perquisition et m’ont menacé. L’un d’eux m’a forcé à accéder à mon blog pour en changer le contenu. Ils voulaient surtout que je réfute que les trois bloggeurs aient été arrêtés pour raison politique et voulaient que j’écrive que c’était pour avoir bu lors d’une soirée. Je ne l’ai pas écrit. L’un d’eux voulait utiliser la force et la violence. Ma mère et mon frère l’en ont empêché. Il m’a dit que je serai emprisonné pendant des années si je ne changeais pas le contenu de mon blog. J’ai écrit ce qu’il m’avait demandé mais de façon telle que les lecteurs flairent l’embrouille. Par exemple, j’ai écrit que j’allais à Shiraz pour participer à une foire aux livres. C’était pendant le mois du Ramadan et chacun sait que les foires aux livres n’ont jamais lieu pendant ce mois-là.

Je crois que, même si j’avais nié l’arrestation des trois bloggeurs, ils ne m’auraient pas relâché. Ils étaient venus pour m’arrêter. Ils ont ramassé tous mes documents personnels durant la perquisition.

Ils m’ont sorti de la maison, m’ont bandé les yeux et ont dit à mon père qu’ils avaient quelques questions à me poser et qu’ils me relâcheraient le lendemain. Deux voitures attendaient dehors. L’une d’elle était une fourgonnette et l’autre une Peugeot. Ils m’ont mis dans l’une d’elles et m’ont forcé à me mettre la tête entre les jambes.

Je ne savais pas où ils m’emmenaient. Au bout d’une demi-heure, la voiture s’arrêta. J’ai compris plus tard qu’il s’agissait de la prison d’Evine. J’ai passé un examen médical et on m’a posé quelques questions sur mon historique médical. Ils m’ont laissé debout devant un mur pendant 45 minutes puis m’ont conduit dans une cellule du bloc 2A administré par l’IRGC. Je suppose que ce bloc est situé au sud-est d’Evine. Ils continuaient à me menacer de me garder en prison pendant des années et de me soumettre au « poulet ». J’ai compris plus tard ce que cela signifiait. « Poulet » était le nom d’une torture. On attachait les prisonniers sur une planche, on le suspendait et on le fouettait.

De nuit, ils m’ont transféré dans une cellule d’isolement. J’y suis resté quatre nuits. On m’a donné un stylo et une feuille de papier et on m’a dit d’écrire si je voulais utiliser les toilettes et de passer le papier par la trappe. Il y avait une petite trappe en bas de la porte par laquelle on me passait ma nourriture. C’est vers cette époque que j’ai vu par hasard un bloggeur dans la prison ; son épouse avait rapporté sur son blog qu’il avait trouvé la mort dans un accident de voiture à Ahvaz. J’ai été surpris de le voir vivant.

La quatrième nuit, les interrogatoires ont commencé. J’ai eu environ 13 personnes pour m’interroger. Il semblerait qu’ils étaient tous membres d’une même équipe supervisée par le comité spécial établi pour réprimer les bloggeurs. L’un d’eux s’appelait Seyed Amir. Il y a quatre ans, j’ai découvert qu’il avait été nommé chef de la sécurité de l’université Allameh Tabatabaï. Je suppose qu’il l’est toujours. Au bout de quatre nuits, on m’a emmené pour m’interroger mais on m’a remmené en cellule immédiatement. J’ai vu qu’il y avait six salles d’interrogatoires dans notre bloc. Après m’avoir demandé mon identité, celui qui m’interrogé a ordonné au garde de m’emmener et de me ramener quand j’aurai fini de prier. Une demi-heure plus tard, on m’amena pour m’interroger. Dès que je suis arrivé, on m’a giflé et poussé contre le mur. Alors, cinq ou six personnes ont commencé à me frapper. On ne m’a posé aucune question pendant une demi-heure, on m’a juste frappé. Lorsque j’ai commencé à saigner, ils ont arrêté de me frapper. On m’a alors assis sur une chaise. Personne ne m’a dit de quoi j’étais accusé. Au bout d’un moment, on m’a remis à un garde qui m’a reconduit en cellule.

Le lendemain, vers quatre heures, un nommé Mohebi du bureau 21 du procureur de Téhéran a écrit ce dont j’étais accusé et m’a demandé de signer le papier. J’étais accusé de crimes contre la sécurité nationale et de troubles à l’opinion publique. Il a inscrit le montant de 150 millions de tomans en tant que caution sur la même feuille et m’a demandé de la signer. Je lui ai demandé ce qu’était ce montant et il m’a dit que c’était ma caution. Je lui ai demandé si ma famille était au courant et il m’a assuré que oui. Il mentait. Ma famille ne savait même pas où je me trouvais. Il n’a pas expliqué le pourquoi de ces accusations. J’ai demandé à rencontrer un avocat. Il m’a dit que je n’avais pas droit à un conseil juridique et que personne n’accepterait de me défendre.

La fois suivante, on m’a enveloppé la tête dans un sac plastique, menotté, couché sur le sol et attaché les pieds avec une corde. Puis on m’a choqué. Je suppose que c’était un choc électrique. J’ai eu très mal à la tête. Ce genre de mauvais traitements a continué pendant quelque temps. Après quelque temps, ceux qui m’interrogeaient m’ont dit qu’ils ne viendraient plus me parler à moins que je n’avoue et que je ne dévoile le nom et l’adresse de mes amis bloggeurs. Je ne connaissais pas les noms et adresses de mes amis bloggeurs. J’ai dit que je ne les savais pas. On me raccompagna en cellule. Personne ne vint me voir pendant 12 jours. Je me sentais insupportablement seul. Ceux qui m’interrogeaient étaient mon seul contact avec le monde extérieur. Ne les voyant pas revenir, je me suis mis en grève et je n’ai rien mangé pendant deux jours. Au bout de 12 jours, ils sont revenus. Pendant un moment, la pression a diminué. Ensuite, ceux qui m’interrogeaient n’ont plus utilisé la violence jusqu’à ce qu’ils soient remplacés et que les mauvais traitements recommencent.

Après quelques temps, j’ai découvert que 21 bloggeurs dont Hossein Reissi, Mohammad-Reza Khansari, Kaveh Ramezani, Afshin Zarieh ainsi que les trois bloggeurs dont j’avais dit qu’ils avaient été arrêtés sur mon blog, Mohammad Blodi, Omid Sheikhan et Peivand Sharif étaient tous dans la même prison que moi. Certaines nuits, on menait de front les interrogatoires des six bloggeurs dans les six salles. On nous battait. Ces nuits étaient terrifiantes. Une nuit, j’ai entendu que dans la salle adjacente à la mienne, on demandait aux deux hommes, deux bloggeurs, d’avouer qu’ils avaient des relations sexuelles illicites entre eux.

L’un d’eux était dans la cellule d’à côté. Il était jeune et m’a raconté une histoire très triste. Nous parlions à travers les petites trappes du bas des portes. Il me dit que plusieurs fois, un garde de service était entré dans sa cellule et lui avait demandé d’avoir des relations sexuelles. Il y avait six gardes de service en trois équipes. Il m’a dit avoir pleuré. Cet homme m’a dit qu’il était terrorisé par le garde et que, lorsqu’il était de service, il n’osait pas aller aux toilettes. Il était en grande difficulté

Nous frappions au mur de nos voisins quand nous voulions leur parler. J’ai frappé au mur pour lui demander de venir parler. Pendant deux nuits, il n’est pas venu. La troisième nuit, il est venu et il m’a dit qu’il avait été forcé à avoir des relations sexuelles avec le garde. Je crois que c’était la troisième semaine après mon arrestation. Habituellement, le garde entrait dans sa cellule à minuit. C’était juste pour le plaisir sexuel. Je l’ai poussé à porter plainte mais il ne voulait pas. Il était accusé de crimes graves. Il avait peur que son dépôt de plainte puisse le mettre encore plus en danger et alourdir sa peine. Il a plus tard été condamné à quatre ans de prison. Au bout d’un mois, la plupart des prisonniers ont été relâchés.

Au bout d’un moment, j’ai pu brièvement appeler ma famille pour l’informer que j’allais bien. La conversation n’a duré qu’une minute.

Je pense que c’était un mois et demi après mon arrestation ; j’ai rencontré un ami bloggeur aux toilettes. Il était très en colère. Il a pris le temps de m’expliquer combien il avait été maltraité la nuit précédente. On lui a ordonné soit de coopérer soit de manger un bol plein d’excréments. Comme il n’a pas avoué, il a été obligé de l’avaler. Il m’a dit qu’il l’avait fait.

Cette nuit-là, quand on m’a emmené pour m’interroger, j’ai remarqué que l’ancienne grossière équipe était de retour. Ils m’ont de nouveau demandé les noms et adresses de mes amis bloggeurs. Sincèrement, il y avait certains bloggeurs que je ne connaissais pas. Je suis devenu ami avec eux en ligne et j’ai posté des commentaires sur leurs pages. On m’a davantage maltraité qu’avant. Il était minuit. Ils m’ont montré un bol plein d’excréments, une feuille de papier et un stylo pour écrire. Ils m’ont donné un choix basique : avouer ou manger. J’ai dit que je ne savais pas. On m’a alors poussé la tête dans le bol d’excréments et me les ont fait manger. J’y ai été obligé. Il y avait environ quatre personnes dans la salle cette nuit-là.

Après cet incident, j’ai fait une nouvelle grève de la faim pendant cinq ou six jours. Les interrogatoires n’ont pas cessé. On me frappait moins mais la pression psychologique  augmentait. On m’a par exemple dit qu’on avait arrêté mon père parce qu’il demandait sans cesse de mes nouvelles. Une fois, on a insulté ma mère. Cela m’était insupportable et je me suis battu avec celui qui m’interrogeait. Une autre fois, on m’a montré de faux aveux d’un ami qui avait dit beaucoup de choses à mon propos. On m’a menacé d’une peine lourde. Ils voulaient en savoir plus sur les autres bloggeurs et continuaient à me poser des questions à leur sujet. On m’a par exemple interrogé sur Behzad, un bloggeur qui avait écrit des articles sur la religion sur son blog. Je ne le connaissais pas. On m’a dit de dévoiler ses coordonnées sinon je serai violé avec une matraque.

Les intimidations et les discussions sexuelles faisaient partie intégrante de beaucoup d’interrogatoires. Quelquefois, ils décrivaient un viol avec des détails tellement horribles que j'en vomissais. Par exemple, on m’expliquait comment je serai violé. Durant les interrogatoires, on me posait des questions sur mes relations sexuelles avec mes amies. On voulait par exemple que j’avoue des relations sexuelles avec mes amies. Une de mes amies était journaliste. Ils voulaient que j’avoue avoir eu des relations sexuelles avec elle. J’ai parlé avec elle il y a quelques temps, après sa libération après les manifestations post-électorales de 2009. On lui avait posé le même genre de questions durant sa détention. On voulait aussi que je décrive l’acte sexuel d’un de mes ami avec sa fiancée.

Quelques temps plus tard, je crois que c’était après ma deuxième grève  de la faim, un religieux est venu me voir. J’avais les yeux bandés et j’étais menotté. Il m’a fait asseoir sur une chaise pendant six ou sept heures. En parlant, il mangeait des fruits secs. Il m’a expliqué le genre d’ennuis que j’aurai si je n’avouais pas. Il a parlé des élections américaines et iraniennes. Cette nuit-là, j’ai découvert que ma détention provisoire avait été renouvelée pour deux mois.

Je me suis mis en grève pour la troisième fois. On m’a alors permis de rencontrer ma famille et j’ai arrêté ma grève. Ma famille ignorait où je me trouvais. Ils étaient allé dans différents endroits pour demander de mes nouvelles. Nulle part on ne leur a dit que j’étais détenu.

Après 60 jours, on m’a pressé de donner une interview filmée. On m’a demandé de parler d’Internet et de témoigner que ceux qui l’utilisaient seraient corrompus. Je n’ai pas accepté cette interview filmée. Néanmoins, après huit jours, la pression a diminué et j’ai été libéré sous caution après 88 jours. J’avais passé tout ce temps à l’isolement.

Le soir où j’ai été libéré, je me suis créé un nouveau blog où j’ai écrit ce qui m’étais arrivé en prison. Deux ou trois jours plus tard, je me suis rendu au bureau de Shirin Ebadi, le Centre de Défense des Droits Humains, où j’ai demandé asile. J’ai porté plainte auprès de la Commission Islamique des Droits Humains et j’ai écrit à Khatami, le président d’alors, et à l’ayatollah Shahroudi, chef de la justice.

Deux semaines plus tard, le 13 février 2006, j’ai donc été de nouveau arrêté. J’ai reçu une sommation à comparaître au bureau du procureur de la 21ème chambre de Téhéran. Là, Mohebi, celui qui m’avait interrogé, m’a dit qu’il m’avait averti de ne pas parler de mon expérience en Iran avec qui que ce soit. Il a ensuite rédigé les accusations : crime contre la sécurité nationale, trouble à l’opinion publique, publication de faux pour troubler l’opinion publique, négation de l’avènement du Mahdi (crime qui n’existe pas dans le code pénal), propagation de l’immoralité, relations sexuelles illicites, insultes aux prophètes et aux ayatollahs Khomeiny et Khamenei.

Mohebi voulait que je signe cet acte d’accusation. Je ne l’ai pas signé. J’avais deux avocats : Mohammad Seifzadeh et Fereydoun Shami. J’ai dit que je voulais rencontrer mon avocat avant la signature de l’acte d’accusation. Il m’a dit que si je ne signais pas, je serai arrêté. Je n’ai pas signé et Mohebi a ordonné mon arrestation. J’ai été transféré à Evine et mis en quarantaine. A Evine, on m’a enregistré mais on n’a pas fait d’examen médical. Je suis resté deux jours en quarantaine puis j’ai été transféré à Ghezel Hessar.

Après mon admission, j’ai été transféré au bloc trois. Ghezel Hessar compte huit blocs. Ceux qui m’interrogeaient m’ont rendu visite à de nombreuses reprises à Ghezel Hessar et m’ont interrogé. Les interrogatoires portaient de nouveau sur mes relations sexuelles. Ils voulaient connaître mes relations avec une femme qui vivant à l’étranger. J’ai entendu dire qu’après son retour, on l’avait poussé à porter plainte contre moi pour agression sexuelle. Mais elle ne l’a pas fait.

Après quelques temps, on m’a transféré dans un autre bloc. Les drogues étaient facilement disponibles. J’ai assisté au viol de jeunes prisonniers par des prisonniers plus âgés ; à plusieurs reprises. Les prisonniers qui y étaient le plus sujets étaient les jeunes hommes qui sortaient de maisons de correction une fois leurs 18 ans atteints. Les prisonniers voyous qui étaient plus forts pratiquaient communément des abus sexuels sur les plus jeunes et les violaient. La première salle du bloc trois abritaient les prisonniers de moins de 24 ans. J’y ai vu beaucoup de victimes de viols. Quelquefois, quand l’un deux s’opposait aux gardes, il était puni et envoyé dans une autre salle. Là, parmi les voyous, il était vulnérable et facilement violé.

Je n’ai pas eu connaissance de viols commis sur ces hommes par les gardes. J’ai rapporté le viol des prisonniers aux autorités mais ils ne s’en sont pas occupés. J’ai eu connaissance du viol des prisonniers dès la première semaine. J’étais à la douche. Il y avait six ou sept salles dans notre bloc. Les portes n’étaient que partielles et on voyait les pieds et les têtes des prisonniers. Une fois dans les douches et plusieurs fois à l’intérieur du bloc, j’ai été témoin de viols. Beaucoup de prisonniers de Ghezel Hessar ont bien connu ce genre de situation.

Après quelques temps, le chef de notre bloc m’a donné comme tâche de lui rapporter le nombre de prisonniers dans chaque salle tous les soirs. J’allais donc dans les toutes autres salles pour y compter les prisonniers. J’ai vu à plusieurs reprises que les prisonniers les plus âgés agressaient sexuellement les plus jeunes dans ces salles.

J’ai vécu six mois parmi les prisonniers afghans. Ils étaient très mal traités en prison. Je ne me souviens plus de la date Tôt le matin, nous avons été réveillé par un cri extrêmement fort. Le chef de notre bloc nous a dit qu’un Afghan s’était querellé avec un garde et qu’on l’avait amené au bureau principal et que c’était sa voix. Il avait raison, c’était bien la sienne. On le violait avec une matraque là-bas. On le ramena dans la salle au bout de deux heures et c’est là que je l’ai vu.

Après le viol, deux prisonniers afghans l’ont emmené à l’infirmerie. Quand il est revenu, mes camarades de cellule afghans m’ont demandé de faire quelque chose pour lui. J’ai contacté Mohsen Beigui pour lui demander conseil. Nous avons décidé d’écrire une lettre pour se plaindre des gardes. Le prisonnier agressé l’a signée. Mes camarades de cellule ont signé en tant que témoins. Le prisonnier agressé s’est rendu au bureau principal pour remettre la plainte. Il était accompagné par notre représentant de bloc. Trois ou quatre heures plus tard, ils sont revenus avec des sacs de bonbons, de chocolats et de fruits secs. J’ai compris qu’on lui avait aussi remis de l’argent. Le garde l’avait convaincu de retirer sa plainte et il avait accepté.

On m’a ensuite convoqué au bureau principal. On m’a menacé au cas où je poursuivrais cette plainte ; on m’a dit que si je le faisais, je serais en grave danger puisqu’ils avaient réussi obliger le prisonnier à retirer sa plainte.

Les gardes étaient au courant des viols en prison mais ils ne voulaient pas s’en occuper. Ils les considéraient comme un phénomène carcéral ordinaire et routinier au même titre que les bagarres et les drogues. Quand je leur en ai parlé, ils m’ont dit être incapables de les contrôler. En fait, ils ne voulaient pas s’en occuper ou de les contrôler. Ils les ignoraient et laissaient faire. Ils ne tentaient pas de prévenir les agressions ou de punir, ne serait-ce que symboliquement, les agresseurs.

J’ai été jugé par trois tribunaux. La 13ème chambre du tribunal révolutionnaire m’a jugé pour crime contre la sécurité nationale et insultes contre les ayatollahs Khomeiny et Khamenei. Elle m’a déclaré non-coupable de crime contre la sécurité nationale mais coupable d’insultes contre les ayatollahs Khomeiny et Khamenei et m’a condamné à la peine maximale, deux ans de prison. Les autres chefs d’accusation, propagation de l’immoralité, trouble à l’opinion publique par diffusion de fausses informations et relations sexuelles illicites ont été jugés par le tribunal spécial de conduite du 21ème district de Téhéran. On m’a jugé non coupable de prostitution mais coupable de trouble à l’opinion publique et condamné à 10 mois de prison. Pour relations sexuelles illicites, j’ai été condamné à une amende de 100.000 tomans. Mon procès le plus dur était pour insulte contre le prophète qui s’est tenu à la 16ème chambre du tribunal criminel, qui m’a déclaré non-coupable. En tout, j’ai été condamné à 36 mois de prison et à 100.000 tomans d’amende.

Je suis resté en prison 21 mois puis j’ai été libéré sous caution. Je suis resté en Iran deux autres années et je suis parti en 2008.

Source : http://www.iranhrdc.org/english/publications/reports/3401-surviving-rape-in-iran-s-prisons.html#.UAaOZrS7W2A

dimanche 18 mars 2012

Ebrahim Mehtari - Histoire de mon Calvaire


Pour m’être opposé à la tentative de prise de pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad lors des élections présidentielles de 2009 dans ma patrie, l’Iran, j’ai été jeté en prison, violé, torturé et laissé pour mort sur le bas-côté d’une route. L’oppression dont j’ai été victime est la preuve de la faiblesse du régime iranien, ce que la communauté internationale doit exploiter alors que la commission aux droits humains de l’ONU tient cette semaine sa première session sur l’Iran.

Pour partager mon histoire avec le monde entier et pour demander aux nations de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour arrêter un régime qui dévore ses propres enfants, je témoignerai mardi au sommet des victimes qui se tiendra à côté de la session de l’ONU. Les états-membres devront décider de renouveler ou pas le mandat du rapporteur spécial, alors que la situation des droits humains en Iran ne fait qu’empirer. Malheureusement, le conseil supérieur aux droits humains a ignoré les violations grossières de ces droits pendant la période cruciale de la répression de 2009. Il a fini par agir en mars dernier. Le conseil a enfin créé le poste d’observateur indépendant, mettant ainsi l’Iran sous surveillance pour la première fois. Ahmed Shahid, ancien ministre des affaires étrangères des Maldives, a été nommé pour un an.

Il est cependant regrettable que le message adressé à Téhéran l’année dernière ait été affaibli par le fait que seuls 22 des 47 états-membres ont voté ce mandat (sept contre, 14 abstentions et trois absents et un pays, la Libye, incapable de voter à cause de la suspension de son adhésion). Une approbation a peine audible.

C’est la première fois cette semaine que Shahid donnera son rapport au conseil. Les états-membres doivent s’assurer que ce ne sera pas le dernier en renouvelant son mandat, et cette fois-ci, par une large majorité qui sera entendue dans le monde entier. Exposer les violations de l’Iran aux yeux du monde rappelle au régime qu’il ne trompe personne par ses mensonges et ses prêches hypocrites sur la moralité et la justice.

Il m’est difficile de raconter mon histoire, mais, si je ne le fais pas, et si elle n’est pas entendue et suivie d’actions, des centaines et des milliers de mes compatriotes continueront à être arrêtés, brutalisés et exécutés. C’est pourquoi j’ai décidé de monter sur le podium cette semaine au Sommet de Genève pour les Droits Humains et la Démocratie, parrainé par UN Watch et 20 autres organisations non gouvernementales de défense des droits humains, qui vont rassembler des militants célèbres qui ont été victimes d’oppression et d’emprisonnement.

En 2009, je travaillais pour la campagne présidentielle de Mir Hossein Moussavi, ancien premier ministre réformiste, dans le but d’introduire une vraie moralité dans la gouvernance iranienne. Quand le régime a détourné les élections, j’étais un bloggeur, diffusant les nouvelles des manifestations. Alors les gardes révolutionnaires m’ont enlevé en me menaçant d’une arme à feu en août de cette année-là. Ils m’ont emmené dans une prison secrète de l’est de Téhéran aux mains des tortionnaires sadiques du régime.

Les tortures que j’ai subies ont été documentées. Normalement, lorsqu’ils traitent des patients victimes de la torture du régime, les hôpitaux iraniens s’abstiennent de garder des traces écrites. Mais dans mon cas, le jeune couple qui m’avait trouvé, ensanglanté et battu, a supposé que j’avais été victime de brigands ordinaires. Quand l’hôpital a appris que j’avais été emprisonné, mon dossier médical a disparu. Mais je m’étais arrangé pour en garder une copie, ce qui fait de moi l’une des rares victimes de l’Iran possédant des traces écrites des tortures subies. Je distribuerai des copies de ce document glaçant lors du sommet, et d’autres militants du monde entier feront pression sur le Conseil aux Droits Humains pour qu’il écoute aussi leurs histoires atroces.

Le rapport médical fait état de brûlures causées par des cigarettes sur tout le corps, des ecchymoses dues à des coups portés par des fléaux métalliques et d’autres objets ainsi que de blessures profondes sur les jambes et les bras. Je confirme également que j’ai subi des blessures venant de ce que l’on appelle en Iran taaroz. Pour cela, ceux qui m’interrogeaient ont utilisé une matraque, mais je ne me souviens de rien d’autre parce que j’ai immédiatement perdu connaissance tant était grand le supplice. L’occident et les lois internationales donne un autre nom au taaroz : le viol. L’Iran nie exercer des violence sexuelles ou des tortures dans ses prisons. Mais je témoignerai par mon expérience personnelle et profondément douloureuse qu’il ne s’agit que de mensonges.

Ma cellule était un endroit infernal au sol tâché de sang et jonché de débris de draps sales, déchirés par les prisonniers qui m’avaient précédé pour envelopper leurs blessures. La camera tournait tant que ceux qui m’interrogeaient me demandaient de signer des aveux m’accusant d’activités comme « travailler avec les réseaux Facebook ». Quand la lumière de la caméra s’est éteinte, la torture a commencé. Au fil des jours, la lumière de la camera était plus souvent éteinte qu’allumée, jusqu’à ce que je m’écroule sous les coups de ceux qui m’interrogeaient et que je ne puisse plus bouger.  Me croyant mort, ils me sortirent de prison pour me jeter dans un fossé de la banlieue de Téhéran.

Peu après, j’ai fui le pays en me rendant en Turquie. C’est là, fin 2009, qu’un homme qui parlait Persan est apparu et m’a murmuré des menaces si je ne gardais pas le silence sur les violences que j’avais subies. J’ai néanmoins choisi de parler haut et fort dans divers forums publics.

La république  islamique d’Iran a depuis longtemps cessé d’être islamique ou républicaine. Les actes du régime ont changé beaucoup d’anciens amis, comme moi, en opposants. Pour le peuple d’Iran, je demande instamment au Conseil des Droits Humains de l’Onu, non seulement de reconduire l’enquête sur les violations de l’Iran, mais encore de le faire avec une forte majorité.
Mehtari est un militant des Droits Humains iranien qui vit à Paris.

Source : http://www.nydailynews.com/opinion/i-raped-tortured-iranian-regime-article-1.1037697?pgno=1



dimanche 21 février 2010

Le viol systématique, comme arme de répression en Iran

Les agressions sexuelles contre les hommes et les femmes sont systématiquement utilisées en Iran pour essayer d’étouffer l’opposition. Cet article remarquable a été publié par Mahmood Delkhasteh dans le Guardian le 16 février dernier (traduction réalisée par Ghazamfar).

Les Violeurs du Régime Iranien
Mahmood Delkhasteh, Guardian

Tôt un matin de 1981, je suis arrivé au collège où j’enseignais à Téhéran et deux gardes de la fameuse prison d’Evine m’ont informé que l’un des collégiens avait été arrêté et ne reviendrait pas au collège. Je savais que son père était trafiquant de drogue et je supposais qu’il avait été arrêté pour des accusations semblables. C’était à l’apogée de la lutte post-révolutionnaire entre le front démocratique révolutionnaire conduit par le président d’alors Abolhassan Banisadr, et le front dictatorial conduit par le parti de la république islamique et ses alliés. Quelques mois plus tard, Banisadr était chassé par un coup d’état et j’étais renvoyé de mon poste d’enseignant.

Plus tard, j’ai appris que le même jour, mon élève avait été libéré et engagé comme garde dans la même prison. J’ai aussi appris de sa grand-mère qu’il ne s’intéressait pas à la drogue mais qu’il avait violé sa sœur et l’avait mise enceinte. A cette époque, les histoires de femmes et de filles violée en prison étaient si nombreuses que l’Ayatollah Montazeri avait envoyé une équipe pour enquêter. Ils n’ont pu que confirmer les rumeurs. Les gardiens de prison, dont beaucoup de malades mentaux comme mon élève, avaient pour tâche de violer les femmes, l’un d’eux était même surnommé « hamishe dâmâd » (le jeune marié éternel).

En d’autres termes, le viol n’a rien de neuf pour ce régime qui maintenant tente même en vain de se cacher derrière l’islam. Néanmoins, après le soulèvement de juin dernier, nous voyons l’émergence d’une forme de viol plus largement répandue et qui s’étend aussi aux hommes. Non pas que cela n’ait pas existé auparavant, mais le viol est maintenant utilisé de façon systématique. Peu d’informations circule sur ce sujet à ce jour.

La maltraitance à la prison de Kahrizak, l’Abu Ghraïb iranien, n’a filtré que parce que Mohsen Rouh-ol-Amini, fils d’une personnalité conservatrice, y est mort sous la torture. Le régime a été contraint de fermer la prison, et, plus tard, en août 2009, l’Ayatollah Karroubi a publié une déclaration disant, entre autres, que quelques prisonniers avaient été violés. Après de telles révélations, on aurait pu penser que le régime arrêterait cette forme brutale de torture contre ses opposants. Mais les victimes et les témoins ont confirmé qu’elle continuait. Il y a quelques semaines, par exemple, les gardes révolutionnaires ont arrêté une groupe de femmes qui se rassemble tous les samedis au Parc Laleh pour protester contre la détention de leurs enfants. Une mère a révélé qu’elle avait vu pendant sa détention un adolescent implorer un juge de ne pas le renvoyer à l’isolement. Quand le juge lui demanda pourquoi, il répondit : « Parce qu’ils n’arrêtent pas de me violer ». Il y a deux mois, le fils d’un ami a été arrêté lors d’une manifestation et a dû mener le combat de sa vie pour éviter d’être violé par les gardes dans la voiture. Le 12 février, Fatéméh Karroubi, épouse de l’Ayatollah Karroubi a écrit une lettre ouverte à Khamenei donnant les détails de l’arrestation de son fils de 38 ans au moment de l’attaque de la voiture de son père pendant une manifestation lors du 31ème anniversaire de la révolution de 1979. Elle y décrit comment son fils a été méchamment maltraité physiquement et oralement dans une mosquée. Les gardes l’ont menacé de viol.

Bien que les faits soient maintenant connus, le régime continue d’utiliser le viol et la menace de viol comme une arme contre ses opposants qu’ils soient hommes ou femmes, pourquoi ? Il faut comprendre la question dans son contexte culturel. Le régime sait que tuer un opposant, c’est le transformer en martyr ce qui peut en encourager d’autres à se joindre à la lutte. Le viol peut lui avoir des effets dévastateurs non seulement sur une personne mais aussi sur la morale politique. Le régime croit que la société pense que personne ne peut devenir un héros pour avoir été violé. Dans ce contexte, il est facile de risquer sa vie pour ses convictions, mais plus difficile de se joindre aux manifestations, sachant que l’on peut être violé. De plus, le régime a du mal à cacher les meurtres de ses opposants, mais il peut souvent neutraliser les opposants par le viol, la plupart des victimes étant trop traumatisées ou ayant trop honte pour rendre les faits publics.

On ne sait pas si cette menace de honte gardera son pouvoir. Tout au long de cette lutte révolutionnaire, nous observons des changements époustouflants dans les normes et les valeurs culturelles, spécialement dans les relations entre les sexes et en opposition au patriarcat. On a vu comment les efforts du régime pour humilier un étudiant en publiant sa photo habillé en femme a fait chou blanc; en quelques heures, des milliers d’autres hommes se sont fait tirer le portrait en vêtements féminins et les ont publié sur Internet pour exprimer leur solidarité. Bien sûr, des siècles de valeurs et de relations marquées du sceau du patriarcat ne vont pas disparaître en une nuit. Mais la société iranienne a vite appris que, quiconque souffre à cause de sa lutte contre le régime le plus barbare que le pays ait connu lors des deux derniers siècles est un héros.

Ce régime lutte maintenant pour sa survie et n’a plus de limites. Depuis qu’Ahmadinedjad a été nommé président et que les généraux des gardes révolutionnaires ont envahi l’Etat et l’économie, on peut à juste titre considérer l’Iran comme une mafia militaro-financière. Et comme dans tout état totalitaire, on a recherché et entraîné les individus les plus déshumanisés pour en faire des armes décisives, efficaces et efficientes dans cette lutte.

Ils sont bien sûr coupables. Mais d’autres doivent être pris en compte. Khamenei, en tant que guide suprême et détenteur, aux dires de ses idéologues comme l’Ayatollah Mesbah Yazdi du pouvoir absolu, sur la vie, les propriétés et l’honneur de chaque Iranien, qui a ouvertement déclaré la guerre aux manifestants après les élections, porte la responsabilité ultime de ces crimes. Il a aussi été accusé d’avoir tué ses opposants par un tribunal allemand dans le procès Mykonos, et a reçu de nombreuses lettres l’appelant à rendre compte d’autres crimes et abus.

La lettre de Fatémeh Karroubi en est le dernier exemple public. Les organisations des droits humains ont également beaucoup de preuves de toutes sortes de crimes commis contre le peuple iranien par ce régime et nous espérons qu’ils vont bientôt commencer à mettre en place une cour internationale dans laquelle Khamenei serait accusé de crimes contre l’humanité.

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