jeudi 4 novembre 2010

Majid Dori - Les habitants de Behbahan ont brisé ma solitude

Que celui qui tente de s’interposer entre toi et moi qui devenons nous voie sa demeure ruinée ;

En ton nom, liberté ; liberté que j’ai rugie et pour laquelle on m’a interdit de poursuivre mes études ;
En ton nom, liberté ; liberté que j’ai hurlée et pour laquelle je suis emprisonné ;
En ton nom, liberté ; liberté que j’ai prononcée et pour laquelle on m’a exilé
En ton nom, liberté ; liberté qui, une fois goûtée, immunise contre les chaînes, l’emprisonnement, l’exil et l’exécution
Je te salue, liberté ! Je salue le sang innocent versé pour ta conquête ;
Je salue les vies perdues pour la liberté.

Samedi matin, on m’a transféré d’Evine à la prison deBehbahan. On m’a accusé d’être un mohareb, un « ennemi de Dieu » et le tribunal du juge Pir-Abbassi m’a condamné ; un tribunal où mes avocats et moi-même avons été interdits de présenter notre défense.

Etre condamné pour moharebeh suscite la peur en tout être humain. Je suis devenu un mohareb pour avoir refusé de vivre comme un animal. Si défendre le droit à l’éducation, un droit indéniable et inaliénable pour chacun c’est faire la guerre à Dieu, alors, oui, je suis un mohareb. Si aider les prisonniers politiques, si faire preuve de compassion et de sympathie envers leurs familles c’est faire la guerre à Dieu, alors, oui, je suis un mohareb. Si publier le nom de ceux qui ont été tués et arrêtés, si trouver un avocat pour ceux qui ont été arrêtés sans raison et emmenés dans des endroits secrets par des personnes inconnues c’est faire la guerre à Dieu, alors, oui, je suis un mohareb. Oui, je suis un mohareb. Peu importe pourquoi ou comment, je suis fier d’être un mohareb, cette bataille vaut la peine d’être livrer puisque l'enjeu en est la conquête de la liberté.

Croyez-vous que si l’on entend dire que j’ai réconforté des familles de prisonniers politiques, soutenu un prisonnier politique et publié les noms des personnes tuées et arrêtées, on m’abaissera et on m’humiliera ? Croyez-vous vraiment que l’incarcération et l’exil puisse s’opposer à l’humanité ?

Ceux qui sont arrivés au pouvoir par la fraude, le mensonge et le reniement et qui s’y sont accrochés par la répression et l’intimidation auront recours à tous les moyens pour y rester. Ceux qui considèrent chaque acte humanitaire comme un mal, chaque pensée critique comme l’acte d’un mohareb et chaque idée innovante comme destructrice n’ont d’autre choix qu’une répression sans fin pour faire taire le peuple.

Nous voici à l’aube qui enterrera les ténèbres dans les cachots de l’histoire, en s’assurant que ceux qui ont perpétré ces crimes soient traînés en justice. Puisse Dieu aider ceux qui devront faire face au peuple demain avec la responsabilité de leurs agissements inhumains. Si seulement ils adhéraient aux slogans qu’ils scandent pour les autres et aux lois qu’ils citent si souvent ; si seulement ils mettaient en pratique ce qu’ils prônent et ce qu’ils prétendent être légal.

J’ai maintenant été transféré à la prison de Behbahan, au sud de l’Iran, une prison qui manque de service médical et culturel. A mon arrivée, je n’aurais jamais cru pouvoir continuer à supporter une prison où les prisonniers vivent ensemble quels que soient leurs crimes. Je ne pensais pas pouvoir survivre dans une prison sans prisonniers politiques, où la plupart des prisonniers ont commis des crimes comme le meurtre, le trafic de drogue et le vol. Je pensais me sentir seul et pas à ma place.

Mais les voix chaudes et familière des habitants de Behbahan ont réchauffé le sang glacé de mes veines. Quand les habitants de Behbahan se sont rendus à la porte de la prison le jour de visite et ont demandé à me voir, le millier de kilomètres qui me sépare de ma famille m’est devenue plus supportable.
Je n’étais plus seul. Je ne me sentais plus exilé. Aujourd’hui, de derrière les murs épais de cette prison, je rends hommage à chacun d’entre eux et je dis à mes parents : « Père, mère, je ne suis pas seul ici. Mes pères, mères, frères et sœurs de Behbahan ont brisé mes sentiments de solitude et d’exil. Je peux maintenant fièrement m’écrier, je suis moi aussi un habitant de Behbahan ! Les citoyens de Behbahan m’ont ouvert leurs bras. Je salue leur honneur et leur dignité ! »

J’attends le jour où, après tant d’efforts et de souffrances, toi et moi deviendrons nous…
Majid Dori
Novembre 2010
Prison de Behbahan

Source : http://persian2english.com/?p=16168

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