Mehranguiz Kar, est une femme de 66 ans modeste et a la voix douce ; son pouvoir, sa force intérieure ne sont pas immédiatement visibles. Pourtant, ce samedi 11 décembre, elle deviendra la « Militante de l’Année » pour le congrès islamique américain (AIC). Depuis son petit bureau sans décoration de l’école supérieure Kennedy d’Harvard, elle a calmement relatée 40 ans de sa vie qu’elle a décrit comme « emplis de tristesse avec une vie de famille en ruines. »
Mehranguiz Kar a grandi à Ahvaz, une ville du sud de l’Iran proche de la frontière iraquienne. Elle est partie pour Téhéran pour ses études de droit et obtenir le droit de plaider à l’époque de la révolution iranienne. Connaissant intimement le système légal iranien, elle a publié des articles critiquant les violations du système, comme la discrimination contre les femmes, les non musulmans et le code pénal islamique. « On peut dire que je faisais connaître le système légal ». Pour garantir sa propre sécurité et celle de sa famille, elle devait faire attention à tous ses mots. C’est elle qui la première à cité les religieux qui avaient une interprétation plus modérée de l’islam. « On ne pouvait pas m’accuser au tribunal puisque ce n’était pas une négation de l’islam, c’était une interprétation différente de l’islam. »
Elle a utilisé cette méthode pendant 22 ans puis a commencé à baisser la garde quand le mouvement réformiste est passé à la vitesse supérieure en Iran. Lors d’une conférence à Berlin en 2001, Mehranguiz Kar a ouvertement plaidé pour la séparation de l’église et de l’état. « J’ai dit que nous ne pouvions pas réformer l’Iran sans changer la référence de la législation. Dans la constitution de la république islamique d’Iran, la seule référence pour la législation c’est la Sharia…Je voulais dire qu’il nous fallait un changement, qu’il nous fallait prendre quelque chose comme la déclaration universelle des droits humains comme référence. »
A son retour en Iran, Mehranguiz Kar a été citée à comparaître puis arrêtée, ce qui l’a pris totalement par surprise. « Je voyageais avec des réformistes, des officiels du régime ! Nous parlions de réforme, pas de changement de régime ! »
Après deux mois à l’isolement, on lui trouva un cancer du sein et 10 jours après une opération chirurgicale lourde, elle assista à son procès. Inculpée « d’agissements contre la sécurité nationale » et « propagande contre le régime de la république islamique », elle a été condamnée à 4 ans de prison. Sous la pression de l’union européenne et du gouvernement hollandais en particulier, elle a été libérée sous caution pour suivre un traitement aux Etats-Unis. Elle quitta l’Iran alors que son mari Siamak Pourzand, lui y restait, en déclarant n’avoir pas l’intention de rester à l’étranger. 3 mois plus tard, elle apprit que son mari avait été kidnappé. Elle ne savait pas où il était ni qui l’avait enlevé jusqu’à ce qu’elle découvre, des mois plus tard, qu’il avait été arrêté.
Soumis à la torture, il avoua avoir espionné, travaillé pour un changement de régime et reçu des millions de dollars du département d’état américain. « Il est passé à la télévision après avoir été torturé, témoignant contre moi : « oui mon épouse travaillait à propager et à faire de la publicité pour la culture occidentale » ce qui, vous le savez, est une accusation très grave en Iran. » Faisant passer le message par des amis, Pourzand demanda à son épouse de rester aux Etats-Unis. Le gouvernement iranien était passé à l’offensive et elle en était la cible. Pourzand a été libéré après deux ans de prison en raison de sa santé qui se détériorait. Interdit de sortie du territoire, alors que ses deux filles et son épouse étaient en occident, Pourzand 80 ans, malade, est maintenant seul en Iran.
Quand elle parle de sa famille, son calme apparent disparaît. « C’est une vie de famille complètement folle et malsaine ! ». Empêchée de se rendre en Iran, elle en est réduite à appeler son mari tous les jours, mais en fait, elle ne l’a pas vu depuis 10 ans. « Je préfèrerais retourner en Iran, soutenir mon mari et faire mon travail d’avocate. Mais la porte n’est pas ouverte, elle est même plus que jamais fermée désormais » dit Mehranguiz Kar en se référant au régime d’Ahmadinedjad. Sûre d’être arrêtée dès son retour au pays, elle explique qu’elle ne peut prendre le risque d’être emprisonnée sans les médicaments qui la tiennent éloignée de son cancer.
Aujourd’hui, Mehranguiz Kar bénéficie de bourses et travaille dans plusieurs think tanks qui s’occupent de démocratie et de situation politique en Iran. Elle travaille actuellement pour le projet Dubaï de l’école supérieure d’administration Kennedy.
Nasser Weddady, le Directeur de la Sensibilisation aux Droits Humains de l’AIC dit : « Nous avons choisi d’honorer Mehranguiz Kar en reconnaissance de la lutte continue pour les droits civiques au Moyen Orient et le rôle vital que les femmes jouent dans cette lutte. Le leadership de Madame Kar est une source d’inspiration pour les femmes musulmanes au niveau mondial. »
A propos de cette récompense, Mehranguiz Kar déclare : « Je suis heureuse et reconnaissante que l’on me rappelle que mon travail donne des résultats en Iran. C’est le plus important. Lorsque nous sentons que nous servons à quelque chose, c’est le plus beau cadeau. Nous avons payé cher, j’espère que le résultat sera à la hauteur, au moins sur le long terme. »
Masha Rifkin est une journaliste pigiste qui écrit sur le Moyen Orient et le Congrès Islamique Américain.
Source: http://www.boston.com/yourtown/news/cambridge/2010/12/iranian_human_rights_activist.html
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