lundi 29 décembre 2014

Quelques mots d’un enseignant : Abdolreza Ghanbari

Abdolreza Ghanbari est professeur de littérature persane à l’université ; il a été arrêté le jour de l’Achoura 2009 et condamné à mort par la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran. Sa condamnation à mort a été refusée par la cour suprême en 2012 et son dossier renvoyé à la première chambre du tribunal révolutionnaire de Téhéran qui a réduit sa peine à 15 ans de prison.

1-Mon père était jardinier. Quand il revenait du jardin, je me souviens de ses mains tout égratignées d’avoir travaillé avec des fleurs et des arbustes. Voir ses mains me rendait triste et j’ai toujours pensé que les belles fleurs multicolores, jaunes, blanches rouges et roses, se nourrissaient en fait du sang de mon père. Pendant l’hiver, mon père avait toujours peur que les fleurs de son jardin souffrent du froid. Il faisait tout ce qu’il pouvait pour protéger les fleurs les jours de grand froid. Les années ont passé et j’étais fier d’enseigner. Mon père était aussi très heureux et disait : « les enseignants sont aussi des jardiniers et les enfants sont les fleurs de leur jardin. »

Le 18 juin 2014, nous avons reçu de tristes nouvelles d’un de nos collègues, un enseignant de 40 ans, Kazem Safarzadeh d’une école de Khorramabad. Un de ses élèves est tombé de son lit dans le dortoir d’une école tribale locale ; il s’inquiétait pour ce garçon blessé et l’emmena dans un hôpital de Khorramabad avec deux de ses camarades de classe. Mais la pluie avait causé de graves inondations et la rivière a englouti leur voiture en un instant. Le corps des deux élèves a été retrouvé le lendemain mais le corps de l’enseignant dévoué n’a été trouvé qu’au bout de 14 jours. Ces deux dernières années, il y a eu plusieurs exemples de tristes accidents et de sacrifices consentis par des enseignants. Nous nous souviendrons de l’école de Shin-Abad (village de Piranshahr dans la région de Safilan, Lordegan dans la province de Tcharmahal et Bakhtiari) et de son enseignant dévoué, Yazdan Khosravi ; de Monsieur Davari, enseignant d’Allemand à l’école de Nourabad au Lorestan, en 2006 ; de Khosrow Asgari Hassan, instituteur de l’école Nosrat Kola à Babolsar ; de Hassan Omidzadeh, enseignant à l’école de Bidjarsar dans la banlieue de Shaft dans la province du Guilan et de l’institutrice de la province du Khorassan et de la ville de Mashhad : elle a réussi à sauver l’une de ses élèves qui se noyait mais a fini par sombrer ; son nom n’a même pas été publié ; de l’accident de l’école Vahdat Mazafa à Meshkineshahr en Azerbaïdjan ; de l’accident qui a causé la mort de quatre élèves dans une école de Tchahbahar en 2001. Lors de tous ces évènements, plusieurs enseignants dévoués se sont sacrifiés à cause de l’amour et du dévouement absolus qu’ils portaient à leurs élèves. Il se serait donc juste d’associer les mots sacrifice et enseignant. Les enseignants sont des humains dévoués, capables de se sacrifier pour l’éducation de leurs élèves.

Les enseignants sont pleins d’amour, de dévouement et de passion mais ils ne reçoivent qu’un salaire minimum et n’ont que très peu d’avantages.

Les parents ont un amour et un esprit de sacrifice pour leurs enfants, les enseignants peuvent, de la même façon se sacrifier et même s’immoler par le feu (si nécessaire) pour leurs élèves. Je n’oublierai jamais et vous n’oublierez jamais ce que l’enseignant du village de Bidjarsar, Monsieur Hassan Omidzadeh a dit : « Quand le feu brûlait en moi, je me souvenais avoir regardé mes élèves, tenu leurs petites mains pour les sortir de la classe. J’ai alors pu fermer les yeux un instant pour dire mes dernières prières. J’ai demandé à dieu de me sauver des flammes de l’enfer après ma mort. »

Que répond-on à tant de sacrifice et de dévouement ?

Notre pays a actuellement 1.013.355 enseignants. Comment décrire nos enseignants : « le jardinier se meurt d’être séparé de ses belles fleurs tout en se lamentant à voix haute de leur perte. »

2-Le premier jour d’école et le début de l’école primaire sont les fondements de notre éducation mais, de nos jours, les parents sont amers lors de cet évènement important. C’est parce que les frais de scolarité sont très élevés Presque 92% des Iraniens étudient dans des écoles publiques et la plupart dans des écoles primaires. Presque 52% des Iraniens étudient au niveau primaire. D’après les fonctionnaires de l’éducation, il est illégal de demander aux parents des frais d’inscription dans les écoles publiques. Cependant, il n’existe pas deux écoles qui n’en demandent pas. Il faut noter que la qualité de l’enseignement ne détermine pas le montant de l’inscription. Les écoles privées déterminent leurs frais de scolarité sur cinq critères : 1-le personnel 2-les bâtiments 3-les programmes d’éducation 4-les programmes pratiques 5-l’espace, les équipements et les candidatures aux institutions d’éducation. Même dans les écoles Sampad, qui scolarisent les enfants de l’élite du gouvernement et les écoles Shahed, les parents paient de 200.000 à 2.000.000 de tomans pour les cours facultatifs. La localisation des écoles dans les grandes villes comme Téhéran donne des résultats différents dans les prix de scolarité, du sud au nord. A Téhéran, environ 18% des écoles (1.500) sont privées et les frais de scolarité atteignent 12.000.000 de tomans. Beaucoup d’étudiants pauvres quittent l’école parce qu’ils ne peuvent pas payer les frais de scolarité ; ils rejoignent le monde du travail ou deviennent des délinquants. D’après la constitution, l’éducation doit être gratuite et personne ne devrait payer de frais de scolarité. Les frais de scolarité augmentent tous les ans, qui est responsable de cette négligence ?

3-L’un des outils essentiels pour planifier l’éducation est l’analyse des programmes passés et présents. Dans ces dernières décennies, des développements notables ont été observés en épistémologie, en ontologie et dans les perspectives d’éducation post-modernes. Il faut aussi porter attention à ces points de vue. En dehors d’une poignée de livres et d’articles qui analysent ces concepts, il y a un immense fossé dans la recherche sur ces sujets. Le coût de l’éducation a beaucoup augmenté et peu de directeurs ou de planificateurs peuvent en bénéficier. D’un autre côté, la liberté d’agir à l’intérieur du système de l’éducation est très limitée. Comme des rebelles qui utilisent des armes primitives pour se battre, les fonctionnaires de l’éducation traitent les récentes avancées technologiques de façon très rétrograde.

Il y a plus de 100 ans que les fondements du système moderne d’éducation ont été établis en Iran. Mais il n’y a eu aucune innovation dans les techniques ou les outils d’éducation. Une poignée d’écoles ont récemment été présentées comme des écoles électroniques ou de vrais exemples d’école moderne ne sont là que pour amuser la galerie. A l’opposé de ses soi-disant écoles modernes, il existe des écoles dans les banlieues qui souffrent du manque d’équipements de base comme des salles de classe, des bibliothèques, des terrains de sport, des ateliers de théâtre ou de laboratoires. Il existe d’autres problèmes dans le système de l’enseignement. Par exemple, n’est-il pas plus important d’acquérir de nouvelles méthodes d’enseignement et de s’occuper de la qualité de l’éducation plutôt que de changer les leçons d’un manuel ? Au fait, quel est le budget pour la qualité de l’éducation et l’amélioration de l’éducation ?

Abdolreza Ghanbari – Décembre 2014

Source : https://hra-news.org/en/articles/couple-words-teacher-abdolreza-ghanbari

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