samedi 26 juin 2010

Lettre pour la fête des pères de Shiva Nazar Ahari : « Papa, reste fort »

C’est la deuxième fête des pères consécutive que la militante des droits humains Shiva Nazar Ahari passe loin de chez elle. L’année dernière, alors qu’elle était derrière les barreaux du quartier 209 de la prison d’Evine, elle avait utilisé le stylo et le papier laissé dans sa cellule par son interrogateur pour écrire à son père. Lorsqu’elle fut libérée pour quelques mois, elle lui donna la lettre.

Le comité des droits humains publie cette lettre le jour de la fête des pères de cette année alors que Shiva est toujours en prison. Le 20 juin 2010 Shiva Nazar Ahari a été transférée du quartier 209 au quartier commun de la prison d’Evine.

Papa, reste fort

Par SHIVA NAZAR AHARI

Je n’étais pas présente le jour de la fête des mères pour embrasser les mains de maman et maintenant je ne suis pas présente pour toi le jour de la fête des pères. Cher Papa, tu n’as qu’un jour qui te soit consacré parmi les 365 d’une année. Que tes larmes coulent à travers les crevasses de ma solitude. Que tes larmes me noient parmi tous les crimes que je n’ai pas commis.

Papa, continue à pleurer. Tu as le droit de déverser ta douleur. Voilà des mois que je n’ai pas dormi dans la chambre contiguë à la tienne. Tu n’as pas de nouvelles de ta fille. C’est ta journée et une fois de plus je ne suis pas là. Papa, en dépit de toute la résistance que je déploie, tes mains manquent encore aux miennes. Papa, mes épaules meurent d’envie de sentir les tiennes. Même si je suis devenue adulte, même si je fais mes devoirs dans une prison appelée Evine, et même si j’ai acquis beaucoup de force, je sens encore qu’il me manque une partie de moi-même quand tu n’es pas là.

Cher papa, à chaque fois que je traverse une rue, mes mains cherchent les tiennes pour me sauver de la circulation. Chaque matin, je pleure, les mains contre les murs et je m’appuie sur le seul pouvoir de ma volonté.

Tu m’as appris à ne pas céder Tes mots, les histoires que tu me racontais au moment de me coucher ont donné un sens au mot résistance. Tu disais que l’injustice passerait et que la légende des gens de bien resterait.

Je ne veux pas être là où je suis. Tu m’as appris à y être. Je régurgite tes mots quotidiennement. Je ne veux pas permettre à toute cette solitude et à tout ce silence de me briser.

Papa, continue à pleurer mais ne pleure pas pour moi. Pleure pour une patrie qui envoie les meilleurs de ses enfants en prison. Mais reste fort papa. Mes épaules ont besoin de la force des tiennes. Il ne faut pas que ton dos se courbe sous la pression ou je n’aurais plus rien pour m’appuyer. Reste fort papa.

Source: http://persian2english.com/?p=12196



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