Avocate, Journaliste, Nationaliste, Croyante : Nasrine Sotoudeh, l’inoxydable
Dans l’histoire moderne de l’Iran, certaines professions ont toujours été extrêmement dangereuses à exercer. L’Iran a toujours été dirigé par une dictature ou une autre, avec de brèves interruptions ce qui fait que la carrière politique a toujours été considérée comme dangereuse. Ce que m’a dit feu mon père en 1972 résume parfaitement la situation politique de cette époque, et c’est toujours vrai. Je venais d’avoir mon baccalauréat et m’apprêtais à passer le concours d’entrée à l’université. Je voulais étudier les sciences politiques, la politique me passionnait déjà au lycée. Mon père m’a dit : « Si tu étudies les sciences politiques et que tu obtiens un diplôme, et je suis sûr que tu l’auras, tu rejoins soit l’opposition [au shah Mohammad-Réza Pahlavi], soit le gouvernement. Si tu choisis l’opposition, tu finiras en prison. Si tu choisis le gouvernement du shah, tu finiras quand même en prison car le régime sera renversé un jour ou l’autre. Tu risques même d’être tué, dans les deux cas, alors laisses tomber la profession politique. »
Depuis l’aube du 20ème siècle et hormis la politique, il n’existe pas de profession plus dangereuse en Iran que le journalisme. Si l’on regarde l’époque de la révolution constitutionnelle 1905-1908,
- Mirza Djahangir-Khan Shirazi (1875-1908), plus connu sous le nom de Mirza Djahangir-Khan Sour-e Esrafil, un journaliste et intellectuel révolutionnaire, fondateur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire progressiste Sour-e Esrafil, fut exécuté après le coup d’état du shah Mohammad-Ali Qadjar contre les constitutionnalistes. Il haïssait tellement Sour-e Esrafil qu’il assista en personne à son exécution.
- L’écrivain et critique littéraire Mirza Aqa Khan Kermani (1853-1908) a également été décapité sur ordre du shah Mohammad-Ali Qadjar.
- Sheikh Mohammad Khiabani (1880-1920) a été tué au crépuscule de la dynastie Qadjar. Révolutionnaire de gauche, Khiabani avait ré-institué le parti Démocratique de Tabriz après son interdiction qui avait duré cinq ans. Suite à la révolution russe de 1917, il a publié le quotidien Tajaddod (Modernité) en tant qu’organe de son parti politique. Il a été tué par les forces gouvernementales.
Les meurtres et emprisonnements de journalistes ont continué depuis lors.
Représenter le peuple en tant que journaliste passionné de politique, voilà une autre profession à risques en Iran. Et c’est avéré depuis que le héros national, le Docteur Mohammad Mosaddegh a été le premier Iranien à obtenir un doctorat de droit en France en 1919. Il s’est fait l’avocat de toute la nation en nationalisant l’industrie pétrolière et en tenant tête aux Etats-Unis et à la Grande-Bretagne. Avant même Mossadegh, Ali Akbar Davar (1888-1937), l’un des plus fidèles serviteurs de Réza shah et le concepteur de la justice iranienne moderne, s’est suicidé parce qu’il pensait que Réza shah allait l’assassiner.
Après le renversement du Docteur Mossadegh par le coup d’état de 1953 orchestré par la CIA et le MI6, le shah a continuellement refusé de reconnaître que l’Iran avait des prisonniers politiques. Quand la presse étrangère l’interrogeait à ce sujet, il répondait généralement : « Nous n’avons pas de prisonniers politiques, nous avons des terroristes. »La presse nationale n’osait même pas l’interroger à ce sujet.
Aujourd’hui, la république islamique reprend les déclarations du shah, même si la « justification » en est différente. La justice iranienne répond habituellement ne pas avoir de prisonniers politiques parce que « les infractions politiques n’ont même pas été définies ». Le shah les appelait des « meurtriers », la république islamique traite les manifestants pacifiques « d’agents de l’étranger ». L’ayatollah Seyyed Ali Khamenei les a récemment traités de « microbes ».
En niant l’existence des prisonniers politiques, le shah avait créé un autre problème. Les tribunaux civils refusaient de juger les prisonniers politiques. Les juges étaient hommes d’honneur qui refusaient la déclaration du shah disant qu’il n’y avait pas de prisonniers politiques. Ce qui obligea le shah à faire juger les prisonniers politiques lors de procès à grand spectacle par des cours martiales. Pour prouver que les prisonniers politiques étaient vraiment des terroristes, le shah ordonna de diffuser en direct le procès en cour martiale de deux membres de l’opposition et intellectuels de gauche. A la même époque, le gouvernement accueillait à Téhéran une conférence sur les droits humains et le shah tentait de faire croire qu’il respectait les droits humains.
La tentative du shah pour se présenter comme un « champion » des droits humains est très semblable aux allégations actuelles de la république islamique qui dit se préoccuper des droits humains, pas en Iran bien sûr, aux Etats-Unis, au Canada, en Grande Bretagne, dans d’autres pays occidentaux ainsi qu’en Palestine. Après tout, selon Mahmoud Ahmadinedjad : « L’Iran est le pays le plus libre du monde » ; il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter des violations des droits humains en Iran ni du sort des prisonniers politiques.
Les deux intellectuels dont le shah a diffusé le procès étaient Khosrow Golesorkhi (1944-1974) poète, journaliste et militant communiste et Keramat Danishian (1944-1974) metteur en scène de cinéma, poète et militant de gauche. Ils ont été accusés de planifier le kidnapping du shah et de sa famille. Je me souviens encore très bien du procès. Golesorkhi était très éloquent et, au lieu de se défendre, il a fait le procès du régime du shah. Il a aussi déclaré que, bien que socialiste, il avait le plus profond respect pour l’imam Ali et son fils l’imam Hossein, les premier et troisième imams chiites, qui sont tous deux largement révérés en Iran, anéantissant ainsi les espoirs du shah de présenter les deux intellectuels comme des « communistes impies ».
Ce fut un retour de flammes. Le courage de Golesorkhi et Daneshian a beaucoup affecté la population. Elle voyait le vrai visage du régime du shah et la profondeur de la brutalité de la dictature. On dit aux deux hommes qu’il leur faudrait implorer la clémence du shah pour échapper à l’exécution et qu’ils pourraient peut-être même être libérés. Tous deux refusèrent comme ils refusèrent le bandeau au moment de l’exécution.
Les durs du régime disent aux prisonniers politiques actuels la même chose que le régime du shah : s’ils demandent à Khamenei, le guide suprême, de les gracier, ils seront libérés ou leur peine sera largement réduite. A ma connaissance, aucun ne l’a fait. Et ils endurent de longues peines de prison.
- Par exemple, on a dit à Mahsa Amrabadi que, puisque son mari, le journaliste Massoud Bastani, avait refusé d’implorer la clémence, on lui avait donné 15 ans. Mahsa Amrabadi elle-même a pris un an pour avoir parlé en public du sort de son mari.
- Le Docteur Ahmad Zeidabadi, un journaliste remarquable et courageux, a pris six ans de prison, cinq ans d’exil intérieur et une interdiction d’écrire à vie pour avoir simplement écrit une lettre critique à Khamenei et avoir refusé de s’en excuser. Sa famille a été soumise à des pressions pour ne pas en parler.
- On avait dit à Arash Rahmanipour, exécuté il y a quelques mois à l’âge de 19 ans, que s’il avouait (des crimes qu’il n’avait pas commis) sa peine de mort serait réduite à 10 ans de prison. On a menacé son père d’arrestation si son fils « n’avouait » pas.
- Le journaliste réformiste Abdolréza Tadjik a été arrêté en juin et on est resté sans nouvelles de lui pendant un certain temps. Quand sa famille a fini par découvrir son lieu de détention, sa sœur, Parvin a rapporté à la BBC les paroles de son frère : « Ma première nuit en détention, en présence du substitut du procureur et d’un magistrat de la première chambre, j’ai été violé. » On l’a rapidement citée à comparaitre et accusée de propagande contre l’Etat.
Aucun officiel de la république islamique ne veut répondre à cette simple question : si ce que l’on fait aux prisonniers politiques est légal, alors pourquoi leurs familles sont-elles menacées, arrêtées et même condamnées à de la prison uniquement pour avoir parlé du sort de leurs êtres chers ?
Après la révolution de 1979, la justice iranienne a entrepris des changements fondamentaux, pour le pire. En plus des tribunaux habituels, on a établi des tribunaux révolutionnaires. Sur ordre de l’ayatollah Rouhollah Khomeiny, un « tribunal exceptionnel du clergé » a également été créé pour servir essentiellement d’outil de répression contre les religieux dissidents. C’est un tribunal illégal, qui n’a aucune base constitutionnelle mais qui est toujours en activité.
Même dans la justice iranienne actuelle, la grande majorité des juges sont des hommes d’honneur. Mais une petite faction extrémiste, dont la majorité, si ce n’est la totalité, sortent du séminaire Haghani de Qom dirigé par l’ayatollah Mohammad-Taghi Mesbah-Yazdi, s’occupent des prisonniers politiques. Les juges qui refusent de donner de longues peines aux prisonniers politiques sont immédiatement révoqués. En 2000, le journaliste Akbar Gandji a été condamné à 12 ans. Le juge Ali Bakhshi de la cour d’appel a réduit cette peine à 6 mois estimant que Gandji n’avait pas commis de délit. Bakhshi a été immédiatement contraint de quitter l’institution judiciaire et son verdict annulé. Gandji a finalement purgé une peine de 6 ans de prison.
Dans ces conditions, il est clairement dangereux d’être journaliste ET avocat représentant des prisonniers politiques, impliqué dans les problèmes de droits humains. Il y a très peu de ce genre de personnes nobles en Iran. L’une d’entre elles est Nasrine Sotoudeh, journaliste, avocate, défenseur des droits humains et vraiment courageuse.
Nationaliste et Croyante
Nasrine Sotoudeh Langroudi est née en 1963 à Téhéran dans une famille de classe moyenne ; elle a une sœur et deux frères. Son père était homme d’affaires et sa mère femme au foyer. Ses parents, surtout sa mère, étaient très croyants. Nasrine a donc été élevée dans la foi. Elle a dit que, bien que sa mère ait été très croyante et n’ait pas reçu beaucoup d’éducation, elle a permis à ses enfants d’explorer la religion par eux-mêmes et de se faire leurs propres idées. Nasrine a beaucoup été influencée par l’exemple de sa mère et se considère toujours comme une femme croyante.
Après son baccalauréat, Nasrine réussit le concours national d’entrée à l’université et a intégré l’université Shahid Béhesti de Téhéran. Elle a obtenu un master en droit international en 1989. Lors de ses études, elle a été influencée par le travail de la Coalition Nationaliste-Religieuse (NRC), un groupe opposé aux durs du régime. Le NRC est composé de plusieurs groupes islamiques de gauche qui se sont opposés au shah. Plusieurs personnalités de ce groupe ont fait partie du gouvernement provisoire révolutionnaire du premier ministre Mehdi Bazargan (1907-1995) formé après le renversement du régime du shah. Quand les étudiants islamiques de gauche ont envahi l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran le 4 novembre 1979, Bazargan et son gouvernement démissionnèrent et le NRC rejoignit l’opposition. Le groupe est actuellement dirigé par des personnalités politiques connues de longue date comme Ezatollah Sahabi et le Docteur Habibollah Payman. Ce dernier, dentiste, a été le fondateur de Jonbesh-e Mosalmaanaan-e Mobaarez (Mouvement des Musulmans Militants), un groupe islamique de gauche anti-impérialiste actif de 1977 à 1981. Il a arrêté toute activité pour protéger ses membres et ses sympathisants des poursuites judiciaires et des exécutions des années 80 mais a repris ses activités politiques dans les années 90.
A partir de 1991, Nasrine et d’autres amis partageant ses idées nationalistes et religieuses, ont commencé à publier Daricheh Goftegoo (La Petite Porte de la Conversation) un mensuel qui est rapidement devenu très populaire. Elle était la seule femme des huit membres du comité de rédaction. Des laïcs de gauche participaient également à Daricheh Goftegoo. Les deux groupes étaient liés par leur opposition commune aux durs du régime et aux réactionnaires. Nasrine était chargée de l’évolution sociale. A mesure que sa popularité augmentait, le magazine a commencé à se pencher sur des sujets jusque là tabou en république islamique et à souligner les aspects réellement iraniens des vies de ceux qu’il interviewait ou étudiait, comme Bazargan et Payman, plutôt que les seuls aspects religieux qui avaient les faveurs du régime. C’est à Daricheh que Nasrine a rencontré son futur mari Réza Khandan. Ils se marièrent en 1994 et ont une fille de 11 ans Mehraveh, et un garçon de 3 ans Nima.
Nasrine a réussi l’examen du barreau en 1995, mais elle n’a eu le droit de plaider que huit ans plus tard. Pourquoi ? Comme tout le reste en Iran, cette autorisation est politique. Le ministère du renseignement s’opposait à accorder à Nasrine cette autorisation en raison de ses liens avec la Coalition Nationaliste-Religieuse d’opposition. Elle remercie Farideh Gheyrat, une avocate de renom qui a représenté quelques uns des prisonniers politiques les plus célèbres de l’avoir aidé à obtenir cette autorisation.
Les années 90 ont vu deux courants s’opposer. D’un côté, comme les souvenirs de la guerre avec l’Irak s’éloignaient, il y avait plus de liberté politique ce qui a permis l’émergence de Daricheh, Iran-e Farda (L’Iran de Demain) publié par Ezatollah Sahabi, dirigeant de la Coalition Nationaliste-Religieuse, Kian publié par les sympathisants de l’intellectuel islamique le Docteur Abdolkarim Soroush et du quotidien Salaam publié par l’ayatollah de gauche Seyyed Mohammad Moussavi Khoeiniha. A la même époque, de l’autre côté, les meurtres secrets de dissidents et d’intellectuels, plus connus sous le nom de meurtres en chaîne, avaient lieu à l’automne 1998. Le ministère du renseignement, dirigé par le célèbre religieux Ali Fallahian, convoquait sans arrêt les journalistes, les intellectuels et les dissidents au quartier général et les mettait en garde contre leurs activités. Le personnel de Daricheh ne faisait pas exception.
C’est donc une Nasrine inquiète qui a préparé un papier sur les droits des prisonniers et détenus politiques. Intitulé Le Délit Politique, il décrivait les procédures légales pour la détention et l’interrogatoire des militants politiques ainsi que leurs droits pendant la garde à vue. Il soulignait que, suivant l’article 168 de la constitution, un dissident politique ne peut être jugé que par une cour dotée d’un jury et excluait le huis clos. Comme Nasrine l’a dit, le peu qui ont pu se servir du papier sont, ironiquement, la bande d’agents du renseignement qui avaient tué six dissidents et intellectuels à la fin de l’année 1998 (et en avaient tué beaucoup plus pendant toute la décennie précédente), des gens comme le chef de la bande Saïd Eslami (Emami), ses acolytes Mostafa Kazémi et Khosrow Barati et les douze autres détenus pour les crimes en chaîne.
A l’aube de la présidence de Khatami en 1997, le Printemps de Téhéran est arrive, une époque de liberté relative de la presse. Alors Nasrine a commencé à écrire pour d’autres quotidiens et hebdomadaires réformistes de premier plan de l’époque. Son premier article, à propos des droits des femmes, a été publié dans Jame'eh et a été suivi d’un article important « Les crimes politiques dans la loi et la criminologie » dans le même quotidien en 1998. Elle a aussi publié beaucoup d’articles dans Toos, Sobh-e Emrooz, Abaan et Nameh (dont le rédacteur en chef était Kayvan Samimi). Les deux premiers ont été fermés en avril 2000 après que Khamenei ait accusé les journaux réformistes d’être sous influence étrangère ou d’être carrément des agents de l’étranger dans un discours coléreux. Ses autres articles importants ont été « Les Meurtres en Chaîne en Iran » et « La Journée Internationale des Femmes et la Loi Iranienne » dans Abaan en 1999 et « Les Droits des Femmes avant et après la Révolution » dans Nameh, « Qui est Responsable des Droits des Enfants ? » dans Abaan et « Les Droits des Femmes dans les Constitutions Japonaise, Russe, Américaine, Bulgare et Iranienne » dans Jomhouriat, tous en 2004.
D’après Nasrine, elle avait, dès son plus jeune âge, été frappée par la structure patriarcale de la culture des lieux de travail ; ce sont les hommes qui prennent les décisions importantes. Alors, elle commença à parler des droits des femmes. Pour la Journée Internationale des Femmes, le 8 mars 1991, elle a rassemblé des articles de Shirin Ebadi (Prix Nobel de la Paix 2003) et Mehranguiz Kar, deux avocates de premier plan, ainsi que des interviews de Noush Afarin Ansari et Parvaneh Eskandari, qui a été tuée plus tard en même temps que son mari, Darioush Forouhar lors des meurtres en chaîne. Mais le rédacteur en chef s’opposa à la publication ce qui renforça encore sa détermination à se battre pour les droits des femmes.
Graduellement, elle a diversifié ses activités. Quand elle a reçu son permis de plaider en 2003, influencée par le travail de Shirin Ebadi, elle a rejoint le Centre de Défense des Droits Humains que Shirin Ebadi avait fondé et qui comptait nombre d’avocats de premier plan et qui défendait les prisonniers politiques gracieusement. Elle a aussi rejoint la Société de Protection des Droits des Enfants et en a été membre du bureau pendant deux ans. Elle a été l’une des premières a rejoindre la Campagne pour Un Million de Signature (CFOMS), un mouvement consacré à l’abolition des lois discriminatoires contre les femmes en Iran et en est devenue l’un des membres les plus actifs. Quand les dirigeantes de la Campagne furent arrêtées, ce fut elle qui les représenta. Le fait est que ces femmes savaient qu’en cas d’arrestation, ce serait elle qui les représenterait ce qui leur donnait le courage de se joindre à la Campagne.
Il y a eu un rassemblement pour commémorer la journée nationale de solidarité des femmes iraniennes le 12 juin 2008 à Téhéran. Nasrine et huit autres militantes s’apprêtaient à y assister quand elles furent arrêtées par les forces de sécurité. Nasrine est restée en garde à vue une journée. Beaucoup d’autres femmes furent arrêtées lors du rassemblement qui se tenait place 7 Tir. Nasrine Sotoudeh, Shirin Ebadi et Leila Ali-Karami les représentèrent au tribunal. Le 13 février 2009, Nasrine est passée en jugement sous l’accusation de troubles à l’ordre public et désobéissance à la police. Le verdict n’a toujours pas été prononcé.
Peu de temps auparavant, Nasrine avait reçu le Prix des Droits Humains décerné par l’Organisation Internationale des Droits Humains en Italie. La cérémonie a eu lieu à Mirano le 10 décembre 2008, jour anniversaire de l’adoption de la Déclaration Universelle des Droits Humains par les Nations Unies. Alors qu’elle quittait Téhéran pour aller recevoir son prix, on lui confisqua son passeport et on l’empêcha de quitter le pays. C’est son mari qui a reçu le prix à sa place. Elle enregistra son discours qui fut diffusé.
On peut se demander pourquoi la république islamique autorise certains dissidents à quitter le pays et empêche d’autres de le faire. La réponse est simple. On a dit à la plupart, si ce n’est à tous, les dissidents célèbres arrêtés qu’ils pouvaient récupérer leurs passeports et quitter le pays s’ils n’y revenaient pas. Certains ont accepté, d’autres pas. Ceux qui refusent n’ont pas le droit de se rendre à l’étranger parce que les durs du régime ne veulent pas que les dissidents décrivent la situation politique terrible en Iran et le sort des prisonniers politiques à l’étranger puis reviennent. Les durs du régime sont terrifiés que de tels dissidents ne deviennent les héros vivants pour le peuple d’Iran.
Nastine s’est également beaucoup impliquée dans les élections présidentielles de juin 2009. Elle a participé à la création le mouvement de la Coalition des droits des femmes, a participé activement à la campagne présidentielle pour informer les gens des demandes des femmes et les a fait parvenir aux quatre candidats. Après les élections truquées, elle prouva son implication dans le droit des citoyens à élire qui ils voulaient en soutenant la Coalition Verte du Mouvement des Droits des Femmes. Toutes ces activités ont mis les durs du régime en furie ce qui a fini par causer son arrestation.
La liste des gens que Nasrine Sotoudeh a représentés est le Who’s Who iranien des avocats des droits humains, des journalistes et des personnalités politiques :
- Shirin Ebadin, lauréate du prix Nobel de la paix
- Heshmatollah Tabarzadi, ancien militant étudiant, dissident politique et dirigeant du Front Démocratique du Peuple Iranien, parti politique interdit.
- Les journalistes Isa Saharkhiz, Kayvan Samimi, Mohammad Sedigh Kaboodvand (également militant kurde des droits humains) et Omid Memarian qui vit maintenant aux Etats-Unis.
Elle a aussi représenté beaucoup de militants du movement des droits des femmes:
- Le Docteur Roya Toloui, journaliste et militante kurde des droits humains
- La journaliste et militante des droits humains Farnaz Seifi,
- L’écrivaine et défenseur des droits humains Mansoureh Shodjaï,
- Talat Taghinia, Parvin Ardalan,
- La journaliste, militante du droit des communautés et membre de CFOMS Noushin Ahmadi Khorassani
- La défenseur des droits humains et membre de CFOMS Khadidjeh Moghaddam et son mari Ali Akbar Khosrowshahi
- La journaliste Maryam Hosseinkhah, Djelveh Djavaheri
- La militante des droits humains Nahid Keshavarz
- Les membres de CFOMS Raheleh Asgarizadeh, Nassim Khosravi, Mahboubeh Hosseinzadeh
- L’étudiant et membre de DFOMS Amir Yaghoub-Ali
- Delaram Ali
- Le membre de CFOMS Nahid Djafari
- L’ancienne militante étudiante Somayeh Farid
- L’étudiante Atefeh Nabavi.
Nasrine a également représenté Arash Rahmanipour exécuté en janvier à l’âge de 19ans sous l’accusation forgée de toutes pièces de moharebeh (guerre contre Dieu) et de complot visant à renverser le régime (même si Rahmanipour avait commis un délit quelconque, il n’avait que 17 ans quand il a été arrêté). C’est elle qui a révélé sa situation inconcevable en prison.
Nasrine Sotoudeh a aussi représenté les familles d’Ahmad Nedjati Kargar et Meysam Ebadi, tués par les forces de sécurité l’année dernière après les élections truquées.
Trois personnes ont même été arrêtées lors d’un rassemblement commémorant la mort de Nedjati-Kargar. Voilà l’état de l’Iran, le « pays le plus libre du monde » selon Ahamadinedjad.
Le 5 septembre 2010, Nasrine Sotoudeh a été arrêtée et emprisonnée dans la célèbre prison d’Evine de Téhéran. Avant d’être arrêtée, elle a été à de nombreuses reprises menacée d’emprisonnement si elle ne cessait pas de représenter Shirin Ebadi dans son litige avec la justice. Elle a été accusée d’agissements contre la sécurité nationale et de propagande contre le système politique. Le justice a aussi prétendu que son adhésion au Centre de Défense des Droits Humains était un délit. Ces accusations ne sont pas fondées. Le seul délit de Nasrine Sotoudeh est la défense des prisonniers politiques et son travail pour protéger leurs droits. Elle avait clairement dit qu’elle souhaitait être arrêtée pour endurer des conditions similaires à celles de ses clients.
Après s’être vue refuser une libération sous caution et même la visite des membres de sa famille, elle a entrepris une grève de la faim le 6 octobre. Son état de santé se détériorait de jour en jour. Beaucoup de personnalités politiques, de défenseurs des droits humains et de dissidents, dont son amie et collègue Shirin Ebadi l’ont appelée à cesser sa grève de la faim. Elle l’a terminée le 26 octobre. Mais six jours plus tard, elle recommençait une grève de la faim et de la soif qu’elle a cessé le 10 novembre.(Elle est toujours en grève de la faim mais a cessé sa grève de la soif)
Le procès de Nasrine Sotoudeh est prévu pour lundi 15 novembre. Une campagne internationale conduite par Shirin Ebadi tente de contraindre les durs du régime à une libération même si elle n’est que provisoire. Nasrine Sotoudeh et tous ceux qui mettent leur vie en jeu pour faire avancer la démocratie et le respect des droits humains et citoyens en Iran méritent le soutien de tout être humain digne de ce nom.
Source: http://www.pbs.org/wgbh/pages/frontline/tehranbureau/2010/11/attorney-journalist-religious-nationalist-the-unbreakable-nasrin-sotoudeh.html
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