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dimanche 28 février 2010

Karroubi: "Ce régime est pire que celui du Shah"

Mehdi Karroubi, religieux et politicien de 73 ans et, le plus important, l’un des leaders du Mouvement Vert a donné une interview au journal italien Corriere della Sera. Le texte en anglais est accessible ici.

Comment va votre fils maintenant?
Physiquement, mon fils Ali se sent mieux. Les premiers jours, son état était désastreux. Maintenant c’est son état mental qui nous inquiète. Le mal dont Ali a souffert n’est qu’un petit exemple de tout ce qui arrive aux enfants de cette nation. Mais le régime le paie déjà.
 
Qu’est-il arrivé le 11 février?
La répression a été violente, c’est sûr. Il y a eu un conflit sans précédent dans la population. Cette fois, le régime ne voulait permettre aucun rassemblement d’opposants et il a mobilisé toutes les forces des différents organes gouvernementaux. Ils ont arrêtés nos amis et les membres de notre famille et ils ont menacé les autres. Mais leur mobilisation et leur organisation ne nous a pas arrêtés. Je savais comment cela allait se terminer mais je suis allé manifester quand même. J’y retournerai s’il y a d’autres manifestations, même si le résultat doit être encore pire que la dernière fois. Les journaux ont écrit que la population avait empêché les conspirateurs d’entrer sur la place. Je voudrais demander à ces journaux, qui sont contrôlés par le régime et le gouvernement, pensez-vous que les gens normaux utilisent des gaz lacrymogènes ? Pensez-vous que les gens normaux utilisent des barres à mines et des couteaux ? Les maîtres doivent savoir que les jours passeront mais leurs signes perdureront.

Les évènements de ces derniers mois ont souvent été comparés à la révolution de 1979. Vous comparez la violence de la répression à celle de l’époque du Shah, mais vous dites que son armée a montré plus de retenue. Voyez-vous d’autres similarités entre ces deux époques ?
Le régime du shah était corrompu jusqu’au coeur, mais il ne se conduisait pas comme ça avec le peuple. Qu’est-ce que les forces armées ont à voir avec les résultats des élections ? Pourquoi ont-ils traité ainsi le peuple le 22 Bahman (11 février) ? Pendant le règne du shah, il y avait des règles ; on n’emmenait pas les personnes arrêtées à la mosquée pour les battre à mort avant même qu’ils ne comparaissent. Ils arrêtent les gens sans mandat, les frappent et les gardent en détention. Pour ne pas mentionner le reste.

A quelle condition seriez vous prêt à trouver un compromis avec Ahmadinedjad et à le reconnaître comme président légitime d’Iran ? Vous considérez vous comme un dirigeant du Mouvement Vert ?
Je ne me considère pas comme un dirigeant du Mouvement Vert. Je me considère comme un membre de ce mouvement et du mouvement réformiste. Mes actions visent à un retour aux volontés et aux idéaux du peuple, c’est-à-dire à la souveraineté populaire. Je n’ai ni conflit personnel ni raison d’arriver à un compromis ou de faire la paix avec Ahmadinedjad. Nous considérons le gouvernement d’Ahmadinedjad comme un gouvernement établi qui doit répondre de ses actions, mais pas comme un gouvernement légal ni légitime. Je ne suis personne : ce n’est pas à moi de trouver un compromis ou un accord ; c’est le peuple qui doit décider s’il est en conflit avec le gouvernement. C’est le peuple qui est en conflit avec le gouvernement et qui n’accepte pas sa façon de gouverner ce pays. Le peuple n’accepte pas la stratégie qui nous met en conflit avec le monde sous Ahmadinedjad, et nous faisons partie du même peuple.

Vous avez dit que les slogans contre le guide suprême et pour un état laïc n’étaient pas corrects. Quels slogans devrait-on scander ?
Il faut séparer les choses. Nous n’essayons pas de faire tomber le régime. D’un autre côté, la constitution n’est pas une révélation divine et n’est donc pas immuable. Mais pour l’instant, la constitution n’est même pas appliquée dans ce pays.

Avant les élections, auriez-vous imaginé que le peuple iranien irait aussi loin pour réclamer ses droits et que sa colère grandirait autant ?
Je n’imaginais ou ne prévoyais pas que le régime iranien irait jusqu’à trafiquer les élections comme il l’a fait. D’un autre côté, le régime a adopté une attitude obstinée et sans concessions envers le peuple, ce qui a causé des problèmes actuels. Dans les premiers jours, le peuple disait : « où est mon vote ? » Le peuple est resté le même. Alors, qu’est-ce qui les a amené à adopter les slogans actuels ? Le peuple veut des élections saines, et veut que ses votes soient comptés.

Quand vous étudiez sous la direction de Khomeini, j’ai lu que vous étiez fasciné par lui. Est-il encore un modèle pour vos actions ?
J’aimais l’imam et je l’aime encore. Oui, c’est un modèle et un exemple pour moi. C’était un religieux dévot, il était capable d’analyse et de prospective. Mon amour pour lui s’est encore accrue après sa mort à cause de ce qui est arrivé. L’imam a conduit le pays dans les temps les plus difficiles, la première décade de la révolution islamique. Le pays était en guerre, des personnalités et des politiciens importants étaient tués pendant les attaques et à la guerre. Dans cette situation, on a pris des mesures spéciales et quelquefois excessives. Je ne dis pas qu’il était un modèle parfait. Mais les actions et les décisions doivent être évaluées en tenant compte de l’époque.

Quelle est la pire chose faite au nom de la révolution? Quels ont été les moments de la révolution ? Pourquoi croyez-vous encore en la république islamique ?
La république islamique se compose de deux concepts: la république et l’islam. La pire chose ce sont les dégâts à ces deux concepts et principes. Je ne dis pas qu’il n’en reste rien, mais les dégâts sont très sévères, à la fois pour l’islam et pour le concept de république qui veut dire « l’opinion et le vote du peuple ». L’imam a dit que la décision finale appartenait au peuple. Il a toujours respecté l’opinion publique et n’ a jamais permis, même dans les pires circonstances, l’ambiguïté ou le manque de clarté pendant les élections. Ce qui est endommagé ce sont les promesses que nous avons faites au peuple. Le problème n’est pas de faire tomber le régime mais de le réformer. Je crois encore dans la république islamique, mais pas dans ce genre de république islamique ! La république islamique que nous avons promise au peuple avait le soutien et le vote de 98% de la population, c’était la république islamique des élections libres et non des élections truquées. Je crois en un islam moderne, un islam rempli de bonté et d’affection, pas en un islam violent et fanatique.
 
Le premier ministre italien Berlusconi prétend réduire les échanges avec Téhéran et soutenir de nouvelles sanctions internationales. Pensez-vous que ces mesures aideraient l’opposition d’une façon quelconque ? Quel serait, selon vous, l’effet de sanctions de l’ONU sur le gouvernement et sur le peuple ?
Quand j’étais président du parlement iranien, les relations entre nos deux parlements étaient excellentes. A cette époque, je me suis rendu en visite officielle en Italie et deux présidents du parlement italien sont venus en Iran, preuve de bonnes relations politiques entre nos deus pays. La lettre envoyée par les présidents du parlement et du sénat italiens au chef du régime iranien sur les conséquences qu’aurait mon arrestation est une démonstration des bonnes relations que nous avions à cette époque. J’en suis reconnaissant aux présidents et aux membres du parlement italien. Mais je suis absolument opposé aux sanctions ; elles augmenteraient la pression économique dont on souffre déjà à cause des politiques erronées du gouvernement.
 
Pensez-vous que la république islamique puisse dialoguer avec les Etats-Unis?
Nous avons dit plus d’une fois que le seul pays avec lequel nous n’aurons de relations c’est Israël parce que ce pays viole les droits d’un peuple. Une relation juste, basée sur le respect mutuel er respectant les droits réciproques doit être recherchée. Mais ce gouvernement a créé une situation à part qui ne permet pas de renouer des relations avec les Etats-Unis. D’un côté, le gouvernement iranien écrit au gouvernement américain et de l’autre il utilise des mots durs et blessants contre le gouvernement américain. Des conduites contradictoires ne fonctionnent pas en politique étrangère.

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Fatemeh Karroubi: "Plus on nous met la pression et plus nous serons déterminés"

Les événements de la journée du 11 Février 2010 (22 Bahman 1388)

dimanche 21 février 2010

Fatemeh Karroubi: "Plus on nous met la pression et plus nous serons déterminés"

Le texte qui suit est l'interview de Fatémeh, l'épouse de Mehdi Karroubi (l'un des leaders de l'opposition) avec Rouz Online, quelques jours après le matraquage de son fils Ali lors des manifestations du 22 Bahman. Dans un geste rare, Fatémeh Karroubi s'était déjà courageusement adressée à Ali Khamenei, le Guide de la Révolution, pour dénoncer l'arrestation et la torture de son fils.

Un grand merci à l'infatigable Ghazamfar pour la traduction de ce texte.

Madame Karroubi, en dehors de la publication de deux lettres, vous êtes restée silencieuse et n’avez fait aucun commentaire sur le 22 Khordad (l’élection présidentielle du 12 juin) et les évènements qui s’en sont suivis. Y a t il une raison particulière pour ce silence ?Vous connaissez bien ma façon de penser et êtes totalement au courant de mes prises de position depuis le temps où vous couvriez la 5ème législature ; nous étions alors minoritaires. Je crois dans les idéaux de l’Imam et de la révolution et je me suis toujours efforcée de ne porter atteinte en aucune façon au système, au régime ou à la révolution par ma conduite ou mes paroles. Je l’avais fait avant la révolution pendant les 15 années très difficiles que j’ai passées en plus grande partie derrière les portes des prisons, j’ai continué après la révolution avec toutes mes forces dans les tâches exécutives que j'ai assumées comme mon devoir moral et religieux. Malheureusement, en raison des récents événements et de leur amertume, j’ai préféré moins m’exprimer.

Ce silence est-il dû au fait que vous désiriez créer un environnement plus stable et sûr pour que vous puissiez rester libre de vous battre pour la libération de Monsieur Karroubi et de vos enfants dans le cas où ils seraient arrêtés ? En d’autres termes, est-ce une forme de division du travail ?
Pas du tout. Vous me connaissez depuis la 5ème législature et vous connaissez mon état d’esprit. Même la lettre publiée il y a trois jours n’a pas été écrite uniquement pour mon enfant mais pour tous les enfants qui passent leur temps derrière les barreaux.

Vous mentionnez vos efforts pour les idéaux de l’Imam et de la révolution avant et après la révolution ; cependant votre époux est catalogué par le régime actuel comme l’un des chefs de l’opposition. Ils prétendent que Monsieur Karroubi est en relation avec Israël et les États-Unis qui lui envoient leurs ordres. Que ressentez-vous, vous qui avez donné votre vie pour la révolution face à de tels problèmes ?
Ces commentaires et ces allégations sont tellement vides et sans fondement que je ne les commenterai pas et ne les soulignerai jamais. Ces messieurs qui en discutent en répondront devant Dieu ; l’insulte et le mépris sans aucune preuve n’ont aucune signification. Je suis sure que Monsieur Karroubi croit dans les idéaux de la révolution et je ne prête donc aucune attention à ces allégations fallacieuses. Elles n’ont aucun effet sur l’aspiration aux droits du peuple et aux idéaux de la révolution. Ma famille continuera à se tenir aux côtés des droits du peuple et des idéaux de la révolution sans aucun compromis. Je connais bien mon mari. Je connais également mes enfants. S’il existait la moindre preuve de ces allégations je demande qu’on les divulgue.

Avant la publication de cette lettre, vous avez parlé du manque de sécurité pour votre famille et déclaré que si quelque chose devait lui arriver, le régime serait responsable à vos yeux. Qu’est-ce qui vous a conduite à écrire une telle lettre et ressentez-vous toujours autant de crainte pour votre famille ?
A l’époque, les circonstances étaient effrayantes et je voulais publier une déclaration pour que, s’il arrivait quelque chose à ma famille et à moi, on ne reviendrait pas plus tard pour dire qu’il faut des réunions et des enquêtes, etc.. Monsieur Mozafar, ancien ministre de l’éducation, a dit sur la 2ème chaîne de l’IRIB que nous laissions la direction du mouvement dans les mains du peuple et Monsieur Boroudjerdi, parlementaire a fait des remarques similaires publiées dans les journaux. Ces commentaires insinuaient que si quelque chose nous arrivait c’était parce que le peuple nous avait tué. J’étais donc obligée de publier une déclaration claire pour avertir tout le monde pour que le peuple d’Iran soit informé. Aujourd’hui, la sécurité s’est un peu améliorée. La pression s’est un peu relâchée et nous nous sentons moins menacés.

Peut-on dire que les choses ont change en ce qui concerne votre sécurité et votre mode de vie? L’un de vos fils a été convoqué tandis que l’autre a été menacé de viol à cause de votre lettre, pour ne pas parler des menaces constantes que la conduite agressive des forces de sécurité fait subir à Monsieur Karroubi. Votre lettre donne à voir pour l’essentiel le manque de sécurité dont vous souffrez, vous et votre famille. Est-ce vrai ?
J’ai écrit cette lettre en tant que mère et pour une seule raison : je suis très inquiète pour les enfants de ce pays arrêtés et emprisonnés ainsi que pour leurs mères. La nuit où mon fils est rentré à la maison, j’étais extrêmement perturbée par tout ce qui se passait ; je n’arrivais pas à croire la facilité avec laquelle ils avaient dit à Ali qu’il avait de la chance et que s’il était resté quelques heures de plus, c’est son cadavre qu’ils auraient rendu à sa famille.

Le procureur de Téhéran a néanmoins nié l’arrestation d’Ali et a déclaré qu’après enquête, on avait conclu qu’il n’avait été arrêté par aucun organe gouvernemental demandant à Ali de prouver son arrestation.
Je suis vraiment désolée d’entendre ce qu’a dit le procureur de Téhéran, donnant son avis si vite et sans enquête. Le procureur a néanmoins raison quand il dit que la police a arrêté Ali le 22 Bahman et ils ont encore son portable entre les mains. Ils ont appelé cet après-midi pour demander qu’Ali vienne le récupérer. Ali a été relâché tard dans la soirée du commissariat mais ils lui avaient fait signer une lettre où il s’engageait à ne pas donner d’interview à ce sujet après sa relâche. De ce point de vue, le procureur a totalement raison ; il n’y a eu aucun mandat d’arrêt contre Ali, ils l’ont arrêté le soir où nous célébrions notre victoire nationale la plus importante. Vous êtes au courant de tous les autres détails de cette affaire puisque j’en ai largement parlé dans ma lettre.

Madame Karroubi, face à la crise que traverse actuellement notre pays, quelle solution proposez-vous ?
J’ai bon espoir que les dirigeants de notre pays, notre chef spiritual et les membres du gouvernement soient assez clairvoyants pour réfléchir sur leurs tactiques et leurs mises en œuvre, qu’ils renoueront le dialogue et échangeront avec les partisans de la révolution qui ont travaillé si dur pendant de si longues années pour la révolution et le pays pour trouver une solution et mettre fin à la situation actuelle.

Mais Monsieur Karroubi a déclaré que ni les dirigeants du mouvement Vert, ni le régime actuel n’étaient prêts aux négociations et aux compromis.
Nous devons voir la signification des négociations et des compromis et si cette négociation bénéficie ou non à la population. A mon avis, les intérêts de notre pays et des droits de notre peuple sont très importants. Cette discussion n’est en aucune façon personnelle et, quoi que nous fassions, nous devons privilégier les intérêts du pays et les droits du peuple avant tout et n’agir qu’en gardant ces deux idées à l’esprit.

Je vais vous le demander directement Madame Karroubi, existe-t-il une possibilité de négociation potentielle entre Monsieur Karroubi et Mahmoud Ahmadinedjad pour atteindre un compromis et accepter Monsieur Ahmadinedjad comme président de l’Iran ?
Totalement impossible sur le fond et la forme et quelle que soit la manière. Nous vivons ensemble depuis 47 ans et je le connais très bien. Je sais que c’est impossible et n’arrivera jamais. Une grande partie de la crise actuelle et des problèmes du pays est le résultat direct de la conduite de Monsieur Ahmadinedjad, de ses faits et de sa mauvaise gestion. Beaucoup des défis économiques et de sécurité nationale que nous connaissons sont également le résultat direct de la façon dont il a dirigé le pays. Notre constitution a précisément été faite pour traiter ce genre de problèmes et nous ne demandons que l’application de la constitution; nous avons l’une des constitutions les plus avancées du monde.

Voulez-vous dire qu’Ahmadinedjad pourrait être destitué par le Parlement ?
Oui, notre constitution envisage cette possibilité et j’ai l’espoir que si nos lois constitutionnelles sont intégralement appliquées, on s’occupera de ce problème.

Madame Karroubi, ces huit derniers mois, nous avons été témoins de l’arrestation de nombreux journalistes et militants politiques. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous faire savoir si ces arrestations résoudront l’un des problèmes que la république islamique affronte?
Ces arrestations ne bénéficieront jamais à la république islamique. Tous ceux qui ont été arrêtés se souciaient profondément de leur pays. S’ils ne s’en étaient pas souciés, ils auraient quitté le pays. En dépit de toutes les restrictions, ils avaient décidé de rester en Iran. Notre constitution soutient la liberté d’expression et aucune de ces personnes n’a dit ou désiré quoi que ce soit de contraire à la constitution. Les arrestations ne résoudront aucun problème. Les défis auxquels notre société et le pays doivent faire face ne seront pas résolus par des arrestations. Nous devons au moins résoudre ces problèmes par la justice et avec clairvoyance. Je suis très attristée, spécialement quand des femmes journalistes ou militantes politiques sont arrêtées et j’espère qu’elles seront libérées le plus tôt possible. Je me souviens de l’époque où j’étais membre du comité pour la liberté de la presse, nous essayions toujours de minimiser autant que possible le nombre de femmes arrêtées et emprisonnées. A cette époque, les publications comptaient plus de rédactrices que les journaux.

Madame Karroubi, ma dernière question; je voudrais vous demander jusqu’où vous et votre famille êtes prêts à soutenir les droits du peuple ? La pression exercée sur vos enfants et sur Monsieur Karroubi n’a-t-elle pas d’influence ?
Je ne suis pas une nouvelle venue en politique et ces difficultés ne sont pas nouvelles pour moi. J’avais 15 ans quand je suis rentrée dans la maison de Monsieur Karroubi. C’était le début de nos luttes pour l’imam et jusqu’à aujourd’hui nous avons vécu beaucoup de procès et de tribulations. Sous l’ancien régime, nous faisions constamment face au stress et aux soucis des arrestations de la savak [police secrète]. Maintenant que les enfants sont grands et en raison des évènements récents je suis de nouveau très stressée. Mais mon inquiétude et mon stress ne se limitent pas à mon mari et à mes enfants, mais à mon pays, mon peuple et la révolution. Certains pourraient penser que je dis cela à cause de l’interview, mais ce n’est pas vrai. Je suis inquiète pour la sécurité de mon peuple. Si notre peuple vit dans un environnement sûr, ma famille et moi-même vivrons également en sécurité. J’aimerais rappeler que plus on nous met la pression et plus nous serons déterminés, ma famille et moi.

samedi 2 janvier 2010

17ème déclaration de Moussavi à propos des évènements de l’Ashoura sanglante

Dans sa première déclaration après la tragédie de l’Ashoura 2009 (texte en Persan), Mir Hossein Moussavi a critiqué les attaques brutales des forces gouvernementales contre la nation iranienne en deuil, et propose une solution en cinq points pour sortir de la situation critique actuelle. Il considère les manifestations populaires d’Ashoura et Tassoua (les fêtes religieuses les plus saintes) comme spontanées, il insiste pour que les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire prennent leurs responsabilités face à la nation en votant une loi garantissant la transparence des élections pour restaurer la confiance, en libérant les prisonniers politiques et en leur rendant leur dignité et leur honneur, en reconnaissant la liberté de la presse, des médias et le droit du peuple à manifester légalement. Sans mettre en exergue le martyre de son propre neveu lors des évènements récents, Moussavi rappelle qu’il ne craint pas de devenir l’un des martyrs de la quête des droits légitimes religieux et nationaux et ajoute que son sang n’est pas plus rouge que celui de ceux martyrisés depuis les élections. Il souligne que ce n’est pas en ordonnant l’exécution, le meurtre ou l’arrestation de Karroubi, Moussavi ou d’autres que le problème pourra être résolu.

Texte traduit en Français par MG
Texte en Persan: ici
La page Facebook de Moussavi contenant une traduction en Anglais: ici


Déclaration intégrale de Mir Hossein Moussavi

Au nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux

On m’a répété, à moi et à [mes] amis, que si nous ne faisions pas de déclaration, les gens ne descendraient pas dans la rue, arrêteraient de manifester et de revendiquer et le pays serait pacifié. En tant que compagnon de route du grand mouvement populaire Vert, je n’étais pas en faveur de cette idée et je pensais que le retour à la normale ne viendrait que si les réformes nécessaires, basées sur les principes clairs de la constitution, étaient menées à bien.

Pour la commémoration de l’Ashoura, en dépit de nombreuses demandes, ni Karroubi, ni Khatami, ni moi-même, ni aucun autre ami n’a fait de déclaration. Et pourtant, le peuple a agi spontanément et a démontré que les vastes réseaux sociaux qui se sont formés spontanément pendant et après les élections n’attendaient pas les annonces ou les déclarations. Le peuple n’a pas de journaux pour l’accompagner ou l’encourager ; il ne profite pas d’une radiotélévision d’état supposée être neutre, juste et avisée ; et pourtant les nations du monde en ont été témoins : au milieu d’une tempête de menaces, de propagande, d’insultes et d’appels impies, en ce jour saint, les personnes portant le deuil de l’Imam Hossein (le petit-fils du Prophète Mahomet) en appelaient à Hossein pacifiquement et sans slogan radical sont descendues dans les rues et les places qu’ils avaient eux-mêmes choisi ; de nouveau, ils ont été en but à des provocations. Il y a eu des brutalités incroyables comme des voitures écrasant les gens, des milices en civil tirant sur le peuple ; ces miliciens sont aujourd’hui connus et leurs visages et ceux de ceux qui les manipulent se dévoilent de plus en plus. Tout cela a créé un désastre dont les conséquences ne sont pas prêtes de quitter la scène politique de ce pays de sitôt.

Si l’on regarde les images de l’Ashoura, on se rend compte que si parfois les slogans et les actions en sont venus à un radicalisme inacceptable, c’est parce qu’on a jeté des gens depuis des ponts ou des endroits en hauteur, qu’on les a écrasés avec des voitures ou assassinés ; il est intéressant de noter que sur certaines images, les gens voyaient leurs frères derrière les visages des forces de police ou bassidj en train de les réprimer ; dans cette situation critique et dans ce jour assourdissant de haine, ils essayaient de les protéger. Si la radiotélévision avait eu le moindre gramme d’équité, elle aurait diffusé un peu de ces scènes pour calmer l’atmosphère et rapprocher les gens. Mais non ! Le cours des évènements qui ont suivi l’Ashoura et l’étendue des arrestations et des autres actions gouvernementales ont démontré que les autorités répètent leurs erreurs passées sur une plus grande échelle et pensent que la seule solution est la politique de la terreur.

Admettons qu’avec toutes ces arrestations, ces brutalités, ces menaces, qu’avec le musellement des journaux et des médias vous puissiez réduire le peuple au silence pour quelques jours, comment changer l’opinion qu’a le peuple des institutions ? Comment compenser le manque de légitimité ? Comment changer la stupéfaction et la réprobation de tous les peuples du monde pour la brutalité d’un gouvernement contre son propre peuple ? Que faire des problèmes économiques du pays et des conditions de vie qui empirent à cause de la faiblesse extrême de son administration ? Comment faire reculer la menace de plus de sanctions de la part des Nations Unies et des efforts internationaux pour tirer plus encore d’avantages au détriment de notre pays et de notre nation ? En s’appuyant sur quelle expertise, quelle unité nationale, quelle politique étrangère efficace ?

Ils pensent qu’en repoussant les intellectuels, les érudits, les académiciens et les militants politiques ils peuvent revenir au temps d’avant les élections sans s’attaquer aux racines des problèmes actuels du pays. Mais ceux qui ont étudié l’histoire et en savent un peu à propos de la nature compliquée de la sociologie savent que cette idée est le résultat d’une illusion : fuir la réalité et chercher refuge dans des actions superficielles et trompeuses.

Je le dis clairement et sans ambages : l’ordre d’exécuter, d’assassiner ou d’emprisonner Karroubi, Moussavi ou d’autres personnalités du même genre ne résoudra pas le problème. Les annonces faites ce mercredi place Enghelâb et avant cela lors des dernières prières du vendredi par quelques personnalités affiliées aux institutions rendront directement responsables le coeur [des institutions] de toute conséquence d’un acte terroriste et empêcheront toute solution à la crise actuelle. Traiter la plus grande partie de la société de troupeau insignifiant de bœufs et de chèvres, de poussière et de paille et déclarer le meurtre de ceux qui pleurent le meurtre de l’Imam Hossein Mobah (autorisé par la religion) sont des catastrophes causées par un groupe connu et par la radiotélévision d’état. Qu’est-ce que c’est que ces discours depuis une tribune gouvernementale invitant les gens à s’affronter les uns aux autres en nommant un groupe parti de Dieu et l’autre parti du Diable ? Ils annoncent à plusieurs reprises dans une courte allocution que c’est la guerre ! Est-ce un appel à la guerre civile et aux émeutes ? Considérant l’usage fait du discours religieux, les références aux versets du Coran et à l’enseignement du Prophète, les plus éminents de nos religieux sont en mesure de dire ce qu’il convient de faire de ces gens.

Ce qu’on me rapporte en tant qu’humble membre de la société, sur la façon dont on reçoit les déviations de la voie de l’Islam et de notre pays bien-aimé et les remarques de ces derniers jours me rappellent une parole de l’Imam Khomeiny (que la paix soit sur lui) : « Tuez-nous et nous n’en serons que plus puissants. » Devenir l’un des martyrs qui ont donné leur vie depuis les élections pour obtenir ses droits légitimes tant religieux que nationaux ne m’inquiète pas et mon sang n’est pas plus rouge que celui des autres martyrs.

Je le dis sans ambages : à moins que l’existence d’une crise sérieuse dans le pays ne soit reconnue, on ne trouvera pas de solution aux questions et aux problèmes. La non-reconnaissance de la crise justifiera la poursuite des solutions répressives. La reconnaissance de la crise actuelle apportera une solution non de confrontation mais d’unité nationale. Accuser les gens d’impiété et de collaboration avec des pouvoirs étrangers impérialistes et des gens infâmes ou des mouvements épouvantables comme le MKO dans l’espoir que cela puisse conduire à l’élimination physique de certains fidèles de l’Islam et du peuple, voilà la conséquence de l’aveuglement volontaire sur la nature des problèmes nationaux du pays. En tant que fidèle, je dis que le MKO est mort avec ses trahisons et ses crimes ; ne le ressuscitez pas à cause de la haine ou pour en tirer des bénéfices partisans.

Avant de présenter ma solution de sortie de crise, il est nécessaire que je souligne la nature du mouvement Vert : il est islamique, national, opposé à la domination étrangère et loyal à la constitution. Nous suivons l’Imam Hossein. Nous sommes épris de cette liberté dont l’Imam innocent était le signe avant-coureur. Nous suivons celui qui ne tolérait pas que l’on dérobe un bijou du pied d’une juive dans cette vaste terre islamique (référence à l’Imam Ali). Nous croyons en l’interprétation divine de l’Islam qui considère que tous les humains sont semblables et ont une valeur égale dans la création, en la vision de la dignité intrinsèque de l’humain et n’accepte pas que l’attaquant reçoive une nourriture autre que celle offerte à la victime ou qu’il soit soumis à la torture ou autres actes de ce genre.

Mes chers amis, dont beaucoup sont en prison, et moi-même sommes de vrais fidèles de l’indépendance du pays et nous souffrons que notre marché islamique soit devenu un marché trompeur de marchandises importées. Nous sommes fermement opposés à la corruption actuelle qui émane de politiques erronées et du manque de perspicacité. Nous disons qu’une organisation vaste et influente comme l’IRG ne peut pas défendre le pays et les intérêts nationaux si elle doit calculer quotidiennement les hausses et les baisses de la bourse. ; Cela la corromprait en même temps que le pays. Nous disons que les salaires actuels des pauvres ouvriers, employés et d’autres groupes de la nation sont engloutis dans une corruption étendue et nous sommes prêts à participer à des discussions pour le démontrer. Le mouvement Vert est opposé au mensonge et nous considérons ce fait comme une destruction ravageuse pour la nation ; nous considérons donc que les mensonges en matière de politique, de sécurité, d’économie, de culture et d’autres domaines comme étant un grand danger pour le pays.

Nous voulons une administration véridique, généreuse et pacifique et un gouvernement basé sur les votes du peuple, qui considère les différentes opinions et idées du peuple comme une opportunité et non comme une menace. Nous considérons l’investigation dans la vie privée des gens, l’inquisition, l’espionnage, la fermeture des journaux et les limites portées aux médias comme opposés à notre religion prospère et dispensatrice de pouvoir et contre la constitution émanant de notre religion. Nous considérons le gaspillage d’un seul centime des deniers publics à des fins personnelles ou partisanes comme un péché et nous annonçons que la conspiration nationale vieille de 20 ans, approuvée par toutes les couches des institutions, s’est de nos jours métamorphosée en pièce de papier sans valeur ous avertissons que des concurrents importants dans la région dont la croissance économique est supérieure à 10% sont en train d’émerger et se renforcent de jour en jour tandis que notre gouvernement est malheureusement incapable d’établir un budget annuel, de conserver les comptes de la nation, de sauvegarder les économies du peuple et de répondre aux questions de la cour des comptes et du parlement.

Nous ne sommes affiliés ni aux Américains, ni aux Britanniques. Nous n’avons pas envoyé de cartes de vœux aux dirigeants des puissances mondiales et n’espérons pas leur assistance ; nous savons que l’orientation des affaires étrangères des différents pays découle des intérêts de ces mêmes nations et nous haïssons ceux qui ne respectent pas la culture et les convictions nationales de leurs nations. Il est ridicule de nous accuser d’avoir insulté le Coran et l’Ashoura de l’Imam Hossein et d’avoir déchiré le portrait de l’Imam Khomeiny. Evidemment, s’il y avait eu manque de respect le jour de l’Ashoura, nous ne l’approuverions pas mais nous considérons que les pires des manques de respect, ce sont les meurtres de personnes innocentes et de personnes en deuil le jour de l’Ashoura lors d’un mois pendant lequel l’Islam interdit de tuer.

Je pense que la solution des problèmes actuels et de la crise présente est la suivante. La situation du pays ressemble à un torrent rugissant dont les inondations étendues et différents évènements ont conduit à la crue et l’ont rendu boueux. La solution pour apaiser cette grande rivière et clarifier ses eaux ne se trouvera pas dans l’action rapide. Penser à des solutions de cet acabit - certains devraient se repentir, certains devraient négocier, échanger pour solutionner ce grand problème - c’est se tromper de chemin.

Je pense que l’apport d’eau fraîche et claire provenant de ruisseaux et de sources dans cette rivière sera la solution qui, petit à petit améliorera l’eau et la rivière. Je crois également qu’il n’est pas encore trop tard et que nos institutions ont le pouvoir de le faire s’il a la perception de son importance et s’il pose un regard respectueux et bienveillant sur la nation et toutes ses composantes. Je décris quelques solutions qui, comme les ruisseaux et les sources d’eau claire, peuvent influencer l’atmosphère nationale et améliorer la situation :

  1. L’exécutif devrait être responsable face au peuple, au législatif et au judiciaire afin qu’il n’y ait plus de soutien bizarre à l’exécutif en dépit de son incompétence ou de son incapacité ; l’exécutif doit être comptable de tous les problèmes qu’il a créés dans le pays. Bien sûr, si l’exécutif est compétent et équitable, il pourra répondre au peuple et au parlement ; s’il est incompétent et inapproprié, le législatif et le judiciaire le mettrait en accusation selon la constitution.
  2. Voter de nouvelles lois électorales claires qui permettent de regagner la confiance du peuple en des élections libres et justes sans ingérence ni interférence. Ces lois devraient assurer la participation du peuple entier en dépit de ses différences d’opinion et de vue et devraient interdire l’interférence déformée et partisane des autorités à quelque niveau que ce soit. Les partis originels dans les premiers jours de la révolution peuvent être considérés comme des modèles.
  3. Libérer tous les prisonniers politiques et leur rendre leur dignité et leur honneur. Je suis sûr que cela serait interprété comme un atout pour l’exécutif plutôt que comme une faiblesse et nous savons que les mouvements politiques qui ont perdu sont hostiles à cette solution
  4. L’amélioration est impossible sans la liberté de la presse et des médias et la reparution des journaux interdits. Il faut éliminer la peur des médias libres et on devrait s’intéresser à l’expérience internationale en ce domaine. L’expansion des chaînes par satellite, leur importance grandissante et l’influence décisive de ce média démontre clairement l’insuffisance des méthodes traditionnelles et les limites de la radiotélévision nationale. Les méthodes de brouillage des satellites et la censure d’Internet ne sont efficaces qu’à court terme. La seule solution c’est d’avoir des médias libres et informés à l’intérieur du pays. N’est-il pas temps de poser notre regard, depuis l’extérieur des frontières, sur la prospérité politique, culturelle et sociale par un acte courageux basé sur la confiance dans les forces intellectuelles et innovantes de la société ?
  5. Reconnaître les droits du peuple à organiser des manifestations légales, à constituer des partis politiques et des groupes et respecter l’article 27 de la constitution. On peut le faire avec la sagesse et la collaboration des personnes enthousiastes de ce pays ; cela peut remplacer la bataille entre les bassidj, les forces de sécurité et le peuple ou entre le peuple et le peuple dans une atmosphère d’amitié et d’affection nationale.
On pourrait rajouter des articles à la liste ci-dessus. A mon avis, le moindre filet d’eau claire est important par les temps qui courent. Il n’est pas nécessaire que tous ces points soient initiés en même temps. Si l’on constate de la détermination dans cet démarche, cela aidera à clarifier l’horizon. Mes derniers mots seront que toutes ces suggestions peuvent être exécutées avec sagesse, perspicacité et bonne volonté et sans besoin de traités, de négociations ou de marchandages politiques.

Mir Hossein Mousavi
http://www.kaleme.org/1388/10/11/klm-7047