lundi 24 août 2009

Téhéran: le feu sous la cendre

L’après-midi du 19 Août, le jour de commémoration du coup d’Etat anglo-américain du 28 Mordad 1332 (19 Août 1953), Téhéran parait étrangement calme. La chaleur est étouffante. La vie semble tourner au ralenti. Sur les avenues Enghelaab (Révolution) et Kaargar, l’épicentre de l’explosion de contestation post-électorale, seules les traces de bitume fondu rappellent l’ampleur des manifestations et le nombre impressionnant de bacs poubelle incendiés par les manifestants. La seule vue de l’entrée principale de l’Université de Téhéran donne des frissons et rappelle les visages d’ange des jeunes martyrs du mouvement vert. Dans quelques semaines, plusieurs milliers d’étudiants vont effectuer leur rentrée et peupler à nouveau ces dortoirs meurtris lors des premiers jours de la révolte.

Cela fait plusieurs semaines que la présence massive des forces de l’ordre rend tout rassemblement quasi impossible. Ahmadinejad joue les vedettes et fait son show en s’accaparant des médias d’Etat pour présenter son nouveau gouvernement. Les procès collectifs des opposants emprisonnés se poursuivent et les réquisitoires prononcés, malgré leurs contenus grossièrement mensongers, semblent donner l’initiative au gouvernement du coup d’Etat. Rafsanjani est de facto écarté de la prière du vendredi éloignant ainsi une nouvelle opportunité de manifestation. Etemaad-e Melli, le meilleur quotidien réformateur, est interdit de publication pour avoir condamné les exactions commises dans le centre de détention de Kahrizak. Les Allah-o Akbar criés sur les toits dans l’obscurité de la nuit ne semblent pas aussi vigoureux que lors des premières semaines.

Alors Téhéran résigné et rentré dans l’ordre? La révolte matée et la situation normalisée?

Il n’en est rien.

Il suffit de tendre l’oreille dans un taxi, devant un kiosque à journaux ou dans une épicerie pour entendre et sentir cette colère qui gronde et qui monte. Cette colère qui concentre des années d’humiliation et de frustration et qui est prête à exploser à tout moment. Il suffit d’un mot pour que les langues se délient, pour que les images rejaillissent et que les faits reviennent en force. Des jeunes racontent les violents coups de matraque qu’ils ont reçus alors qu’ils ne faisaient que manifester pacifiquement. Des infirmiers décrivent ces blessés qu’ils hospitalisaient anonymement en les dissimulant pour éviter leurs arrestations sur les sites hospitaliers. Ces aides-soignants qui ont vu des forces spéciales en moto briser les vitres de la porte d’entrée d’un hôpital pour pourchasser et frapper les manifestants dans l’enceinte d’un hôpital et y faire exploser des capsules de gaz lacrymogènes.

Téhéran, c’est le feu sous la cendre. Le régime et tout son arsenal répressif militaro-judiciaire ne font que souffler sur les braises, inconscients qu’ils marchent contre le cours de l’Histoire et que tôt ou tard, cette colère les emportera et le peuple iranien gagnera sa liberté.

2 commentaires:

  1. J'espère de tout coeur que vous voyez juste!

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  2. Teheran resigné,Teheran meurtri,Teheran choqué...mais Teheran fier , comme un bon père visant un avenir glorieux pour ces petits enfants qui s'initient en démocratie populaire...Fier d'etre Iranien,fier d'etre libre ,fier d'etre en prison en greve de faim que dehors ,faisant le ramadan!!...Mort aux dictateurs...Vive la jeunesse Iranienne!

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