lundi 3 août 2009

Qu’ils nous disent pourquoi nos enfants sont morts!

Ce reportage a été préparé par Fereshteh Ghazi (Blog remarquable, IranBaan sur Twitter), journaliste à Rooz Online et militante des droits de l’Homme, au sujet du traitement réservé par le régime de Téhéran aux familles des victimes et des disparus ces dernières semaines. La multiplicité de ces témoignages accablants et la concordance des informations sur les méthodes utilisées par l’appareil répressif du régime, prouvent une nouvelle fois que nous sommes en présence de crimes d’Etat de très grande ampleur, systématiques et généralisés, d’une brutalité extrême.

Nous saluons ici le travail considérable fait par Fereshteh et par d’autres journalistes, militants et blogueurs iraniens au péril de leur vie.

Pour que le monde entier le sache, en tant qu'êtres humains, nous avons l’obligation de témoigner.




Qu’ils nous disent pourquoi nos enfants sont morts!

Alors que tous les jours, de nouvelles victimes sont identifiées, les familles de ces victimes sont soumises à une pression extrême afin de les empêcher de divulguer des informations au sujet des crimes commis. Ces familles n’ont même pas le droit d’organiser des cérémonies de deuil. Ces familles veulent connaître les raisons et les circonstances de la mort de leurs enfants.

Amir Javadi-Far, étudiant en management à l’université de Ghazvin, est l’un des martyrs des événements récents qui a été inhumé la semaine dernière. Aujourd’hui, c’est la cérémonie de son 7ème jour de deuil au cimentière Behesht-e Zahra (les 3ème, 7ème et 40ème jours sont en général commémorés par les musulmans). Le corps sans vie de ce jeune de 25 ans qui avait été arrêté le 18 Tir (9 Juillet), a été remis dimanche dernier à sa famille, alors que celle-ci ignorait totalement le lieu et les conditions de détention de leur fils. Ali Javadi-Far, le père d’Amir, a déclaré à Rooz Online la semaine passée, qu’il voulait révéler des informations dans les prochains jours.

Hier, ce père meurtri de douleur, a déclaré à Rooz Online qu’il voulait connaître la raison de la mort de son fils. "J’ai remis (aux autorités) mon fils sain et sauf et lorsque je l’ai récupéré, il y avait des signes de violences et de tortures sur son corps". Il a aussi précisé qu’en raison de son propre état, il n’a vu que la partie supérieure du corps de son fils. Il ignore dans quel état se trouvaient ses membres inférieurs. Il ajoute: "Lorsque j’ai identifié le cadavre de mon fils, il avait été autopsié et le rapport avait conclu une mort de cause inconnue, que la raison du décès était en cours d’étude". "Je veux juste connaître la raison de sa mort, les circonstances de sa mort. C’est ce que j’ai demandé quand on m’a remis son corps. Ils m’ont dit : un comité est en charge de mener une enquête et ils vous transmettront leur conclusion.

Personne n’a indiqué à M. Javadi-Far à quel organisme appartenait ce fameux "comité". Il a juste pu participer à une réunion de ce comité mercredi dernier. "Dans ce comité qui s’intitulait commission de sécurité nationale ou quelque chose dans ce genre, des représentants des trois pouvoirs (judiciaire, législatif et exécutif) et le gouverneur de Téhéran étaient présents. Ils ont indiqué qu’ils suivraient le dossier. J’ai insisté sur le fait que dans le certificat de décès de mon fils, il était indiqué : mort de cause inconnue. Je veux savoir ce que cela signifie". "J’ai aussi demandé que les assassins, tortionnaires et commanditaires de la mort de mon fils soient identifiés et jugés en ma présence. La justice de notre pays nous doit cela. C’est notre droit". "Nous cherchons la justice et notre seule demande est l’application de cette justice. J’attends une réponse du comité. S’ils ne donnent pas une réponse convaincante, je procéderai différemment". Le père d’Amir a précise en outre que la déposition d’une plainte dépendrait de la réponse de ce comité et qu’il était prêt à saisir tous les organes légaux compétents. "Je respecte la loi et j’attends de la loi une réponse. Si ce n’est pas le cas, notre droit est bafoué".

Cause du décès : infarctus ou inconnue

Jusqu’à présent, les causes de la mort des autres martyrs du mouvement de protestation n’ont pas été révélées non plus. Dans la plupart des cas, comme dans le cas d’Amir, la cause indiquée dans le certificat de décès est "inconnue". Parfois, il est indiqué "infarctus cérébral" ou "cardiaque". Dans tous les cas de figure, ces martyrs avaient été autopsiés, les balles extraites de leurs corps sans vie et en plus les familles pouvaient voir les traces de violences, de blessures, de torture et de balles sur les corps de leurs enfants. Jusqu’à présent, aucune de ces familles n’a été autorisée d’organiser une cérémonie de deuil. Toutes les moquées de Téhéran ont été obligées de refuser ce genre de cérémonie.

Pression sur la famille de Neda

Jeudi dernier, à l’occasion du 40ème jour de Neda, il y avait une cérémonie de deuil à Behesht-e Zahra sur sa tombe, à laquelle sa mère n’a pas pu prendre part. Un proche de la famille de Neda a indiqué à Rooz Online qu’à la veille de cette cérémonie, la mère et la sœur de Neda avaient été emmenées et soumises à une très forte pression pour qu’elles ne participent pas à cette cérémonie. Alors que Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi participaient à cette cérémonie avec des milliers d’autres manifestants, la mère de Neda a été obligée de commémorer seule le souvenir de sa fille dans un parc à proximité de son domicile.

Pas d’autorisation pour la moindre cérémonie de deuil pour la famille Ghahremani

Ramin Ghahremani, 15 jours après s’être rendu volontairement (aux autorités) pour prouver son innocence, a été libéré avec un corps qui portait des traces de torture. Après sa libération, il a dit à sa mère qu’il avait été pendu par les pieds pendant plusieurs jours et qu’il avait reçu des coups très violents sur la tête. Ramin Ghahremani a été hospitalisé après sa libération et y est décédé. Un de ses proches à indiqué à Rooz Online : "A l’hôpital, on nous a dit que le crâne de Ramin était cassé, mais après sa mort, les agents ont emmené son corps et quatre jours plus tard, après avoir obtenu une déclaration écrite de la famille, ils leur ont rendu le corps". Ce proche a aussi précisé qu’on a même interdit à la famille d’organiser une cérémonie intime à leur domicile. Ils sont sous une très forte pression pour éviter tout entretien et toute divulgation d’informations concernant la mort de leur fils.

Arrestation de la mère d’un martyr

Les "Mères en Deuil" ont confirmé l’arrestation de la mère d’un martyr à Kermanshah. On est toujours sans nouvelle d’elle. Zahra (Behjat) Nozari, la mère de Pouya Maghsoud Bigui, étudiant en médecine à l’université de Kermanshah, qui pour protester contre la mort de son fils, le corps couvert de boue, s’était installée devant le bâtiment des Renseignements de Kermanshah, a été arrêtée. Pouya Maghsoud Bigui avait été arrêté le 30 Khordad (samedi 20 Juin) par les forces de l’ordre et soumis à des actes de torture pendant sa détention. Il est mort après sa libération. Zahra Nozari avait perdu son époux lorsqu’elle était jeune et depuis, elle avait élevé seule ses deux enfants en faisant un travail éprouvant de couturier. Elle a perdu son fils alors qu’il s’apprêtait à terminer ses études de médecine. Les proches et les amis de Zahra sont sous intenses pressions pour garder le silence.

Selon Rooz Online, les familles et les proches des martyrs sont systématiquement soumis à une très forte pression et c’est pour cette raison que l’on ignore même les noms de certains martyrs à ce jour. Ces familles qui, pour récupérer les corps de leurs enfants, ont dû payer un prix pour le "droit de balle" (Note du traducteur : chaque balle utilisée pour tuer une personne correspond à un prix, à un tarif. Plus il y a de balles dans un cadavre, plus le prix à payer est élevé pour la famille. Ainsi sont implémentées l’Islam et la parole divine en République Islamique d’Iran!), et aussi s’engager de ne pas porter pas plainte contre les forces de l’ordre. Certaines familles ont même été obligées d’écrire que Mir Hossein Moussavi était le responsable de la mort de leurs enfants.

Deux nouveaux martyrs

Ces deux derniers jours, les identités de deux nouveaux martyrs ont été révélées : Behzad Mohajer et Mostafa Kiarostami.

Mostafa Kiarostami avait 22 ans. Il avait participé le 26 Tir (17 Juillet) à la prière du vendredi. Il est décédé en raison des coups reçus au niveau de sa tête. Selon le site Vague Verte de Liberté, Mostafa Kiarostami était frappé par les Basiji et les miliciens habillés en civil devant l’université de Téhéran de telle sorte qu’il ne pouvait pas rentrer à son domicile. Il a alors demandé de l’aide à sa mère en l’appelant. Lorsque sa mère l’a ramené à leur domicile, elle s’est rendu compte de la gravité de son état et l’a transporté à l’Hôpital Kasra de Téhéran. Ce jeune est décédé dans la soirée des suites d’une hémorragie cérébrale causée par les coups de matraque. Mais la cause de son décès est déclarée "accident vasculaire cérébral".

Le corps de Behzad Mohajer a été remis à sa famille le 10 Mordad (1er Août), dans la morgue frigorifiée du centre de détention de KAHRIZAK. Behzad Mohajer avait 47 ans. Il était porté disparu lors des manifestations pacifiques du lundi 25 Khordad (15 Juin). Aucune trace de lui n’était disponible avant la remise de son corps sans vie à sa famille. D’après certaines sources, une blessure par balle au niveau de sa poitrine a causé sa mort.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire