Nasrin Sotoudeh est née en 1963 dans une famille religieuse de classe moyenne. Elle a achevé ses études en droit international à l'Université Shahid Beheshti au début des années 90. Nasrin Sotoudeh a commencé son militantisme socio-politique en contribuant à la publication de "Daricheh Goftegoo", dirigée par un groupe de personnes proches de la mouvance nationaliste et religieuse (Melli-Mazhabi). Elle fut la seule femme à contribuer à cette publication. Pour son premier ouvrage dans le domaine des droits des femmes, Nasrin Sotoudeh a collecté divers interviews, reportages et articles à l'occasion du 8 Mars pour une parution dans un numéro spécial de Daricheh. La collection a été rejetée par le rédacteur en chef de la publication. Mais le rejet a encore renforcé la détermination de Sotoudeh à promouvoir les droits des femmes.
Nasrin Sotoudeh s’est marié avec Reza Khandan en 1994 et a eu deux enfants (Mehraveh, une jeune fille de 11 ans et Nima, un garçon de 3 ans). Nasrin a souligné que son conjoint, Reza Khandan, a été à ses côtés dans la plupart des difficultés et des turbulences de leur vie et l'a aidée dans l'accomplissement de ses activités sociales et juridiques.
Après avoir terminé sa maîtrise en droit international de l'Université Shahid Beheshti, Sotoudeh a passé avec succès l'examen du barreau en 1995. Toutefois, elle n’a pas eu le droit de pratiquer son métier pendant encore huit ans.
Les activités de Sotoudeh ne se sont pas limitées à sa profession juridique et à la représentation de ses clients. Elle a également travaillé à sensibiliser l’opinion dans les domaines sociaux et politiques. Au moment des « assassinats en chaîne » [une série de meurtres et de disparitions d'intellectuels iraniens et de dissidents dans les années 90], beaucoup de ses collègues et amis avaient été convoqués pour interrogatoire. Sotoudeh s'est senti obligée de les informer de leurs droits de base lors des convocations et des séances d’interrogation. Elle a préparé des pamphlets intitulés « Crimes Politiques » et les a distribués lors des réunions et des rassemblements.
Pendant les années de réforme, en plus de son militantisme social et juridique, elle a travaillé comme journaliste dans des quotidiens réformistes. Son premier article sur les droits des femmes a été publiée dans le journal "Jame'e". Après avoir obtenu l’autorisation d’exercer son métier, elle a commencé officiellement son travail d'avocat et a travaillé sans relâche en particulier dans les domaines des droits humains et des droits de l'enfant. Après le lancement de la campagne « Un million de signatures » et de la montée en puissance du mouvement des droits des femmes, elle a représenté beaucoup de militants et surtout ceux de cette campagne à titre gratuit. Son travail avec Shirin Ebadi dans le domaine des droits des femmes a augmenté l'intérêt de Sotoudeh pour ce sujet. Elle a commencé à proposer des travaux sur les droits des femmes dans les réunions officielles avec ses collègues. Bien qu'au début ces sujets n'aient pas été reçus avec enthousiasme, elle a continué son travail sans perdre espoir. Ces dernières années, Sotoudeh connaissait beaucoup mieux les féministes ce qui lui a permis d'adopter plus de cas de militants des droits des femmes.
Sotoudeh est un membre du conseil d'administration de la Société pour la défense des droits de l'enfant et l'un des premiers membres de la Campagne « Un Million de Signatures ». Elle est devenue l'un des avocats distingués et dévoués de cette campagne. De nombreux militants de la campagne qui ont été arrêtés, ont été en mesure de comparaître devant le tribunal avec le recours à son soutien immense et sincère et à son travail acharné. Depuis le début de la campagne et jusqu'à son arrestation il y a quelques jours, Nasrin a été la représentante légale de nombreux militants de la campagne.
En raison de ses travaux juridiques et du fait qu’elle représentait des militants des droits des femmes dans plusieurs tribunaux, l’Organisation Internationale des Droits de l’Homme en Italie lui a décerné le prix international des droits de l'Italie en 2008. La cérémonie a eu lieu dans la ville de Mirano en Italie le 10 Décembre 2008, le jour de l'anniversaire de l'adoption de la Déclaration universelle des droits humains par l'ONU. Malheureusement Nasrin a été interdite de voyage et n'a donc pas pu y assister.
Lors de l'élection présidentielle de 2009, Sotoudeh a pris part à la formation de la « Coalition des mouvements des droits des femmes pour exprimer leurs revendications lors de l'élection" et a activement milité pour mieux faire connaître les revendications des femmes dans la sphère publique afin qu'elles soient entendues par les candidats à l’élection présidentielle. Après l'élection, elle a montré son engagement envers l'égalité des droits et le droit des citoyens à choisir dans les élections en soutenant la « Coalition verte des Mouvements des droits des femmes ».
En plus de représenter des militants des droits des femmes, Nasrin Sotoudeh a aussi défendu de nombreux militants politiques, des enfants victimes d'abus, des mineurs condamnés à la peine capitale ainsi que de certains condamnés à mort après l’élection présidentielle de 2009.
Le 4 Septembre 2010, quelques jours après la perquisition de son domicile et de son bureau, Nasrin Sotoudeh a été convoquée au tribunal spécial de la prison d'Evin. Elle a été arrêtée sous les accusations de « propagande contre l'État» et «complot en vue de troubler l'ordre". Elle est emprisonnée depuis à la prison d'Evin. Elle a entamé une grève de la faim le 25 Septembre 2010.
Au tribunal révolutionnaire
Nasrin est enceinte de son second enfant. Malgré son état et sans faire attention à l’enfant qu’elle porte, elle n’arrête pas de monter et de descendre les escaliers du tribunal révolutionnaire pour défendre ses clients. Un jour, elle s’ést rendue au tribunal mais l’interrogatoire n’a pas eu lieu. A midi, les interrogateurs et les employés du tribunal se sont retirés pour déjeuner et pour prier. Nasrin a voulu quitter le tribunal pour y revenir le lendemain. Mais alors qu’elle s’apprêtait à franchir la porte, l’agent de sécurité l’a empêché de sortir car elle n’avait pas d’autorisation signée par l’interrogateur. Malgré l’insistance de ceux qui l’accompagnaient, qui répétaient à maintes reprises que Nasrin était une avocate et non pas une accusée, que la convocation pour l’interrogatoire était destinée à son client et non à elle, cet agent ne voulait rien entendre. Nasrin Sotoudeh était visiblement très énervée. Elle s’est assise sur un banc dans le salon du tribunal. Mais le banc était cassé et Nasrin est tombée, sa tête heurtant fortement le sol. Elle a inconsciemment crié de douleur mais elle s’est redressée immédiatement après pour crier cette fois en signe de protestation contre le manque de respect à l’égard des droits de l’accusé et des avocats. Ses clients l’avaient vue protester à de très nombreuses reprises contre la non application du droit.
Dernier mois de grossesse
Normalement, Nasrin était censée se reposer pendant le denier mois de sa grossesse. Mais pour elle, le repos et le fait de rester à son domicile n’avaient tout simplement pas de sens. Elle devait défendre à tout moment les droits de ses clients. Son courage, sa bravoure et son honnêteté dans la défense des accusés sont connus de tous ceux qu’elle a défendus.
Nasrin a toujours soutenu et accompagné les idéaux de justice de ses clients. Elle leur a toujours donné du courage. Lorsqu’elle n’avait pas encore l’autorisation d’exercer le métier d’avocat, elle essayait de faire avancer la cause des droits humains et des droits des femmes en Iran et écrivant des articles. Deux semaines avant la naissance de son enfant, elle trouvait l’énergie de s’opposer avec acharnement à un projet de loi dénommé « protection de la famille » et qui devait en réalité faire reculer encore plus le droit des femmes.
Grâce à ses activités bénévoles et ses services d’avocat pour lesquels elle ne réclamait jamais de l’argent, Nasrin Sotoudeh a permis à un grand nombre de personnes de se défendre. Elle a aussi été l’avocate de mineurs condamnés à mort.
Une telle personne mérite normalement d’être reconnue et non pas emprisonnée. Son crime a été son humanisme et l’amour qu’elle a toujours porté à l’égalité des citoyens.
Loin de sa mère, son fils Nima a fêté ses 3 ans
Un jour avant l’anniversaire de son fils de 3 ans Nima, dans un appel téléphonique extrêmement court, Nasrin a pu parler à sa fille Mehraveh pour lui dire qu’elle allait bien. Nasrin n’a pas pu fêter l’anniversaire de Nima. Elle n’a pas pu être à ses côtés. Mais les amis et les anciens clients de Nasrin ont fêté cet anniversaire pour que Nima ne ressente pas trop l’absence de sa mère. Il était possible de faire rire Nima mais que faire du regard averti et de Mehraveh ? On pouvait sentir l’inquiétude et l’insécurité dans ce regard. Avoir une mère aussi exceptionnelle dans ce pays est synonyme de perte de tranquillité.
L’enterrement du père de Nasrin
Malgré tous les efforts de sa famille, Nasrin n’a pas été autorisée à assister à l’enterrement de son père. Les autorités judiciaires et sécuritaires ont refusé qu’elle ait une courte permission pour enterrer son père. Comment a-t-elle fait le deuil de ce père dans l’isolement sans fin de cette cellule maudite ?
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