Rassoul Hardani a été arrêté à l’âge de 19 ans suite au détournement d’un avion des lignes intérieures ; il a passé plus de 14 ans en prison. La raison de ce détournement est le sujet d’un film du metteur en scène iranien Ebrahim Hatami-Kia : c’est la pauvreté et des conditions de vie misérables d’après les aveux des prisonniers.
Au nom de Dieu qui lui seul peut juger.
Voici ma plainte, l’histoire d’un jeune-homme pauvre.
Les yeux grands ouverts, j’ai peur et j’ai des cauchemars très pénibles.
La rivière Karoun que j’aime tant et qui traverse ma ville, s’est changée en pierres.
Ma lamentation, faite de peines et de souffrances reflète mes blessures qui suppurent.
Mes rêves sont pleins de fer et de pierre et j’ai vraiment peur des nuits en prison.
Je vous salue, que la paix soit sur vous qui lisez la lettre de Rassoul Hardani ! Le 14 novembre 2000, mes frères Khaled et Abou-Amir, ma famille et moi, nous avons été contraints d’émigrer en détournant un avion pour pouvoir commencer une nouvelle vie dans un autre pays et mettre ainsi fin à huit ans de souffrance et de tyrannie au Khouzestan, où nous avons perdu notre père. Il faut préciser que je n’étais pas au courant du plan que je n’ai découvert que quelques minutes après le décollage de l’avion qui se rendait d’Ahvaz à Bandar-Abbas ; j’ai été choqué de voir mon frère blessé. Quand j’ai vu que mon frère saignait, j’ai perdu la tête et j’ai lutté contre les forces de sécurité, qui ont fini par m’arrêter. J’ai alors passé plusieurs mois dans les geôles du ministère du renseignement dans une situation très difficile. J’ai fini par être condamné à 22 ans de prison sans connaitre la raison d’un verdict si injuste. J’ai demandé au juge à plusieurs reprises la justification du verdict, et à chaque fois, il m’a répondu : tu comprendras quand tu auras perdu tes dents et que tu auras les cheveux blancs. Cela fait maintenant plus de 15 ans et j’ai passé la plus grande partie de ma jeunesse en prison. Mes lettres, mes demandes de libération pour raisons médicales ont été perdues ou ignorées. A chaque fois, on m’envoie vers un médecin différent qui me prescrit d’autres médicaments. Je voudrais maintenant exprimer la volonté d’être exécuté et de donner mes organes à des malades, car je ne veux pas mourir en prison comme Akbar Mohammadi ; on a refusé à sa famille de l’enterrer dans sa ville. Je voudrais mourir dans ma ville.
Je prie Dieu de mettre fin à ma vie misérable. Vous pourriez me dire de garder espoir et patience, mais même les murs épais de la prison ne supportent plus la tyrannie et la souffrance. Je suis injustement emprisonné et je dois passer de longues années dans cette situation uniquement parce que je suis le frère de Khaled et d’Abou-Amir Herdani. Je dois souligner que j’ai perdu ma jeunesse et que j’ai passé mes 15 meilleures années en prison. J’ai perdu plusieurs membres de ma famille que j’aimais tendrement pendant ces années :
- En 2007, les autorités ont décidé d’exécuter mon frère Khaled qui était le soutien de ses huit frères et cinq sœurs
- J’ai passé les plus belles années de ma jeunesse en prison
- Au bout de 14 ans de prison, j’ai pu me marier. Mais, en raison de ma longue peine et de la campagne de dénigrement contre notre famille, mon épouse a décidé de me quitter. Je suis gravement malade, j’ai des douleurs chroniques aux jambes et au dos et aucun médecin n’a pu déterminer la raison de ce problème de santé.
- Mes demandes de libération provisoire et d’amnistie ont été ignorées. Les médias nationaux ont également refusé l’accès sous prétexte que je n’étais pas dans leurs critères.
- Tous les avocats que j’ai contactés pour nous défendre ont été soit emprisonnés, par exemple Madame Nasrine Sotoudeh ou Alizadeh Tabatabaei, ou bien ont eu peur.
- Pendant mon emprisonnement, le ministère du renseignement a ordonné la fouille de notre domicile et ne nous a toujours pas rendu nos effets personnels au bout de huit mois.
- J’ai demandé à travailler en prison, mais cela m’a été refusé et j’ai été transféré à la section publique fermée. On ne m’a autorisé qu’à reprendre mes études à l’université par correspondance et aussi quelquefois à pratiquer la lutte iranienne traditionnelle. Les moments les plus heureux de ma vie sont ceux où je m’adonne à la lutte et ceux où je prie Dieu, parce que, dans la section publique, la plupart des prisonniers s’occupent de corruption et d’actions illégales. Vous pouvez maintenant voir par vous-même ma situation : vivre avec des prisonniers qui n’ont aucune morale.
Je demande maintenant à ceux qui voudraient aider des prisonniers sans défense : Pouvez-vous me sauver de cette situation inextricable ? Je vous demande de devenir ma voix et de souligner l’oppression qui m’a frappé. S’il vous plait, demandez aux autorités de m’exécuter et de donner tous mes organes aux patients qui en ont besoin. J’exprime ici mon consentement à le faire et je prie Dieu de donner la paix à mon âme.
Rassoul Hardani, prisonnier et étudiant en sciences appliquées - Code 92126003160006
16 heures le 9 novembre 2014
Seul à jamais dans mon lit à la prison
Source : https://hra-news.org/en/articles/letter-rasoul-hardani-14-years-suffering-prison
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