Certains évènements sont plus pénibles à raconter qu’à vivre ; c’est mon amère réalité, la mienne et celle des autres prisonniers politiques de la section 350. Ce dont j’ai été témoin m’a remémoré tous les évènements des cinq dernières années, les gens écrasés dans la rue, les arrestations violentes, la détention à l’isolement, l’attaque des universités et les épisodes controversés du centre de détention de Kahrizak.
Jeudi, un groupe nous a assailli pour nous déshonorer, nous ôter toute personnalité et dignité. Ils l’ont dit eux-mêmes : « Pendant quatre ans nous avons été doux avec ces mecs, maintenant il faut les soumettre. » Ils sont venus nous intimider et nous faire comprendre que si nous résistons, nous serons humiliés, mis à terre et maltraités.
Jeudi, peu après neuf heures du matin, nous avons entendu le ton agressif de quelques hommes qui avaient pénétré dans le hall. « Debout, vite » J’ai répondu : « Permettez-moi de m’habiller et je sors. » Il s’est mis encore plus en colère et a dit avec agressivité : « Ce n’est pas la peine, sors tout de suite. » Dans le va et vient qui a suivi, les souvenirs de mon arrestation en 2009, on ne m’avait pas permis de m’habiller, me sont revenus. On nous a fouillés de façon non-habituelle et immorale puis on nous a envoyé dans la cour. Ils ont fermé la porte et nous avons d’abord pensé que tous les détenus de la section étaient dehors, mais ce n’était pas le cas.
Nous avons entendu nos amis gémir très fort et quand nous avons regardé par les fenêtres la sinistre réalité nous a choqués. Sous les insultes et les jurons, les gardes arrachaient les vêtements des prisonniers, les traînant vicieusement sur le sol tout en les battant. Ce que voyant, nous nous sommes dirigés vers la porte et avons scandé des slogans pour protester. La porte s’est ouverte et beaucoup sont entrés dans le bâtiment. Nous avons alors vu les gardes former un tunnel de matraques et battre les prisonniers qu’ils tiraient dans ce tunnel.
Monsieur Radjaï criait : « Ne frappez pas ! » et nous ne pouvions rien faire d’autre que de crier « Ne frappez pas ! ». Des dizaines de fonctionnaires en civil et de gardiens de prison nous ont attaqués, nous frappant au visage et au cou impitoyablement des poings et des pieds. C’était une scène incroyable : les matraques pleuvaient sur les visages de Messieurs Alireza Redjaï, Akbar Amini et Behzad Arabagol entre autres. Ils ne prenaient pas le temps de la réflexion, ne se rendaient pas compte qu’il s’agissait de prisonniers sans défense, et plus important encore, d’êtres humains. Les gardes ne se sont pas demandés pourquoi ils se conduisaient ainsi.
Les fonctionnaires en civil étaient costauds, comme s’ils n’étaient là que pour attaquer les prisonniers. Les fonctionnaires semblaient croire avoir gagné quand ils ont poussé les prisonniers dans la cour en les frappant à coups de pied et de poing, avec des bâtons et des matraques. Les coups étaient plus forts dans le tunnel de matraques, les jurons plus vulgaires et il y a eu davantage de menaces. Ils ont dit à Alireza Radjaï : « On s’occupera de toi plus tard. »
Nous étions choqués. Le visage ensanglanté, on nous avait dépouillés de notre dignité ; cela ressemblait à une scène de l’Ashoura. Un prisonnier est tellement désarmé ! Les agents avaient oublié leur conscience, n’avaient ni compassion ni humanité et ils nous montraient leur visage féroce. Les infâmes attaquants voulaient nous intimider, détruire notre fierté, notre dignité en nous piétinant, nous frappant avec des bâtons et des matraques ; mais ils ont échoué.
Ma foi, ma dignité et mes convictions m’ont empêché de pleurer et de crier à la vue de la mort de l’humanité dont j’étais témoin. Nous souvenant que nous étions des prisonniers politiques, nous n’avons pas bougé d’un cil durant toute la scène. Comme l’a dit l’un des prisonniers politiques, nous devions faire face, tête haute et Verts. A cause de cette résistance, Akbar Amini avait le visage en sang, Omid Behrouzi une veine rompue, Emad Bahavar a été sévèrement battu et grièvement blessé, Mohammad-Sedigh Kaboudvand a eu des ecchymoses sur tout le corps, Esmaïl Barzegar des côtes cassées, on a sauvagement manqué de respect à un homme respectable comme Mohammad-Amine Hadavi, et le cœur de Kamiar Sabet n’a pas supporté ce niveau de violence et de cruauté.
Des dizaines de fonctionnaires en civil et de membres des services de sécurité ont convergé vers la cour de la section 350 en hurlant des insultes. Ils criaient : « Pendant quatre ans nous les avons laissé faire, que croient-ils qu’il se passe ? » Ils voulaient leur revanche et se sentaient plus forts que les prisonniers politiques innocents et sans défense. Ils nous ont entourés, faisant tournoyer leurs matraques en hurlant : « Revenez ici ! » L’un des fonctionnaires en civil hurlait : « Venez ici, vous n’avez pas les – de venir ! » C’étaient les mêmes qui scandaient des slogans sur leurs matraques en 2009.
Il n’y avait pas assez d’air et je suffoquais. Malgré toute cette violence, tous ceux que j’ai rencontrés ont dit : « S’ils en ont après nous et nous attaquent, on se laisse battre mais nous ne ripostons pas. » Nous nous sommes assis en silence au milieu de la cour pour protester. Mais les assaillants se sont mis en position d’attaque, ils voulaient plus de sang. Nous étions fatigués. On nous avait déjà battus à coups de matraque. Beaucoup avaient faim et soif. Que pourrais-je dire ? Ils ne permettaient même pas aux malades et aux blessés de prendre des médicaments, alors de la nourriture et de l’eau… Ils ont refusé de nous donner des pansements pour nos blessures, et, mon dieu, ils ont même interdit les médicaments à faire fondre sous la langue dont certains prisonniers avaient désespérément besoin.
Qu’il était triste de voir Omid Behrouzi tête haute devant les matraques, la main ensanglantée, qui était agoni d’injures. Il criait : « Personne dans ce pays ne devrait être au-dessus de la loi. Personne n’a le droit d’ignorer de façon flagrante la loi et d’attaquer les détenus. Nous demanderons que vous soyez tous trainés en justice. » Les fonctionnaires se moquaient de lui alors que les prisonniers, les larmes aux yeux se sentaient abattus. Les prisonniers savaient que la justice est un concept étranger et qu’on n’a jamais suivi la loi et qu’on ne la suivrait jamais. Omid était dans un état physique déplorable, nous l’avons emmené au centre de la cour, c’est alors que les manifestations de l’Ashoura 2009 nous sont revenus en mémoire.
Nous avions été battus, nous avions versé notre sang et nous demandons toujours justice, nous disons encore arrêtez d’enfreindre la loi, abandonner votre conduite tyrannique ! Nous demandons toujours la compassion pour sauver l’humanité, car les prisonniers sont vraiment sans défense.
Je me sens étouffer. Donnez-moi un peu d’air.
Seyed Hossein Ronaghi Maleki
Prison d’Evine, section 350
Source : http://www.kaleme.com/1393/02/04/klm-182170/
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