Joanne Michele, Correspondante pour l’Iran de Safe World, interviewe Réza Khandan, époux de l’avocate iranienne emprisonnée Nasrine Sotoudeh
INTERVIEW
L’interview qui suit a eu lieu entre le 15 et le 26 novembre. Dans cette période, Nasrine a comparu deux fois.
Comment vous et votre famille faites-vous face ? Quels ont été les changements la vie quotidienne de votre famille…Vos enfants comprennent-ils la situation ?
REZA KHANDAN:
A cause de leur différence d’âge, je dois m’adresser à chacun d’eux différemment, suivant leur maturité. Je pensais que Nima ne supporterait pas la situation plus de deux jours, mais avec l’aide de ma mère et de mes amis, nous avons essayé de créer un climat normal, comme avant, quand leur mère était à la maison. Nima, trois ans, ne comprend pas du tout la situation. Il a commencé par penser que sa mère travaillait beaucoup et ne pouvait pas rentrer à la maison. Mais il a fini par comprendre que l’absence de sa mère n’était pas liée à son travail et il a commencé à se poser des questions sur la situation. Mehrawareh a 11 ans. Elle est très mûre pour son âge et a tenté de remplacer sa mère auprès de Nima. Elle est très occupée ce qui l’empêche de trop s’inquiéter. Elle est devenue plus calme et sérieuse. Je suis vraiment inquiet et préoccupé mais j’essaie de me contrôler. Le soutien de la famille, des amis et des gens en général détruit en grande partie le sentiment de solitude et d’impuissance. Le plus gros de nos inquiétudes n’est pas pour le présent mais pour le futur, pour la façon dont l’emprisonnement continuera après tout ce temps.
Quelles sont les conditions de détention de Nasrine, comment est-elle traitée ?
Physiquement, elle est très faible à cause de sa grève de la faim et on a du mal à croire qu’il s’agit bien de celle qu’elle était auparavant. Depuis son arrestation, elle est complètement seule et à l’isolement. La tension d’être loin de la famille, surtout des jeunes enfants, fait souffrir quiconque dans sa situation. Nasrine a été soumise à à peu près toutes les formes de torture psychologique. Elle a dit qu’elle n’oublierait jamais la douleur ressentie de ne pas pouvoir assister aux funérailles de son père. Elle est affectée par-dessus tout par les mensonges perpétuels et les promesses non tenues qu’on lui fait.
Quels droits ont-ils été octroyés à Nasrine et quels droits lui ont été refusés ?
Le premier droit qu’on lui a refusé, c’est la liberté car elle n’est qu’accusée et son crime n’a pas été prouvée. Elle devrait être libre lors de son procès et jusqu’au verdict. Nous n’en savons pas beaucoup sur sa situation. Elle n’a eu accès au dossier que pendant les audiences ; à part ça, nous en savons très peu sur son dossier ou sur les preuves qui peuvent l’étayer. Elle a rencontré nos enfants une seule fois. En 75 jours, elle n’a eu droit qu’à une seule visite officielle ; en 75 jours, elle n’a vu ses enfants qu’une fois. Je ne l’ai vue qu’une fois, au tribunal, en présence des employés, des autorités et des avocats. Elle n’a pu contacter sa famille et ses avocats que de façon exceptionnelle, une fois, ça n’a duré que trois secondes. Physiquement, elle est si faible que vous ne pourriez pas la reconnaître. Emotionnellement, elle va mieux, mais ses enfants lui manquent.
Qu’est-ce qui réconforte Nasrine en prison, si tant est que quelque chose le puisse ?
Nous ne le savons pas. Nous savons seulement qu’elle n’a pas de contact avec les autres détenues et qu’elle est continuellement à l’isolement.
Combien de fois avez-vous pu la voir ? Et votre famille ?
La première fois, ils lui ont permis de voir sa sœur. La deuxième fois, ils m’ont demandé de venir lui rendre visite avec les enfants ; une fois sur place, ils n’ont plus voulu que j’y aille et je ne pouvais pas laisser les enfants seuls avec les gardiens de prison. Ils sont revenus de la prison en larmes. La troisième fois, les enfants sont allés en visite avec la sœur de Nasrine et ma mère ; c’était la première fois qu’ils la voyaient dans cette situation et ils sont tous revenus de la prison en larmes. Nous ne pouvons pas la contacter par téléphone ; les appels doivent venir de la prison et c’est très rare.
Qu’est-ce qui vous inquiète dans le procès de Nasrine et le verdict qui s’ensuivra ?
Nous craignons qu’elle ne soit condamnée à une longue peine de prison même si elle devrait être respectée et récompensée car elle est non seulement innocente mais source de fierté !
Avant le procès, durant 70 jours, les avocats n’ont pu la rencontrer qu’une fois et n’ont pas eu accès à son dossier.
Quelle a été votre première pensée quand vous l’avez vue aujourd’hui [le 15 novembre après la première audience]…a-t-elle beaucoup changé ?
Elle était extrêmement faible et fragile. Elle ressemble à ce qu’elle était étant jeune, alors j’essaye de la convaincre d’arrêter sa grève de la faim. Je lui ai tenu la main, elle était si petite elle semblait ne pas avoir de poids. Les 75 jours d’isolement ont pris leur tribut, elle était très heureuse à l’idée de me voir et s’est montrée très émotive, mais pas durant l’audience. Je n’ai pas pu la voir durant l’audience mais ses avocats m’ont dit qu’elle y était très sérieuse et déterminée, comme d’habitude.
Quel soutien avez-vous reçu de la communauté internationale ?
La seule aide dont nous ayons eu connaissance consiste en plusieurs déclarations de soutien à Nasrine. S’il y a eu autre chose, nous l’ignorons. Nous espérons que les institutions internationales de défense des droits humains montrent leur présence puissante et soutiennent Nasrine parce qu’elle est elle-même un avocat de la défense. Son procès, c’est le procès de la loi. Si un gouvernement quelconque peut se permettre de bloquer le pouvoir d’un avocat des droits humains, il a les mains libres pour traiter toute critique ou tout opposant comme il le désire. Malheureusement, la communauté internationale a permis au gouvernement de franchir cette limite. Toute défense internationale est la bienvenue et aidera à sa libération, surtout si elle est apolitique et durable dans le temps. Son message c’est que la loi soit appliquée justement et que toutes les lois discriminatoires soient réformées.
Que voulez-vous que le monde sache de Nasrine ?
Le monde doit savoir que tout ce qu’elle a fait pour mériter ce châtiment, c’est de soutenir son client. Même sous la menace d’être arrêtée, elle a continué à soutenir ses clients avec bravoure et détermination. Maintenant, c’est au monde de la soutenir. Maintenant, c’est au monde de la soutenir. Nasrine a plusieurs visages. Quand elle est avec les enfants, elle quitte son monde professionnel pour être une vraie mère, en temps que professionnelle, elle donne une nouvelle dimension au professionnalisme. C’est aussi une épouse merveilleuse. A chaque fois que nous réussissons à la contacter, en personne ou par téléphone, elle nous manque encore plus.
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