vendredi 15 avril 2011

Interview accordée par Réza Khandan au Centre de défense des familles des personnes tuées ou détenues en Iran


Mardi 12 avril 2011

Monsieur Khandan, pourriez-vous, si cela vous est possible, nous parler de la situation de Nasrine Sotoudeh et des pressions qui s’exercent sur elle et sa famille ?

Je me suis rendu au bureau du procureur avant le Nouvel An iranien (Norouz) pour demander une visite en personne avec mon épouse. On m’a demandé de fournir une demande par écrit, ce que j’ai fait. En réponse à cette demande et devant 30 à 40 personnes, on m’a déclaré que cette visite m’était accordée… et on me l’a refusée un peu plus tard. Le jeudi 24 mars nous devions aller voir Nasrine, le jeudi étant jour de visite, mais on nous a dit que la prison était fermée [pour les vacances de Norouz]. La semaine suivante, le jeudi 31 mars, nous sommes une fois de plus allés à Evine dans l’espoir de rendre visite à mon épouse. Il y avait beaucoup d’autres personnes venues de toutes les provinces d’Iran pour rendre visite à leurs êtres chers détenus mais une fois encore, les portes étaient closes. Malheureusement, quand les portes sont fermées, il n’y a personne pour répondre à nos questions. Nous avons attendu 4 ou 5 heures, perdant presque une journée entière de travail et nous n’avons vu personne. A ce jour, nous n’avons eu que trois conversations téléphoniques de dix minutes avec Nasrine. Je n’essaie même plus de contacter le bureau du procureur, cela ne sert à rien. La dernière fois que je m’y suis rendu, j’ai été arrêté environ 10 minutes pour avoir élevé la voix. Le procureur ne se sent pas obligé de répondre aux questions, alors j’ai cessé de contacter son bureau pour formuler des demandes.

Vos enfants arrivent-ils à tenir bon ? Leur mère leur manque-t-elle ?

On arrive à s’en sortir mais c’est très difficile pour les enfants, surtout pendant la période de Norouz où l’on se visite beaucoup. Pendant que les officiels du régime étaient tout à l’animation de Norouz et qu’ils rendaient visite à leurs êtres chers comme ils le désiraient, ils nous privaient de toute visite. Nous n’avons eu droit ni à une visite d’une minute face à face, ni même à une visite en cabine. Mon fils n’arrive pas à faire face. Il a perdu tout espoir. Hier soir, durant une brève conversation téléphonique avec sa mère, il s’est écroulé et lui a dit qu’elle ne reviendrait jamais à la maison. La réalité se fait jour peu à peu et la situation se détériore jour après jour. Son esprit est plein de notions étranges. Il est convaincu que sa mère ne reviendra jamais. Il discute avec moi et souligne qu’elle ne reviendra pas. Ma fille a d’autres problèmes. Sa tante est encore plus inquiète à son sujet car elle a tendance à tout intérioriser. Elle est de plus à un âge difficile. Je suis perdu ; je ne sais plus quoi faire.

Toute la famille pourrait aller s’installer dans une tente devant la prison pour manifester. Personne ne nous répond. Personne ne prête attention à la myriade de lettres que nous avons écrites [au procureur et aux autorités judiciaires]. C’est à cause de ces lettres que j’ai été convoqué et qu’on a porté plainte contre moi. En huit mois, nos enfants n’ont pas vu leur mère plus d’une heure. D’après les lois iraniennes, il est intolérable qu’un enfant de trois ans soit privé de sa mère. Nous avons fait des visites pendant la période du Norouz mais nous n’aurions pas du ; Nasrine manquait trop à ses enfants. Son absence était omniprésente. Que pouvais-je faire ? J’ai fini par les emmener loin de Téhéran.


Source: http://kanoonjb.com/index.php/2010-11-18-08-00-50/7837-2011-04-12-12-18-32

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