mardi 4 août 2009

Behzad Mohajer, un autre Martyr, remis à sa famille après 50 jours

Nous traduisons ici un article bouleversant de Nima Namdari (Blog) concernant Behzad Mohajer, un autre Martyr, remis à sa famille après 50 jours. D'autres précisions peuvent être trouvée dans l'article de Fereshteh Ghazi (Twitter/IranBaan) ici.

Les mots nous manquent. Nos pensées vont à Behzad, à sa famille et à ses proches. Nous n'oublierons jamais ces crimes. Nous n'oublierons jamais Behzad.



Tu es resté avec la terre, nous partons avec la rage (par Nima Namdari)

Son corps est dur comme une pierre après 50 jours d’enfermement dans la chambre froide de la morgue (la chambre froide, n’est-ce pas la prison des morts?). Les laveurs ont du mal à le retourner. Son corps congelé n’entrait pas dans le creux de la pierre de Ghosl. Son corps est enflé. Sa poitrine coupée de part en part, comme une croix, du cou jusqu’au nombril et d’une épaule à l’autre. On dirait qu’on l’a autopsié. Peut-être qu’ils cherchaient des balles. Un petit cercle sur la partie gauche de sa poitrine, là où un jour un cœur battait, montre une trace de balle. Un trou qui sur la blancheur de la poitrine saute aux yeux. Par contre l’autre petit trou, caché sous le bras droit, est à peine visible. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison, parce que quand on retourne le cadavre, la vision de ce dos en sang et totalement ravagé, déchire le cœur et te fait oublier le petit trou derrière le bras droit. Combien de balles l’ont transpercé? Deux ou peut-être même qu’une seule. Peut-être qu’il voulait faire bouclier avec son bras mais la balle l’a traversé et a transpercé sa poitrine. Mais où est alors la trace de balle sur l’autre côté du bras? Je n’en sais rien.



Les laveurs le lavent encore. Ça se voit qu’avant sa mort, il était à l’hôpital. Les bandages et aiguilles et autres choses dont je ne sais le nom et que l’on attache aux corps des gens à l’hôpital, étaient toujours collées à son corps de pierre. Les laveurs les détachent du corps. Une eau rouge de sang coule et évacue les bandages, aiguilles et … . Des bouts de coton blanc, couvrent peu à peu son corps martyrisé. Ils déchirent le tissu pour préparer le linceul.



Nous sommes peu nombreux. De 20 à 30 personnes. La chaleur de Mordad à midi tape très fort. Mais ça a l’avantage de vaporiser tout de suite les larmes sur le visage. Maman s’est quasiment évanouie, ses cris sont à peine audibles et compréhensibles. Tante pleure en silence comme d’habitude. Les forts mouvements de ses épaules, laissent deviner la force de ses pleurs. Une famille avec plein de garçons a au moins l’avantage de ne pas manquer de bras pour transporter un cadavre. Mes 2 frères et moi, les 3 fils de ma tante et les 3 fils de mon oncle sommes un bataillon sans sœur. On porte le corps jusqu’à la section 208. Il avait déjà acheté un emplacement près de la tombe de sa mère. Il voulait être enterré près d’elle. On le met dans sa tombe. La voiture de police n’est pas loin. Les agents ne font que regarder. Ces minables n’ont pas d’excuse. Qu’est-ce qu’on pourrait bien faire nous avec les larmes brûlantes de Mordad, la terre chaude de Behesht-e Zahra et ce cadavre dans la tombe?

Je me surprends d’écrire aussi facilement. Je n’aurais jamais pensé pouvoir écrire aussi facilement que nous avons mis l’oncle Behzad dans sa tombe, notre petit oncle, notre oncle joyeux et déconneur. Ça faisait un certain temps que je ne l’avais pas vu d’ailleurs. C’était de ma faute. Par paresse. Je ne peux pas vous décrire ce qu’on a ressenti hier avec Maman, quand on est allés chez lui chercher sa carte d’identité et ses papiers pour la tombe. Il s’était habitué à la solitude. Sa petite maison bien propre, ses vêtements neufs qu’il avait achetés récemment. Deux costumes bien rangés dans son armoire, le bout de papier à côté du téléphone : sucre, huile de friture, pruneaux, …, on dirait une liste pour des courses. Du pain barbari bien découpé et rangé au frigo, des aubergines précuites dans le congélateur, des vaisselles bien rangées dans le sèche vaisselle. Que sa petite maison est propre et bien rangée. Qu’on me dise pas que dans une maison sans femme, c’est toujours le chaos. La brosse à dents devant le miroir, les photos de Nasrin, sa mère et moi près du téléphone. Ce sont les détails qui brûlent le cœur. Tu n'aurais jamais pensé que le cœur de quelqu’un brûle en regardant ta serviette et ta brosse à dents? Le mien et celui de maman ont brûlé hier.

Et maintenant, cette petite vie, simple, normale et belle est ensevelie sous la terre. Ah... comme j’écris simplement "ensevelie sous terre". Ashkan, Sina, Arsalan, Ali, Alborz, Babak et moi avons enterré l’oncle Behzad (heureusement qu’il n’y avait pas Raham, c’est celui qui se chagrine le plus). On l’a mis dans sa tombe, près de sa mère, avec son corps dur et martyrisé, avec sa trace de balle (balles?), avec tous les efforts et les souffrances qu’il avait eus pendant ces 47 années. On l’a laissé au repos, sous la terre d’un cimetière où son père était enterré il y a 40 ans. Quand l’orphelinat et la pauvreté ont commencé pour lui. On l’a enseveli sous la terre avec toutes ces années de pauvreté et de difficulté, de solitude et de travail, de guerre et de front, avec les rêves simples d’une personne normale.

On l’a couvert de terre. Oncle! Adieu, adieu toute cette jeunesse mélancolique, toutes ces soirées de solitude, toutes ces journées de sueur et travail. Tu es resté avec la terre, nous partons avec la rage.



ps: très beau poème en persan écrit par Behzad il y a 2 ans à l'occasion de la mort de sa mère
http://www.mowjcamp.com/article/id/10849

شعر زیر را شهید بهزاد مهاجر، دو سال پیش، پس از مرگ مادرش سروده و در دفترچه اشعارش ثبت کرده است:

به خانه ندارم دگر چشم براهی
که تک چشم براهم برفته به آهی

نماندی و رفتی تو ای تک چراغم
چگونه گذارم من این عمر واهی

کنون ره سپارم در این کوره راهم
نبینم بجز گرد باد و تباهی

به قصد نجاتم روم زین مکان مصیبت
که شاید ببینم چراغی به راهی

امان زین تبه پیشگان زمانه
چه خواهند از جان هر بی پناهی

2 commentaires:

  1. Je suis si triste que je ne peux pas expliquer j'ai envie pleurer, pleurer et pleurer j'ai meme age que lui, quand nous avons fait la révolution c'était pour un monde meilleur, mais malheureusement c'est l'ignorance qui a gagné. Courage et patience l'avenir est à nous.
    Laleh

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  2. Je souhaite de tout mon coeur que toutes ces personnes qui ont été torturées et auxquelles on a volé la vie simplement parce qu'elles réclamaient la vérité, la liberté et la justice, seront très bientôt vengées par la victoire de la démocratie en Iran. Les Iraniennes et les Iraniens n'oublieront jamais ces martyrs. Leur courage a fait l'admiration du monde entier. Que Behzad repose en paix parmi les anges, tout comme les autres martyrs...

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