Mercredi 22 décembre 2010 – Voici la lettre adressée à Abbas Djafari Dolatabadi, procureur de Téhéran par Mehdi Saharkhiz, le fils du journaliste emprisonné Issa Saharkhiz :
Monsieur le procureur,
Mon père a perdu conscience deux fois aujourd’hui et a été emmené au dispensaire de la prison. monsieur le procureur, comme vous le savez parfaitement, ce dispensaire n’est pas équipé pour traiter les fluctuations importantes et extrêmement dangereuses de la tension de mon père. Si vous ne savez pas ce que ces chutes et montées de tension extrêmes signifient, je vous demande de vous renseigner auprès des spécialistes qui vous rapportent.
Les spécialistes vous ont écrit pour demander une IRM et d’autres examens pour le cœur de mon père .Les spécialistes ont affirmé que mon père, Issa Saharkhiz, ne pouvait supporter son incarcération en raison de la détérioration de son état de santé et, cependant, on le prive toujours de ces droits humains et légaux fondamentaux.
Monsieur le procureur, même si je sais que vous êtes parfaitement au courant de tout ce qui se passe à l’intérieur des prisons, je vous le répète quand même par écrit . Je vous écris pour vous informer de ce que mon père est obligé de subir derrière les murs de cette prison pour qu’il n’existe plus aucune excuse ou regret au jour de sa mort…
Permettez moi de vous mettre en garde : voyez le sort de votre prédécesseur ; un journaliste a été sévèrement blessé puis tué en prison alors qu’il était en poste. Je vous rappelle qu’il a accepté le viol et le meurtre de nos jeunes ; je vous rappelle l’époque où tant d’innocents ont été tués sur son ordre. A l’époque, il avait l’impression fausse que le pouvoir ne l’estimerait que davantage au regard de ses agissements. Il s’était enivré de pouvoir et imbu de respect pour ses supérieurs ; en faisant serment d’allégeance a ce pouvoir, il espérait assurer son succès et sa prospérité futurs.
Monsieur le procureur, même le pouvoir a ses règles propres basées sur des coutumes et des traditions. L’un des éléments intrinsèques du pouvoir ce sont les frontières limitant le règne. Le pouvoir achète les gens les pouvoir les métamorphose, le pouvoir les fait s’abandonner. Malheureusement, les conquérants deviennent les actionnaires du pouvoir, mais le pouvoir ne comprend ni loyauté ni gratitude. Le pouvoir a également besoin d’outils pour grandir. Il asservit ceux qui l’ont partagé et n’hésite pas à remplacer ou a à éliminer quiconque pour arriver à ses fins.
Finalement, le pouvoir reste entre les mains du bourreau. Le bourreau qui s’expose pour que le pouvoir progresse ; il est sacrifié pour que le pouvoir auquel il a fait allégeance soit justifié. Monsieur le procureur, ce qui arrive à mon père en prison aujourd’hui n’est rien d’autre qu’un meurtre au premier degré, un meurtre lent et progressif. Le pouvoir voulait le condamner à mort ; par peur du scandale, il a choisi à la place une mort lente et progressive. Cette fois-ci, c’est vous que le pouvoir asservit. Vous êtes l’encre qui peut révéler la vérité. Si vous choisissez d’être un instrument du pouvoir, rappelez-vous que votre futur sera sombre. Aujourd’hui, c’est Saharkhiz et ses semblables qui sont punis, demain, ce sera vous qui serez inculpé par le même pouvoir auquel vous avez fait allégeance. Je suis certain que vous aussi avez pris connaissance des inculpés des crimes de la prison de Kahrizak.
Monsieur le procureur, les preuves contre vous sont claires aujourd’hui ; lors de votre inculpation, on soulignera que vous avez ordonné le refus d’un traitement médical alors que vous saviez qu’il en avait terriblement besoin. On soulignera que vous l’avez privé de ce traitement plutôt que de renoncer à votre pouvoir. Je m’étonne que vous ayez dit un jour tenir mon père en haute estime. Est-ce votre définition du respect et de la haute estime que d’être complice de son meurtre ? Quelles que soient sa solidité et son étendue, le pouvoir ne peut assassiner ses critiques, il ne peut les détruire morceau par morceau sans complicité. Ne soyez pas l’instrument par lequel le pouvoir détruit et assassine les autres, car ne pouvoir n’a pas de pitié ; le pouvoir ne comprend pas la loyauté.
Monsieur le procureur, vous devriez peut être tirer des conclusion du destin de Saïd Mortazavi* et de ses semblables. On ne sait jamais ; le jour pourrait venir où votre supérieur vous mordra.**
* : Saïd Mortazavi est un juriste iranien controversé et l’ancien procureur du tribunal révolutionnaire islamique et procureur général de Téhéran ; il est resté à ce poste de 2003 à 2009. On l’a appelé le « boucher de la presse » et le « tortionnaire de Téhéran » et est tenu pour responsable des crimes de la prison de Kahrizak après les élections controversées de 2009.
** : Référence à un incident de mai 2004 survenu lors d’une réunion du conseil de surveillance de la presse ; Issa Saharkhiz représentait les propriétaires et les rédactions de la presse et Gholam Hossein Mohseni Ejehi, un religieux de la ligne dure était à l’époque procureur du tribunal spécial pour le clergé. Saharkhiz objecta aux remarques d’Ejehi disant que c’était l’insulter lui et les intellectuels. Ejehi lui répondit en lui jetant les objets lourds qui étaient à sa portée à la figure puis le mordit. La trace de la morsure était bien visible quand Saharkhiz se présenta devant les journalistes. Il traîna Ejehi en justice pour cet incident, mais le dossier fut transféré au tribunal spécial pour le clergé et le procès n’eut jamais lieu.
Source : Blog de Mehdi Saharkhiz : http://onlymehdi.posterous.com:37179256
How many times can your heart be broken over the suffering of the people of beautiful Iran. I have only my voice to offer and it is yours.
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