samedi 2 janvier 2010

17ème déclaration de Moussavi à propos des évènements de l’Ashoura sanglante

Dans sa première déclaration après la tragédie de l’Ashoura 2009 (texte en Persan), Mir Hossein Moussavi a critiqué les attaques brutales des forces gouvernementales contre la nation iranienne en deuil, et propose une solution en cinq points pour sortir de la situation critique actuelle. Il considère les manifestations populaires d’Ashoura et Tassoua (les fêtes religieuses les plus saintes) comme spontanées, il insiste pour que les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire prennent leurs responsabilités face à la nation en votant une loi garantissant la transparence des élections pour restaurer la confiance, en libérant les prisonniers politiques et en leur rendant leur dignité et leur honneur, en reconnaissant la liberté de la presse, des médias et le droit du peuple à manifester légalement. Sans mettre en exergue le martyre de son propre neveu lors des évènements récents, Moussavi rappelle qu’il ne craint pas de devenir l’un des martyrs de la quête des droits légitimes religieux et nationaux et ajoute que son sang n’est pas plus rouge que celui de ceux martyrisés depuis les élections. Il souligne que ce n’est pas en ordonnant l’exécution, le meurtre ou l’arrestation de Karroubi, Moussavi ou d’autres que le problème pourra être résolu.

Texte traduit en Français par MG
Texte en Persan: ici
La page Facebook de Moussavi contenant une traduction en Anglais: ici


Déclaration intégrale de Mir Hossein Moussavi

Au nom de Dieu le Clément et le Miséricordieux

On m’a répété, à moi et à [mes] amis, que si nous ne faisions pas de déclaration, les gens ne descendraient pas dans la rue, arrêteraient de manifester et de revendiquer et le pays serait pacifié. En tant que compagnon de route du grand mouvement populaire Vert, je n’étais pas en faveur de cette idée et je pensais que le retour à la normale ne viendrait que si les réformes nécessaires, basées sur les principes clairs de la constitution, étaient menées à bien.

Pour la commémoration de l’Ashoura, en dépit de nombreuses demandes, ni Karroubi, ni Khatami, ni moi-même, ni aucun autre ami n’a fait de déclaration. Et pourtant, le peuple a agi spontanément et a démontré que les vastes réseaux sociaux qui se sont formés spontanément pendant et après les élections n’attendaient pas les annonces ou les déclarations. Le peuple n’a pas de journaux pour l’accompagner ou l’encourager ; il ne profite pas d’une radiotélévision d’état supposée être neutre, juste et avisée ; et pourtant les nations du monde en ont été témoins : au milieu d’une tempête de menaces, de propagande, d’insultes et d’appels impies, en ce jour saint, les personnes portant le deuil de l’Imam Hossein (le petit-fils du Prophète Mahomet) en appelaient à Hossein pacifiquement et sans slogan radical sont descendues dans les rues et les places qu’ils avaient eux-mêmes choisi ; de nouveau, ils ont été en but à des provocations. Il y a eu des brutalités incroyables comme des voitures écrasant les gens, des milices en civil tirant sur le peuple ; ces miliciens sont aujourd’hui connus et leurs visages et ceux de ceux qui les manipulent se dévoilent de plus en plus. Tout cela a créé un désastre dont les conséquences ne sont pas prêtes de quitter la scène politique de ce pays de sitôt.

Si l’on regarde les images de l’Ashoura, on se rend compte que si parfois les slogans et les actions en sont venus à un radicalisme inacceptable, c’est parce qu’on a jeté des gens depuis des ponts ou des endroits en hauteur, qu’on les a écrasés avec des voitures ou assassinés ; il est intéressant de noter que sur certaines images, les gens voyaient leurs frères derrière les visages des forces de police ou bassidj en train de les réprimer ; dans cette situation critique et dans ce jour assourdissant de haine, ils essayaient de les protéger. Si la radiotélévision avait eu le moindre gramme d’équité, elle aurait diffusé un peu de ces scènes pour calmer l’atmosphère et rapprocher les gens. Mais non ! Le cours des évènements qui ont suivi l’Ashoura et l’étendue des arrestations et des autres actions gouvernementales ont démontré que les autorités répètent leurs erreurs passées sur une plus grande échelle et pensent que la seule solution est la politique de la terreur.

Admettons qu’avec toutes ces arrestations, ces brutalités, ces menaces, qu’avec le musellement des journaux et des médias vous puissiez réduire le peuple au silence pour quelques jours, comment changer l’opinion qu’a le peuple des institutions ? Comment compenser le manque de légitimité ? Comment changer la stupéfaction et la réprobation de tous les peuples du monde pour la brutalité d’un gouvernement contre son propre peuple ? Que faire des problèmes économiques du pays et des conditions de vie qui empirent à cause de la faiblesse extrême de son administration ? Comment faire reculer la menace de plus de sanctions de la part des Nations Unies et des efforts internationaux pour tirer plus encore d’avantages au détriment de notre pays et de notre nation ? En s’appuyant sur quelle expertise, quelle unité nationale, quelle politique étrangère efficace ?

Ils pensent qu’en repoussant les intellectuels, les érudits, les académiciens et les militants politiques ils peuvent revenir au temps d’avant les élections sans s’attaquer aux racines des problèmes actuels du pays. Mais ceux qui ont étudié l’histoire et en savent un peu à propos de la nature compliquée de la sociologie savent que cette idée est le résultat d’une illusion : fuir la réalité et chercher refuge dans des actions superficielles et trompeuses.

Je le dis clairement et sans ambages : l’ordre d’exécuter, d’assassiner ou d’emprisonner Karroubi, Moussavi ou d’autres personnalités du même genre ne résoudra pas le problème. Les annonces faites ce mercredi place Enghelâb et avant cela lors des dernières prières du vendredi par quelques personnalités affiliées aux institutions rendront directement responsables le coeur [des institutions] de toute conséquence d’un acte terroriste et empêcheront toute solution à la crise actuelle. Traiter la plus grande partie de la société de troupeau insignifiant de bœufs et de chèvres, de poussière et de paille et déclarer le meurtre de ceux qui pleurent le meurtre de l’Imam Hossein Mobah (autorisé par la religion) sont des catastrophes causées par un groupe connu et par la radiotélévision d’état. Qu’est-ce que c’est que ces discours depuis une tribune gouvernementale invitant les gens à s’affronter les uns aux autres en nommant un groupe parti de Dieu et l’autre parti du Diable ? Ils annoncent à plusieurs reprises dans une courte allocution que c’est la guerre ! Est-ce un appel à la guerre civile et aux émeutes ? Considérant l’usage fait du discours religieux, les références aux versets du Coran et à l’enseignement du Prophète, les plus éminents de nos religieux sont en mesure de dire ce qu’il convient de faire de ces gens.

Ce qu’on me rapporte en tant qu’humble membre de la société, sur la façon dont on reçoit les déviations de la voie de l’Islam et de notre pays bien-aimé et les remarques de ces derniers jours me rappellent une parole de l’Imam Khomeiny (que la paix soit sur lui) : « Tuez-nous et nous n’en serons que plus puissants. » Devenir l’un des martyrs qui ont donné leur vie depuis les élections pour obtenir ses droits légitimes tant religieux que nationaux ne m’inquiète pas et mon sang n’est pas plus rouge que celui des autres martyrs.

Je le dis sans ambages : à moins que l’existence d’une crise sérieuse dans le pays ne soit reconnue, on ne trouvera pas de solution aux questions et aux problèmes. La non-reconnaissance de la crise justifiera la poursuite des solutions répressives. La reconnaissance de la crise actuelle apportera une solution non de confrontation mais d’unité nationale. Accuser les gens d’impiété et de collaboration avec des pouvoirs étrangers impérialistes et des gens infâmes ou des mouvements épouvantables comme le MKO dans l’espoir que cela puisse conduire à l’élimination physique de certains fidèles de l’Islam et du peuple, voilà la conséquence de l’aveuglement volontaire sur la nature des problèmes nationaux du pays. En tant que fidèle, je dis que le MKO est mort avec ses trahisons et ses crimes ; ne le ressuscitez pas à cause de la haine ou pour en tirer des bénéfices partisans.

Avant de présenter ma solution de sortie de crise, il est nécessaire que je souligne la nature du mouvement Vert : il est islamique, national, opposé à la domination étrangère et loyal à la constitution. Nous suivons l’Imam Hossein. Nous sommes épris de cette liberté dont l’Imam innocent était le signe avant-coureur. Nous suivons celui qui ne tolérait pas que l’on dérobe un bijou du pied d’une juive dans cette vaste terre islamique (référence à l’Imam Ali). Nous croyons en l’interprétation divine de l’Islam qui considère que tous les humains sont semblables et ont une valeur égale dans la création, en la vision de la dignité intrinsèque de l’humain et n’accepte pas que l’attaquant reçoive une nourriture autre que celle offerte à la victime ou qu’il soit soumis à la torture ou autres actes de ce genre.

Mes chers amis, dont beaucoup sont en prison, et moi-même sommes de vrais fidèles de l’indépendance du pays et nous souffrons que notre marché islamique soit devenu un marché trompeur de marchandises importées. Nous sommes fermement opposés à la corruption actuelle qui émane de politiques erronées et du manque de perspicacité. Nous disons qu’une organisation vaste et influente comme l’IRG ne peut pas défendre le pays et les intérêts nationaux si elle doit calculer quotidiennement les hausses et les baisses de la bourse. ; Cela la corromprait en même temps que le pays. Nous disons que les salaires actuels des pauvres ouvriers, employés et d’autres groupes de la nation sont engloutis dans une corruption étendue et nous sommes prêts à participer à des discussions pour le démontrer. Le mouvement Vert est opposé au mensonge et nous considérons ce fait comme une destruction ravageuse pour la nation ; nous considérons donc que les mensonges en matière de politique, de sécurité, d’économie, de culture et d’autres domaines comme étant un grand danger pour le pays.

Nous voulons une administration véridique, généreuse et pacifique et un gouvernement basé sur les votes du peuple, qui considère les différentes opinions et idées du peuple comme une opportunité et non comme une menace. Nous considérons l’investigation dans la vie privée des gens, l’inquisition, l’espionnage, la fermeture des journaux et les limites portées aux médias comme opposés à notre religion prospère et dispensatrice de pouvoir et contre la constitution émanant de notre religion. Nous considérons le gaspillage d’un seul centime des deniers publics à des fins personnelles ou partisanes comme un péché et nous annonçons que la conspiration nationale vieille de 20 ans, approuvée par toutes les couches des institutions, s’est de nos jours métamorphosée en pièce de papier sans valeur ous avertissons que des concurrents importants dans la région dont la croissance économique est supérieure à 10% sont en train d’émerger et se renforcent de jour en jour tandis que notre gouvernement est malheureusement incapable d’établir un budget annuel, de conserver les comptes de la nation, de sauvegarder les économies du peuple et de répondre aux questions de la cour des comptes et du parlement.

Nous ne sommes affiliés ni aux Américains, ni aux Britanniques. Nous n’avons pas envoyé de cartes de vœux aux dirigeants des puissances mondiales et n’espérons pas leur assistance ; nous savons que l’orientation des affaires étrangères des différents pays découle des intérêts de ces mêmes nations et nous haïssons ceux qui ne respectent pas la culture et les convictions nationales de leurs nations. Il est ridicule de nous accuser d’avoir insulté le Coran et l’Ashoura de l’Imam Hossein et d’avoir déchiré le portrait de l’Imam Khomeiny. Evidemment, s’il y avait eu manque de respect le jour de l’Ashoura, nous ne l’approuverions pas mais nous considérons que les pires des manques de respect, ce sont les meurtres de personnes innocentes et de personnes en deuil le jour de l’Ashoura lors d’un mois pendant lequel l’Islam interdit de tuer.

Je pense que la solution des problèmes actuels et de la crise présente est la suivante. La situation du pays ressemble à un torrent rugissant dont les inondations étendues et différents évènements ont conduit à la crue et l’ont rendu boueux. La solution pour apaiser cette grande rivière et clarifier ses eaux ne se trouvera pas dans l’action rapide. Penser à des solutions de cet acabit - certains devraient se repentir, certains devraient négocier, échanger pour solutionner ce grand problème - c’est se tromper de chemin.

Je pense que l’apport d’eau fraîche et claire provenant de ruisseaux et de sources dans cette rivière sera la solution qui, petit à petit améliorera l’eau et la rivière. Je crois également qu’il n’est pas encore trop tard et que nos institutions ont le pouvoir de le faire s’il a la perception de son importance et s’il pose un regard respectueux et bienveillant sur la nation et toutes ses composantes. Je décris quelques solutions qui, comme les ruisseaux et les sources d’eau claire, peuvent influencer l’atmosphère nationale et améliorer la situation :

  1. L’exécutif devrait être responsable face au peuple, au législatif et au judiciaire afin qu’il n’y ait plus de soutien bizarre à l’exécutif en dépit de son incompétence ou de son incapacité ; l’exécutif doit être comptable de tous les problèmes qu’il a créés dans le pays. Bien sûr, si l’exécutif est compétent et équitable, il pourra répondre au peuple et au parlement ; s’il est incompétent et inapproprié, le législatif et le judiciaire le mettrait en accusation selon la constitution.
  2. Voter de nouvelles lois électorales claires qui permettent de regagner la confiance du peuple en des élections libres et justes sans ingérence ni interférence. Ces lois devraient assurer la participation du peuple entier en dépit de ses différences d’opinion et de vue et devraient interdire l’interférence déformée et partisane des autorités à quelque niveau que ce soit. Les partis originels dans les premiers jours de la révolution peuvent être considérés comme des modèles.
  3. Libérer tous les prisonniers politiques et leur rendre leur dignité et leur honneur. Je suis sûr que cela serait interprété comme un atout pour l’exécutif plutôt que comme une faiblesse et nous savons que les mouvements politiques qui ont perdu sont hostiles à cette solution
  4. L’amélioration est impossible sans la liberté de la presse et des médias et la reparution des journaux interdits. Il faut éliminer la peur des médias libres et on devrait s’intéresser à l’expérience internationale en ce domaine. L’expansion des chaînes par satellite, leur importance grandissante et l’influence décisive de ce média démontre clairement l’insuffisance des méthodes traditionnelles et les limites de la radiotélévision nationale. Les méthodes de brouillage des satellites et la censure d’Internet ne sont efficaces qu’à court terme. La seule solution c’est d’avoir des médias libres et informés à l’intérieur du pays. N’est-il pas temps de poser notre regard, depuis l’extérieur des frontières, sur la prospérité politique, culturelle et sociale par un acte courageux basé sur la confiance dans les forces intellectuelles et innovantes de la société ?
  5. Reconnaître les droits du peuple à organiser des manifestations légales, à constituer des partis politiques et des groupes et respecter l’article 27 de la constitution. On peut le faire avec la sagesse et la collaboration des personnes enthousiastes de ce pays ; cela peut remplacer la bataille entre les bassidj, les forces de sécurité et le peuple ou entre le peuple et le peuple dans une atmosphère d’amitié et d’affection nationale.
On pourrait rajouter des articles à la liste ci-dessus. A mon avis, le moindre filet d’eau claire est important par les temps qui courent. Il n’est pas nécessaire que tous ces points soient initiés en même temps. Si l’on constate de la détermination dans cet démarche, cela aidera à clarifier l’horizon. Mes derniers mots seront que toutes ces suggestions peuvent être exécutées avec sagesse, perspicacité et bonne volonté et sans besoin de traités, de négociations ou de marchandages politiques.

Mir Hossein Mousavi
http://www.kaleme.org/1388/10/11/klm-7047

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