samedi 1 août 2009

Comble de l'injustice: le procès de la honte

Les autorités iraniennes ont ouvert hier samedi 1er Août un procès collectif des figures de l’opposition. Ces personnes ont été arrêtées quelques jours seulement après l’élection présidentielle du 12 Juin et dès le début du vaste mouvement de protestation. Ils sont à présent accusés par le régime de conspiration avec les pouvoirs étrangers pour l’organisation d’une révolution à travers le terrorisme, la subversion et une campagne médiatique pour discréditer l’élection présidentielle du 12 Juin.



Pure hallucination!

A quelques jours de l’investiture de Mahmoud Ahmadinejad, le régime semble vouloir harceler les partis de l’opposition en soumettant leurs principaux leaders à une très forte pression psychologique et politique. Le régime compte également peser au maximum sur l’opinion publique, afin de discréditer la révolte populaire.

Ainsi, après une phase de répression violente des manifestations, suivie d’une campagne d’arrestations et d’exactions commises dans les centres de détention tels que Kahrizak, Evin et Gohardasht, les autorités iraniennes semblent avoir démarré la phase judiciaire de leur guerre totale contre les réformateurs et le mouvement vert.

L’ampleur de ce procès, son caractère massif et collectif, l’absence totale de toute information préalable des accusés et de leurs avocats démontrent qu’il s’agit une fois de plus d’un véritable show judiciaire stalinien dont la république islamique s’est faite une spécialité. Le bras judiciaire du régime, sous l’égide d’Ali Khamenei, est en effet totalement rôdé à ce genre de situations. Il est passé maître dans l’organisation de procès bidons.

Les informations en provenance de Téhéran sont très riches et nombreuses. Il s'agit d'un événement clé qui peut faire boomerang dans les prochains jours et causer une réaction explosive des masses populaires lors des prochaines manifestations (dès demain, le jour de l'inauguration d'Ahmadinejad) car ce procès ridicule aggrave considérablement le sentiment d'humiliation ressenti par le peuple Iranien à l'issue de l'élection présidentielle.

Lors de la première séance du procès hier samedi, le procureur s’est donné beaucoup de mal pour prouver que les "accusés responsables du récent mouvement de contestation" avaient agi sous l’ordre de l’étranger. Il a cité parmi les conspirateurs des personnalités telles que la lauréate du prix Nobel de la Paix, Shirin Ebadi (voir sa réaction ci-dessous!) et l’historien Abbas Milani. Il a également montré du doigt les groupes défenseurs des droits de l’Homme comme agents de l’étranger pour déstabiliser le régime ainsi que Mir Hossein Moussavi qui "reçoit (selon lui) un soutien crucial de la part des ennemis du régime en Iran et à l’étranger".

En terme de couverture, ce procès a aussi été un classique du genre ! Seule l’agence de presse semi-officielle Fars News qui a des liens très forts avec le corps des Gardiens de la Révolution a pu rendre compte des échanges lors de ce procès. Il est aussi important de noter que presque simultanément, le quotidien ultra-conservateur Kayhan, publiait les chefs d’inculpation et la théorie centrale du complot déjoué dans des termes quasi identiques. Les sites réformateurs ont immédiatement relevé qu’une littérature "Kayhan-esque" était visiblement utilisée et dans l’énoncé des faits et dans les propos tenus par les accusés.

Mohammad Ali Abtahi, l’ancien vice président de Mohammad Khatami, l’un des blogueurs les plus lus en Iran, était l’une des deux personnes qui étaient appelées hier à se défendre. "Je crois que les réformateurs s’étaient préparés pour cette élection depuis 2-3 ans dans le but de limiter les pouvoirs du Guide suprême. Je veux dire à tous nos amis qu’il n’y a pas eu de fraude électorale et que toute cette histoire de fraude était un mensonge pour créer un mouvement de protestation", a dit Abtahi, selon Fars News. Il a ajouté que pour divulguer cette fausse information sur la fraude électorale, Moussavi, Khatami et Rafsanjani s’étaient promis de se soutenir mutuellement (Rafsanjani, qui risque également gros, a d’ailleurs fortement critiqué le procès).

Mohammad Atrianfar, un journaliste reconnu et un ancien adjoint du ministre de l’Intérieur était également présent au procès ainsi que Behzad Nabavi, Mohsen Safai-Farahani et Kian Tajbakhsh, un chercheur Irano-Américain arrêté le mois dernier.

Le procureur adjoint de Téhéran, Abdolreza Mohebati, a aussi fait référence à Maziar Bahari, journaliste à Newsweek et emprisonné également, pour évoquer le rôle des médias étrangers dans la divulgation des rumeurs concernant la falsification du scrutin. Plus tard dans la journée, Maziar Bahari s’est présenté devant la presse en marge du procès pour confirmer que les médias voulaient effectivement organiser une "révolution de velours". Il a ensuite demandé pardon au peuple iranien et au Guide suprême Ali Khamenei.

Il y a eu des passages très confus dans les propos tenus par Mohammad Ali Abtahi qui laissaient penser que les affirmations étaient l’objet d’un compromis entre les opinions de l’accusé et ce que ses interrogateurs voulaient lui entendre dire.


Réactions

Les réactions à cette parodie de procès ont été très nombreuses.

Mohammad Khatami
L’ancien président Mohammad Khatami a déclaré sur son site Internet que ce procès était une honte. "Ce qu’ils ont appelé le procès des accusés des événements récents est contraire à la Constitution et aux règles élémentaires de droit. Ce procès n’a aucune valeur légale. En plus des arrestations et de l’emprisonnement, des manquements graves aux droits de ces accusés ont été constatés pour la tenue de ce procès public. Aucun information préalable n’a été transmise aux accusés et à leurs avocats". Khatami encourage également dans ce communiqué les autorités à rechercher les responsables des exactions et des meurtres qui ont eu lieu dans les centres de détention. Source.

Shirin Ebadi
Le prix Nobel de la Paix, Shirin Ebadi: "Il y avait plus de 100 erreurs juridiques dans le réquisitoire prononcé. Les accusations étaient à sens unique et présentées de façon expéditive. Les accusés ont été mis sous pression et ils n’avaient pas accès à leurs avocats. Les confessions obtenues sous la torture sont dépourvues de toute valeur juridique. Beaucoup de propos qui ont été décrits comme confessions ne représentent en réalité aucun délit. Madame Ebadi a ajouté au sujet de Maziar Bahari, journaliste à Newsweek et emprisonné également : "Il travaille pour Newsweek et il est naturel qu’il soit payé par son employeur. Ces messieurs se mettent en colère quand les événements qu’ils ont eux-mêmes causés sont rapportés dans le monde entier. Ils appellent le journaliste espion". Source.

Mir Hossein Moussavi
Dans le procès d’hier, on nous dit que les fils de la révolution ont avoué d’avoir eu des liens avec l’étranger et d’avoir visé le renversement du régime! Ce procès est une mise en scène. Ses organisateurs ont perdu toute crédibilité. Les dents des tortionnaires et des confesseurs touchent maintenant les os du peuple. Dans un procès où tout est mensonge et fraude, ils espèrent démontrer que l’élection n’était pas frauduleuse!

Si vous n’êtes pas du genre à frauder, alors montrez le au moins dans les apparences lorsque vous mettez en scène un procès judiciaire. En évoquant des faits totalement hors sujet, en citant des livres sans intérêt, en utilisant des reportages de journalistes totalement inconnus et en se fondant sur des confessions obtenues visiblement sous une torture digne du Moyen Âge, recherchent-il vraiment à convaincre le peuple ? Les gens ont de la sympathie avec les fils dont ils sont restés sans nouvelle depuis 50 jours. (A nos frères en prison, je dis), ne soyez pas tristes! Sachez que le peuple vous comprend et sait que le sauvetage de vos vies est prioritaire sur tout le reste. Source.

Mohammad-Reza Tabesh
Dans un entretien à Parliamentnews, Mohammad-Reza Tabesh, le chef du groupe des réformateurs au parlement, se dit très choqué par la façon suivant laquelle ce procès a été tenu. "Si le Guide était informé de la situation dans les prisons, du traitement réservé aux détenus et à leurs familles, de la violation de la loi, tout comme lorsqu’il a ordonné la fermeture du centre de détention de Kahrizak, il aurait immédiatement fermé ces centres aussi, modifié l’administration de la justice pour une conduite plus équitable des procès. Il aurait ordonné que les responsables de ces actes soient punis. Tabesh a aussi ajouté que selon l’épouse de Mohammad Ali Abtahi, ce dernier a perdu 18 kg en 43 jours de détention et qu’on l’obligeait à prendre des tranquillisants depuis quelques jours pour le réduire mentalement. Source.


ps: si vous souhaitez contribuer à ce blog, envoyez nous vos analyses, reportages et revues de presse (email: iranlibredemocratique @ gmail . com ). D'avance merci.

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