Le texte qui suit est l'interview de Fatémeh, l'épouse de Mehdi Karroubi (l'un des leaders de l'opposition) avec Rouz Online, quelques jours après le matraquage de son fils Ali lors des manifestations du 22 Bahman. Dans un geste rare, Fatémeh Karroubi s'était déjà courageusement adressée à Ali Khamenei, le Guide de la Révolution, pour dénoncer l'arrestation et la torture de son fils.
Un grand merci à l'infatigable Ghazamfar pour la traduction de ce texte.
Madame Karroubi, en dehors de la publication de deux lettres, vous êtes restée silencieuse et n’avez fait aucun commentaire sur le 22 Khordad (l’élection présidentielle du 12 juin) et les évènements qui s’en sont suivis. Y a t il une raison particulière pour ce silence ?Vous connaissez bien ma façon de penser et êtes totalement au courant de mes prises de position depuis le temps où vous couvriez la 5ème législature ; nous étions alors minoritaires. Je crois dans les idéaux de l’Imam et de la révolution et je me suis toujours efforcée de ne porter atteinte en aucune façon au système, au régime ou à la révolution par ma conduite ou mes paroles. Je l’avais fait avant la révolution pendant les 15 années très difficiles que j’ai passées en plus grande partie derrière les portes des prisons, j’ai continué après la révolution avec toutes mes forces dans les tâches exécutives que j'ai assumées comme mon devoir moral et religieux. Malheureusement, en raison des récents événements et de leur amertume, j’ai préféré moins m’exprimer.
Madame Karroubi, en dehors de la publication de deux lettres, vous êtes restée silencieuse et n’avez fait aucun commentaire sur le 22 Khordad (l’élection présidentielle du 12 juin) et les évènements qui s’en sont suivis. Y a t il une raison particulière pour ce silence ?Vous connaissez bien ma façon de penser et êtes totalement au courant de mes prises de position depuis le temps où vous couvriez la 5ème législature ; nous étions alors minoritaires. Je crois dans les idéaux de l’Imam et de la révolution et je me suis toujours efforcée de ne porter atteinte en aucune façon au système, au régime ou à la révolution par ma conduite ou mes paroles. Je l’avais fait avant la révolution pendant les 15 années très difficiles que j’ai passées en plus grande partie derrière les portes des prisons, j’ai continué après la révolution avec toutes mes forces dans les tâches exécutives que j'ai assumées comme mon devoir moral et religieux. Malheureusement, en raison des récents événements et de leur amertume, j’ai préféré moins m’exprimer.
Ce silence est-il dû au fait que vous désiriez créer un environnement plus stable et sûr pour que vous puissiez rester libre de vous battre pour la libération de Monsieur Karroubi et de vos enfants dans le cas où ils seraient arrêtés ? En d’autres termes, est-ce une forme de division du travail ?
Pas du tout. Vous me connaissez depuis la 5ème législature et vous connaissez mon état d’esprit. Même la lettre publiée il y a trois jours n’a pas été écrite uniquement pour mon enfant mais pour tous les enfants qui passent leur temps derrière les barreaux.
Vous mentionnez vos efforts pour les idéaux de l’Imam et de la révolution avant et après la révolution ; cependant votre époux est catalogué par le régime actuel comme l’un des chefs de l’opposition. Ils prétendent que Monsieur Karroubi est en relation avec Israël et les États-Unis qui lui envoient leurs ordres. Que ressentez-vous, vous qui avez donné votre vie pour la révolution face à de tels problèmes ?
Ces commentaires et ces allégations sont tellement vides et sans fondement que je ne les commenterai pas et ne les soulignerai jamais. Ces messieurs qui en discutent en répondront devant Dieu ; l’insulte et le mépris sans aucune preuve n’ont aucune signification. Je suis sure que Monsieur Karroubi croit dans les idéaux de la révolution et je ne prête donc aucune attention à ces allégations fallacieuses. Elles n’ont aucun effet sur l’aspiration aux droits du peuple et aux idéaux de la révolution. Ma famille continuera à se tenir aux côtés des droits du peuple et des idéaux de la révolution sans aucun compromis. Je connais bien mon mari. Je connais également mes enfants. S’il existait la moindre preuve de ces allégations je demande qu’on les divulgue.
Avant la publication de cette lettre, vous avez parlé du manque de sécurité pour votre famille et déclaré que si quelque chose devait lui arriver, le régime serait responsable à vos yeux. Qu’est-ce qui vous a conduite à écrire une telle lettre et ressentez-vous toujours autant de crainte pour votre famille ?
A l’époque, les circonstances étaient effrayantes et je voulais publier une déclaration pour que, s’il arrivait quelque chose à ma famille et à moi, on ne reviendrait pas plus tard pour dire qu’il faut des réunions et des enquêtes, etc.. Monsieur Mozafar, ancien ministre de l’éducation, a dit sur la 2ème chaîne de l’IRIB que nous laissions la direction du mouvement dans les mains du peuple et Monsieur Boroudjerdi, parlementaire a fait des remarques similaires publiées dans les journaux. Ces commentaires insinuaient que si quelque chose nous arrivait c’était parce que le peuple nous avait tué. J’étais donc obligée de publier une déclaration claire pour avertir tout le monde pour que le peuple d’Iran soit informé. Aujourd’hui, la sécurité s’est un peu améliorée. La pression s’est un peu relâchée et nous nous sentons moins menacés.
Peut-on dire que les choses ont change en ce qui concerne votre sécurité et votre mode de vie? L’un de vos fils a été convoqué tandis que l’autre a été menacé de viol à cause de votre lettre, pour ne pas parler des menaces constantes que la conduite agressive des forces de sécurité fait subir à Monsieur Karroubi. Votre lettre donne à voir pour l’essentiel le manque de sécurité dont vous souffrez, vous et votre famille. Est-ce vrai ?
J’ai écrit cette lettre en tant que mère et pour une seule raison : je suis très inquiète pour les enfants de ce pays arrêtés et emprisonnés ainsi que pour leurs mères. La nuit où mon fils est rentré à la maison, j’étais extrêmement perturbée par tout ce qui se passait ; je n’arrivais pas à croire la facilité avec laquelle ils avaient dit à Ali qu’il avait de la chance et que s’il était resté quelques heures de plus, c’est son cadavre qu’ils auraient rendu à sa famille.
Le procureur de Téhéran a néanmoins nié l’arrestation d’Ali et a déclaré qu’après enquête, on avait conclu qu’il n’avait été arrêté par aucun organe gouvernemental demandant à Ali de prouver son arrestation.
Je suis vraiment désolée d’entendre ce qu’a dit le procureur de Téhéran, donnant son avis si vite et sans enquête. Le procureur a néanmoins raison quand il dit que la police a arrêté Ali le 22 Bahman et ils ont encore son portable entre les mains. Ils ont appelé cet après-midi pour demander qu’Ali vienne le récupérer. Ali a été relâché tard dans la soirée du commissariat mais ils lui avaient fait signer une lettre où il s’engageait à ne pas donner d’interview à ce sujet après sa relâche. De ce point de vue, le procureur a totalement raison ; il n’y a eu aucun mandat d’arrêt contre Ali, ils l’ont arrêté le soir où nous célébrions notre victoire nationale la plus importante. Vous êtes au courant de tous les autres détails de cette affaire puisque j’en ai largement parlé dans ma lettre.
Madame Karroubi, face à la crise que traverse actuellement notre pays, quelle solution proposez-vous ?
J’ai bon espoir que les dirigeants de notre pays, notre chef spiritual et les membres du gouvernement soient assez clairvoyants pour réfléchir sur leurs tactiques et leurs mises en œuvre, qu’ils renoueront le dialogue et échangeront avec les partisans de la révolution qui ont travaillé si dur pendant de si longues années pour la révolution et le pays pour trouver une solution et mettre fin à la situation actuelle.
Mais Monsieur Karroubi a déclaré que ni les dirigeants du mouvement Vert, ni le régime actuel n’étaient prêts aux négociations et aux compromis.
Nous devons voir la signification des négociations et des compromis et si cette négociation bénéficie ou non à la population. A mon avis, les intérêts de notre pays et des droits de notre peuple sont très importants. Cette discussion n’est en aucune façon personnelle et, quoi que nous fassions, nous devons privilégier les intérêts du pays et les droits du peuple avant tout et n’agir qu’en gardant ces deux idées à l’esprit.
Je vais vous le demander directement Madame Karroubi, existe-t-il une possibilité de négociation potentielle entre Monsieur Karroubi et Mahmoud Ahmadinedjad pour atteindre un compromis et accepter Monsieur Ahmadinedjad comme président de l’Iran ?
Totalement impossible sur le fond et la forme et quelle que soit la manière. Nous vivons ensemble depuis 47 ans et je le connais très bien. Je sais que c’est impossible et n’arrivera jamais. Une grande partie de la crise actuelle et des problèmes du pays est le résultat direct de la conduite de Monsieur Ahmadinedjad, de ses faits et de sa mauvaise gestion. Beaucoup des défis économiques et de sécurité nationale que nous connaissons sont également le résultat direct de la façon dont il a dirigé le pays. Notre constitution a précisément été faite pour traiter ce genre de problèmes et nous ne demandons que l’application de la constitution; nous avons l’une des constitutions les plus avancées du monde.
Voulez-vous dire qu’Ahmadinedjad pourrait être destitué par le Parlement ?
Oui, notre constitution envisage cette possibilité et j’ai l’espoir que si nos lois constitutionnelles sont intégralement appliquées, on s’occupera de ce problème.
Madame Karroubi, ces huit derniers mois, nous avons été témoins de l’arrestation de nombreux journalistes et militants politiques. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous faire savoir si ces arrestations résoudront l’un des problèmes que la république islamique affronte?
Ces arrestations ne bénéficieront jamais à la république islamique. Tous ceux qui ont été arrêtés se souciaient profondément de leur pays. S’ils ne s’en étaient pas souciés, ils auraient quitté le pays. En dépit de toutes les restrictions, ils avaient décidé de rester en Iran. Notre constitution soutient la liberté d’expression et aucune de ces personnes n’a dit ou désiré quoi que ce soit de contraire à la constitution. Les arrestations ne résoudront aucun problème. Les défis auxquels notre société et le pays doivent faire face ne seront pas résolus par des arrestations. Nous devons au moins résoudre ces problèmes par la justice et avec clairvoyance. Je suis très attristée, spécialement quand des femmes journalistes ou militantes politiques sont arrêtées et j’espère qu’elles seront libérées le plus tôt possible. Je me souviens de l’époque où j’étais membre du comité pour la liberté de la presse, nous essayions toujours de minimiser autant que possible le nombre de femmes arrêtées et emprisonnées. A cette époque, les publications comptaient plus de rédactrices que les journaux.
Madame Karroubi, ma dernière question; je voudrais vous demander jusqu’où vous et votre famille êtes prêts à soutenir les droits du peuple ? La pression exercée sur vos enfants et sur Monsieur Karroubi n’a-t-elle pas d’influence ?
Je ne suis pas une nouvelle venue en politique et ces difficultés ne sont pas nouvelles pour moi. J’avais 15 ans quand je suis rentrée dans la maison de Monsieur Karroubi. C’était le début de nos luttes pour l’imam et jusqu’à aujourd’hui nous avons vécu beaucoup de procès et de tribulations. Sous l’ancien régime, nous faisions constamment face au stress et aux soucis des arrestations de la savak [police secrète]. Maintenant que les enfants sont grands et en raison des évènements récents je suis de nouveau très stressée. Mais mon inquiétude et mon stress ne se limitent pas à mon mari et à mes enfants, mais à mon pays, mon peuple et la révolution. Certains pourraient penser que je dis cela à cause de l’interview, mais ce n’est pas vrai. Je suis inquiète pour la sécurité de mon peuple. Si notre peuple vit dans un environnement sûr, ma famille et moi-même vivrons également en sécurité. J’aimerais rappeler que plus on nous met la pression et plus nous serons déterminés, ma famille et moi.
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