Je m’appelle Nima Ebrahimzadeh, fils de Behnam Ebrahimzadeh et j’ai une question à vous poser.
Oui, j’ai une question à vous poser : où dois-je aller pour trouver refuge ? Où dois-je aller pour hurler ma souffrance et demander quel crime j’ai commis pour souffrir autant ?
Dites-moi de quoi je suis coupable.
Hé, vous ! Les êtres humains, vous à la conscience tranquille, vous qui avez fondé des associations et prétendez défendre les droits des enfants, vous qui prétendez être des institutions qui défendez les enfants qui souffrent du cancer, vous qui défendez l’humanité, vous les philanthropes, vous qui êtes des ouvriers comme mon père : j’ai besoin de votre aide aujourd’hui. Demain il sera peut-être trop tard.
En ces temps difficiles, je me tourne vers vous pour vous demander une chose, une seule chose, rien d’autre : la libération de mon père.
En ces temps difficiles de chimiothérapie, j’ai besoin de mon père à mon côté. Je veux que mon père soit à mon côté tandis que je combats le cancer. Est-ce trop demander ? Dites-moi.
Je m’appelle Nima Ebrahimzadeh, j’habite Téhéran. Il y a environ quatre mois, les médecins m’ont diagnostiqué une leucémie. Les docteurs de l’hôpital Mahak m’ont déjà beaucoup parlé des symptômes et du traitement. Mon traitement sera extrêmement difficile. C’est un cancer, ce n’est pas comme si j’avais un rhume. Ce n’est pas une plaisanterie. A certains moments, toutes ces pilules et ces médicaments me rendent anémique. Je me sens épuisé, mais alors, mon père, ma mère et mes bons amis m’encouragent à continuer et me disent que je peux guérir. Ils me disent sans arrêt de rester calme, patient et fort !
Dans ces conditions, dites-moi comment rester calme, patient et fort ?
Je ne sais si je dois vous décrire mes souffrances ou celles de mon père ! Y-a-t-il une différence ?
En tant qu’adultes mûrs et expérimentés, vous aurez peut-être une meilleure compréhension des difficultés que j’affronte en ce moment, de la douleur de chaque instant. J’ai l’impression qu’il n’y a pas de fin à cette douleur, qu’il n’y aura jamais de fin à la souffrance et aux difficultés qui me sont imposées.
Je suis constamment sur Internet pour étudier tout ce que je trouve sur ma maladie. On a découvert que les chocs et le stress nerveux sont l’une des principales causes de la survenue et du développement du cancer. Bien que les chercheurs ne puissent pas être sûrs du rôle exact que le choc excessif joue dans cette maladie, ils savent que le choc extrême rend la guérison plus longue et plus aléatoire.
Je vais vous le dire franchement : je veux survivre, je veux vivre. Est-ce trop demander ?
Je sais que la vie en ce monde est difficile, plus encore pour les enfants comme moi, mais l’idée de quitter ce monde damné, de briser le cœur de mes parents m’est encore plus dure à supporter.
Je ne veux pas que le chagrin de ma perte assombrisse encore plus leurs jours et leurs nuits. Pour vous dire la vérité, il m’arrive de m’enfouir la tête dans l’oreiller et de sangloter. Je pleure sur eux. Je pleure parce que je sais que ma perte rendra leurs jours et leurs vies beaucoup plus pénibles.
Vivre ces derniers mois, faire face au cancer, supporter l’absence de mon cher père m’a fait grandir beaucoup plus vite, m’a donné plus d’expérience. Mon père m’a toujours appris qu’on ne devrait bafouer les droits de personne. Mon père parle de la peine et des souffrances des ouvriers et des pauvres. Il me parle des enfants qui dorment sous les ponts avec des cartons en guise de lit. Mon père a toujours parlé du respect des droits humains.
Alors je voudrais savoir pourquoi ses mots logiques et sa compassion devraient l’envoyer en prison, loin de mon chevet. J’ai besoin de mon père. J’ai vraiment besoin de mon père. A chaque fois que j’ai le moral à zéro, il commence à me faire des blagues, à lutter avec moi, à jouer avec moi. Peu importe ce que cela lui coûte, il veut que je sois heureux. Est-ce que la prison est le bon endroit pour un père comme lui ?
Je sais que nous nous sommes faits de nombreux amis ces derniers temps, qu’ils nous ont soutenus de toutes les façons possibles. Je veux tous les remercier parce que c’est le genre de soutien qui a accordé des libérations provisoires à mon père de temps en temps pour qu’il puisse être à mes côtés, pour que je sente sa présence dans ma chair et dans mon être.
A chaque seconde, j’espère que le téléphone va sonner pour m’annoncer que mon père restera avec moi pour toujours en homme libre, comme si les geôliers nous laissaient en paix. Chaque appel téléphonique nous fait trembler tous les trois. Ça a été le cas aujourd’hui. Je ne sais si je dois me sentir affolé pour moi ou pour mon père : il a soupiré au téléphone, a crié : « Je vais retourner en prison, mais pas aujourd’hui, j’ai promis à mon fils de l’emmener chez le médecin ! » Je me sens désolé pour ma mère, pour ses larmes, pour ses malédictions qui englobent tout ce qui existe sur cette terre.
Je vous le demande à vous qui entendez ma voix et lisez mes mots : aidez-moi, aidez ma famille.
Est-ce trop demander de vouloir que son père soit libre et à son côté ? Dites-moi.
Nima Ebrahimzadeh, mardi 4 juin 2013, Téhéran, Iran.
Source : http://tavaana.org/en/content/story-pain-open-letter-nima-ebrahimzadeh-son-behnam-ebrahimzadeh-iranian-dissident-and-1
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